Immigration, Economie, Europe… à quoi ressemblerait la France dirigée par Marine Le Pen ?
Même si la marche reste encore élevée pour réunir plus de 50% des voix, la dirigeante d’extrême droite ne semble jamais avoir été si proche du pouvoir. Elle a déja esquissé les grandes lignes de son programme, qu'elle n'a pas chiffré pour le moment. Quelles seraient les conséquences de son éventuelle élection en mai prochain.
L'immigration drastiquement limitée
Que serait un projet du FN, sans un chapitre sur l’immigration ? Sur ce point, le parti d’extrême droite demeure constant depuis sa création en 1972. Seul le curseur a un peu changé, puisqu’en cas d’arrivée au pouvoir, Marine Le Pen n’empêcherait pas toute immigration, mais limiterait le nombre d’entrées légales sur le territoire français à 10.000 par an, contre environ 200.000 depuis une dizaine d’années.
"Il faut arrêter le regroupement familial et l'immigration, supprimer le droit du sol, modifier le code de la nationalité." #BFMPolitique
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 16 octobre 2016
Selon le responsable du programme économique du FN, le député européen (et futur ministre de l'Economie ?) Bernard Monot, cette limitation de l’immigration se ferait notamment en réduisant fortement le regroupement familial, l'accès au droit d'asile et l'immigration de travail. Cette politique permettrait à la France d’économiser environ 8 milliards d’euros par an, soit 40 milliards sur le quinquennat.
Mais est-ce bien réaliste ? Le regroupement familial a concerné environ 90.000 personnes en 2015. Si elle était élue en 2017, Marine Le Pen voudrait stopper ces arrivées, avec pour objectif d'atteindre zéro entrée légale. Sauf que l'interdiction du regroupement familial contreviendrait au «Droit à mener une vie privée et familiale», reconnu par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH). Difficile d'imaginer dans ces conditions qu'en cas d'élection, le FN puisse empêcher une personne régulièrement installée en France de faire venir sa famille. Surtout que 75% des gens qui souhaitent faire venir leurs proches, sont en réalité des Français...
Même chose pour le droit d'asile, que la Présidente souhaiterait limiter aux «cas qui le justifient réellement». En 2016, la France a enregistré 80.075 demandes d'asile, selon le dernier rapport de l'Office français des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Sur l'ensemble de ces demandes, 19.506 ont été acceptées, soit 24,3% seulement de réponses favorables. Limiter le nombre d'entrées globales à 10.000 sur un an, reviendrait à diviser au moins par deux le nombre de réfugiés, une politique qui serait sanctionnée par la Cour européenne des Droits de l'Homme.
Concernant l'immigration de travail, la Présidente d'extrême-droite souhaiterait restreindre l'arrivée de travailleurs étrangers, aux seuls secteurs en tensions. En 2015, ils ont été un peu moins de 20.000, étrangers extra-communautaires, à venir travailler en France. Mais le contingent le plus important est évidemment celui des travailleurs européens. La France en a accueilli cette année environ 400.000, soit l'équivalent d'une ville comme Toulouse. Pour limiter les entrées légales à 10.000 par an, il faudrait donc réduire l'immigration de 2.500%...
Le 8 décembre, Marine Le Pen avait dit vouloir mettre fin à l'éducation gratuite pour les enfants étrangers : «Si vous venez dans notre pays, ne vous attendez pas à ce que vous soyez pris en charge, à être soignés, que vos enfants soient éduqués gratuitement, maintenant c'est terminé, c'est la fin de la récréation!».
Mais, selon nos confrères de Challenges, elle est serait revenue sur ces deux propositions. Priver les enfants étrangers d'éducation serait contraire à la Constitution, aux lois Ferry sur l'enseignement primaire obligatoire, laïque et gratuit, mais aussi à la Déclaration Universelle des droits de l'homme et à la circulaire ministérielle du 6 juin 1991.
La loi El Khomri abrogée
Marine Le Pen souhaite abroger la loi El Khomri sur le travail, qu'elle juge «néfaste». En revanche, elle a affirmé au Parisien dimanche 8 janvier qu'elle n'avait pas l'intention de revenir sur les trente-cinq heures, tout en ouvrant la voie à une négociation branche par branche. «On pourra donc, en fonction de ces négociations, travailler trente-neuf heures mais payées trente-neuf !», a-t-elle précisé.
La candidate du Front National souhaite également mettre en place un «protectionnisme intelligent, piloté par un Etat stratège» et «un patriotisme économique», qui se traduirait notamment par une augmentation des droits de douane, et donc des prix à la consommation.
L'euro remis en cause
«L'euro est un obstacle majeur au développement de notre économie», estime Marine Le Pen. Si elle était élue, la candidate mettrait en place plusieurs propositions chocs sur le plan économique. Parmi lesquelles, l'organisation d'un sommet européen pour tenter de renégocier les traités européens et retrouver des marges de manœuvre, notamment sur l'euro. La leader d'extrême droite le rappelle régulièrement : elle souhaite dévaluer la monnaie pour redynamiser l’industrie française. Mais est-ce réellement faisable et quelles en seraient les conséquences ?
La potentielle nouvelle présidente a déjà annoncé, qu’en cas d’échec des négociations, elle proposerait aux Français un référendum sur la sortie de l’euro. Aucun pays n'a jusqu'à présent entrepris une telle démarche. Seuls les électeurs britanniques ont voté en juin par référendum pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Comme le répètent régulièrement ses détracteurs, une sortie de la monnaie unique ne ferait pas fondre les économies des Français, mais elle aurait pour conséquence, notamment, de provoquer une fuite massive de capitaux. Les investisseurs retireraient leurs fonds placés en France (Bourse, banques...) pour les investir en dehors des frontières héxagonales.
