Cible d'attaques à répétition, la communauté juive s'interroge sur la manière de se protéger contre la haine. Quitte à envisager un départ.
L’histoire se répète, inlassablement. L’agression à la machette d’un enseignant juif, lundi à Marseille, par un adolescent se revendiquant de Daesh, plonge une nouvelle fois la communauté israélite de France dans l’inquiétude. Car, en plus du climat de guerre qui règne actuellement parmi la population, elle doit gérer le fait d’être une cible désignée pour les attaques terroristes ou les actes isolés.
Représentant la plus forte population de cette confession en Europe (environ 500 000 membres), les juifs de France hésitent aujourd’hui sur le comportement à adopter face à la menace.
La kippa comme symbole
Un débat cristallise aujourd’hui la peur qui hante la communauté : celui sur le port de la kippa dans l’espace public. Malgré la présence rassurante et acceptée de milliers de soldats et policiers devant plus de 700 synagogues, écoles et centres communautaires, le président du Consistoire israélite de Marseille, Zvi Ammar, a incité mardi, la mort dans l’âme, les juifs à ne pas porter leur couvre-chef dans la rue, «jusqu’à des jours meilleurs».
Un appel qui a suscité de vives réactions, car derrière ce symbole religieux se pose une question essentielle : faut-il se cacher pour se protéger, ou vivre normalement pour conjurer la haine ? Selon le grand rabbin de France, Haïm Korsia, la solution est de faire face en «ne cédant à rien». Car le contraire traduirait «une attitude de renoncement», abonde le président du Crif, Roger Cukierman, pour qui la «dignité» et «l’honneur» des juifs sont aujourd’hui en jeu.
En n’assumant pas pleinement ses origines et sa confession, cela reviendrait, d’après lui, à «donner la victoire aux jihadistes». Inquiète, la classe politique l’est tout autant. Là encore, les avis divergent, mais la pensée générale est unanime, illustrée par les paroles prononcées mercredi par Xavier Bertrand (LR) : «Si on baisse la tête, la France ne sera plus vraiment la France.»
Quitter la France pour Israël ?
Même si les juifs sont nombreux à ne pas vouloir céder à la psychose, la question d’un départ se pose plus que jamais. Notamment en Israël. Dans ce domaine, 2014 avait été historique, avec 7 200 personnes ayant effectué leur alyah («montée» vers l’Etat hébreu), selon l’Agence juive. L’année 2015 l’a été davantage, avec 7 900 départs, faisant de la France le premier pays d’émigration vers Israël, devant les Etats-Unis.
Et si le facteur «anxiété» n’est pas le seul à entrer en compte, il en a accéléré le processus, notent les spécialistes. D’autant qu’Israël facilite l’installation sur son territoire, via la reconnaissance de certains diplômes professionnels. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, avait incité l’an dernier les juifs à venir. Un défi pour la France, qui perdrait là une partie d’elle-même.