Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
Première semaine de janvier
C’est le grand retour – pour ceux qui ont eu la chance, le privilège, ou le mérite, de pouvoir partir en vacances. Autant l’actualité avait semblé atone, vide, pendant la trêve des confiseurs, autant, soudain, tout redémarre. Comme si on avait appuyé sur un bouton invisible, marqué «ACTU», pour que, à travers la presse, comme à travers les réseaux sociaux, le superficiel et l’important déferlent sur l’opinion publique. Essayons de faire le tri : Ce sera l’année des primaires.
En France, celle de droite, pour laquelle, d’ores et déjà, les protagonistes (Juppé, Sarkozy, Fillon, Le Maire, et peut-être, demain, qui sait, Wauquiez ?) affichent leurs différences, installent leurs bureaux et consolident leurs équipes. Les primaires n’auront lieu qu’en novembre (en principe), et pour les pros de la politique, novembre, c’est demain matin. Mais pour le public ? Va-t-il pouvoir s’intéresser à ce qui peut dégénérer en conflit interne pendant onze mois ? D’autres primaires vont se dérouler outre-Atlantique, aux Etats-Unis.
Difficile de croire qu’Hillary Clinton ne les gagnera pas chez les démocrates. Au passage, notez que l’épouse de l’ex-président Bill Clinton bénéficie d’une notoriété tellement vaste qu’on l’appelle exclusivement, ou presque, par son prénom. C’est «Hillary», tout court. Cela veut dire que vous avez pénétré l’inconscient collectif, que vous êtes devenu familier, ou familière, ce qui, évidemment, n’est pas le cas, côté Parti républicain, effrayé par l’ogre clownesque et démagogique Donald Trump. Les primaires, de ce côté-là de la vie politique américaine, sont imprévisibles et annoncent du désordre, voire de l’embarras.
Ce sera l’année de la continuité. Le cliché de l’année nouvelle n’est qu’un cliché. Ce n’est pas parce que le calendrier est repassé à une feuille vierge, que, d’un seul coup, tout change. Les événements mondiaux (Daesh n’est pas terrassé, loin de là – le chaos s’installe entre l’Iran et l’Arabie Saoudite – la Libye n’a jamais été aussi fragile – etc.) ne font que se développer, avec des conséquences inconnues et des causes qui remontent à bien plus loin que 2015 ou 2016. Et puis, il y a les migrants. Il ne faut quand même pas s’imaginer que leur incessante fuite vers ce qu’ils croient être le «paradis européen» s’était interrompue entre Noël et le nouvel an.
Ils ont, hommes, femmes, enfants, continué de monter dans des embarcations de fortune, au risque de noyades. Ils n’ont jamais arrêté de marcher. En France, la disparition quasi simultanée de deux artistes – un de la chanson, l’autre du théâtre et du cinéma – , Delpech et Galabru, aura permis de mesurer que seule la mort transforme une vie en destin. Il faut que s’en aillent deux artistes populaires – très populaires et très talentueux – pour qu’on reconnaisse, enfin, leur place dans l’histoire du spectacle, qu’on les situe, cette fois de façon juste, alors que, de leur vivant, leur identité «populaire» était presque un handicap aux yeux de certains critiques.
Delpech avait su traduire l’air d’une époque avec des mélodies simples et des mots clairs. Quant à Galabru, c’était, sans exagération, une sorte de génie de la farce, de la truculence, le comique qui avoisine la tragédie, la crédibilité dans n’importe quel rôle, et puis cet accent irrésistible qu’il utilisait dans Feydeau, Molière, Pagnol… En une seule réplique, qui durait quelques secondes, dans une scène – culte – des Ch’tis, Galabru, de sa voix caverneuse prononçait : «c’est le NORD !» Et voilà qu’avec ce moment hilarant, il était venu rappeler au «métier» comme au grand public, qu’il était, à sa manière, unique, formidable. Ou plutôt : «forrmidaaable».