Une sortie de l'euro, provoquerait également une hausse des taux d'intérêts pour la dette française. Les marchés financiers prêtent à la France parce que sa signature est jugée crédible et parce qu'elle appartient à un ensemble politique et monétaire, l'Union européenne, qui témoigne d'un environnement stable. En cas de retour à un équivalent du «franc» ou à un passage à un «nouvel euro», les investisseurs pourraient se détourner de Paris.
C'est peut être pour éviter ces conséquences néfastes que Marine Le Pen a sensiblement revu son projet. Le 25 janvier, elle a ainsi déclaré sur Europe 1 vouloir une «monnaie nationale» pour les Français au quotidien, et une autre pour les Etats et les grandes entreprises.
«Pour les Français il y aura une monnaie, c’est leur monnaie nationale, c’est celle qu’ils auront dans leur portefeuille, il n’y aura pas deux monnaies, a souligné la présidente du Front national. En revanche, il est possible d’envisager pour les entreprises, ce qui a existé par le passé, qui était l’Ecu, une monnaie commune. C’est un peu compliqué, ça ne touche pas les 60 millions de Français, ça touche exclusivement les États ou les grandes entreprises».
Une «prime de pouvoir d'achat» instaurée pour les bas revenus
Marine Le Pen a annoncé qu'elle souhaitait mettre en place une «prime de pouvoir d'achat» pour les bas revenus et les petites retraites jusqu'à 1.500 euros par mois. Cette prime devrait prendre la forme d'un crédit d'impôt de 200 euros. Elle viendrait remplacer la baisse de 200 euros de cotisations sur les bas salaires jusqu’à 1,4 Smic évoquée que le FN évoquait dans son programme du 2012, qui permettait d’afficher une hausse du Smic.
L'âge de départ à la retraite ramené à 60 ans
Marine Le Pen promet le retour de l’âge de départ à la retraite à 60 ans, contre 62 ans aujourd’hui, après 40 ans de cotisations, contre 41,5 ans actuellement et 43,5 ans à l’horizon 2035. Une mesure estimée à près de 15 milliards d'euros.
La préférence nationale instaurée
Evoquée en filigrane, la préférence nationale se retrouve sur plusieurs de ses propositions. Les logements sociaux seraient attribués en priorité aux Français, la taxe de 3% sur les importations serait maintenue et un nouvel étiquetage obligatoire des produits «fabriqués en France» serait mis en place. De même, les marchés publics seraient réservés aux entreprises françaises, qui risquent de profiter de cette concurrence limitée pour monter leurs tarifs.
Fiscalité : l'impôt pour les sociétés de taille moyenne réduit
Les entreprises de taille moyenne profiteraient d’un impôt sur les sociétés réduit à 24 % (au lieu de 33%) et le taux de 15 % serait maintenu pour les plus petites entreprises. Les Français des classes moyennes bénéficieraient d’une diminution de 10 % des taux des trois premières tranches de l’impôt sur le revenu. Les donations des parents à leurs enfants seraient exonérées d’impôt dans la limite de 100.000 euros par enfant tous les cinq ans et de 50.000 euros pour les petits-enfants.
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Santé : une chasse à la fraude sociale
Marine Le Pen affirme ne pas vouloir remettre en cause le tiers payant, auquel elle s'est pourtante dite hostile. «Il sera assez facile de dresser le bilan de cette réforme. Et si ce bilan est négatif, et je pense qu'il le sera, de revenir dessus», a-t-elle expliqué. La candidate souhaite également généraliser les médicaments génériques et «la mise en oeuvre d'une véritable politique de lutte contre la fraude sociale».
Pas de rétablissement de la peine de mort
Alors que, comme son parti, Marine Le Pen s'était toujours dite favorable à la peine de mort, elle est revenue sur cette position le 1er février. Alors qu'elle estimait en mars 2015 que «le système pénal ne peut pas tenir sans la peine capitale», elle a annoncé qu'elle privilégiait désormais la «perpétuité réelle». Elle n'exlut pas toutefois de trancher la question par un référendum.
Education : priorité à l'école primaire
La candidate Front National envisage de supprimer le collège unique et de mettre en place le retour à l'apprentissage dès 14 ans. Elle souhaite également «mettre le paquet surl'école primaire avec un système qui permette à chaque enfant d'avoir ses acquis fondamentaux à la fin de ce cycle». Elle veut aussi «tout remettre sur la table» en matière de rythmes scolaires.
Un impôt pour tous
Dernier changement important en cas de succès de Marine Le Pen aux élections présidentielles, l’instauration d’un impôt pour tous, une mesure régulièrement proposée par les responsables politiques. Avec le FN au pouvoir, tous les Français paieraient l’impôt sur le revenu (IR), même symboliquement. En 2016, seulement un Français sur deux payait l'impôt sur le revenu pour un montal annuel de 72,3 milliards d'euros, selon le dernier projet de loi de Finances. Concrètement, Marine Le Pen souhaite que la masse de ces prélèvements soit répartie sur les 38 millions de contribuables.
Le mariage pour tous remise en cause
Marine Le Pen a rappelé, lors de son passage dans «l'émission politique» le 8 février, qu'emme était opposée au mariage homosexuel, «car (elle est) pour que la filiation soit réservée à un papa et une maman».