Partie en campagne «au nom du peuple» avant de revenir à ses fondamentaux sur l'immigration et la lutte antiterroriste, la patronne de l'extrême droite française Marine Le Pen rêve d'une victoire historique à la présidentielle, quinze ans après l'échec de son père.
La candidate du Front National, 48 ans, n'a pas réussi son pari d'arriver en tête du premier tour, devancée par le centriste Emmanuel Macron qui est donné gagnant par les premières estimations (23-24% contre 21,6-23%). Elle avait été longtemps donnée favorite du premier tour par les sondages, en capitalisant sur le ras-le-bol des "invisibles" confrontés au chômage et à la peur du déclassement et portée par une vague nationaliste en Europe.
Pour le second tour, les politologues la prédisent toutefois battue le 7 mai, du fait d'un report insuffisant des voix. La fille du cofondateur du Front National en 1972, Jean-Marie Le Pen, a débuté en février sa campagne sur le "patriotisme" et la "préférence nationale", se présentant comme la "candidate du peuple" face à "la droite du fric et la gauche du fric".
Ses sondages se tassant ces derniers jours, celle qui se décrit comme une «femme de caractère parfois abrupte» a durci ses discours et ajouté un «moratoire sur l'immigration légale» à ses engagements de campagne. Après l'attentat sur les Champs-Elysées à Paris, elle a exhorté d'une voix dure le président François Hollande à un «ultime sursaut», exigeant une «réponse sécuritaire plus globale» pour la France.
Son projet : en finir avec l'euro, taxer les produits importés. Mais aussi sortir la France des accords de libre-circulation de Schengen, ou expulser les étrangers fichés pour radicalisation. «Je reçois les insultes à la France comme si elles m'étaient adressées directement», dit-elle dans son clip électoral qui joue sur le registre de l'intime.
Dans ses réunions publiques, ses paroles, bues par des partisans de tous âges et milieux sociaux, sont traditionnellement ponctuées par un slogan scandé à gorge déployée : «On est chez nous!». Un «cri de xénophobie», selon ses adversaires. «Un cri d'amour» pour la France, rétorque-t-elle. Plusieurs de ses meetings, où elle adopte volontiers une posture martiale et des tenues assorties au drapeau national, ont été émaillés de manifestations d'opposants, assorties de heurts avec la police.
Soupçonnée d'avoir fait bénéficier des collaborateurs d'emplois fictifs au Parlement européen, elle a refusé de répondre à une convocation des juges en dénonçant une «cabale politique». La justice française a demandé au Parlement européen de lever son immunité.
«Nouvelle vision»
Depuis son accession à la tête du FN en 2011, prenant la suite de son père avec lequel elle est désormais brouillée, cette battante a écarté les cadres les plus marqués, militants antisémites, nostalgiques de l'Algérie française - voire de la collaboration avec l'Allemagne nazie - ou catholiques intégristes. Cette stratégie a payé: le parti est en progression constante à chaque élection.
Mais une récente déclaration rejetant la responsabilité de la France dans une rafle de juifs à Paris sous l'occupation nazie, pourtant officiellement reconnue depuis 1995, a réveillé des images oubliées, suscitant les foudres d'Israël. En quête de crédibilité internationale, elle a organisé plusieurs déplacements qui lui ont permis quelques coups d'éclat.
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En janvier, elle s'est affichée dans le hall de la Trump Tower à New York, sans pour autant rencontrer le président élu. Au Liban en février, elle a refusé de porter le voile pour rencontrer le mufti de la République. Fin mars, elle s'est entretenue avec Vladimir Poutine à Moscou.
La benjamine des trois filles Le Pen, mère de trois enfants, deux fois divorcée et aujourd'hui en couple avec un des vice-présidents du parti, n'était pas destinée à la politique. Sa soeur Marie-Caroline devait à l'origine reprendre le flambeau d'un parti dominé pendant près de quarante ans par leur père.
Mais la vie politique tumultueuse du FN et les brouilles familiales ont ouvert la voie à cette avocate de formation au tempérament volcanique.
En mai 2002, elle apparaît sur les plateaux de télévision au soir du second tour de la présidentielle remportée haut la main par Jacques Chirac, devant Jean-Marie Le Pen, et s'impose comme son héritière.