L'ancien trader de la Société générale, Jérôme Kerviel, a annoncé samedi qu'il ne rentrerait pas en France et demandait au président François Hollande de se prononcer sur une mesure d'immunité en faveur de personnes parties prenantes au dossier de la banque.
"J'attends côté italien la réponse de François Hollande", a-t-il dit, ajoutant : "s'ils veulent venir me chercher, qu'ils viennent" alors qu'il se trouvait tout près de la frontière, à quelques dizaines de mètres du territoire français.
L'homme qui marche sur les chemins d'Italie depuis le 5 mars, après une rencontre décisive avec le pape François à Rome en février, devait passer la ligne d'un ancien poste-frontière désaffecté situé sur le bord de mer de Menton samedi vers 15h00. Accueilli par son comité de soutien et nul doute une haie de caméras.
Avant celà, Jérôme Kerviel s'est rendu à l'église de Vintimile afin d'assister à la messe.
Un comité de soutien s'est monté derrière l'ancien trader qui comporte notamment dans ses rangs Mgr Jean-Michel di Falco, son président.
A tous mes amis, à vous tous qui me soutenez : Merci du fond du cœur d être à mes côtés dans ce combat depuis 6 ans. Je vous aime.
— Kerviel Jérôme (@kerviel_j) 17 Mai 2014
La justice a intimé à Jérôme Kerviel de se présenter de lui-même au commissariat de Menton avant dimanche soir. Il attendra de passer la frontière samedi pour dévoiler ses intentions, a précisé vendredi soir son avocat, Me David Koubbi.
En octobre 2010, Kerviel, jugé seul responsable de la perte subie par sa banque et coupable de tous les chefs retenus, avait été condamné à cinq ans de prison dont trois ferme, peine exécutoire dont il a déjà purgé 41 jours, en détention provisoire début 2008.
Le trader avait dissimulé (en introduisant de fausses données dans un système automatisé) ses prises de risques sur des produits financiers dérivés, entraînant une perte abyssale de 4,9 milliards d'euros pour la Société Générale.
- Nouveau procès -
Alors qu'il était aussi condamné en 2010 à rembourser cette somme, la Cour de cassation a créé un coup de théâtre en mars dernier en cassant cette obligation - tout en confirmant la condamnation à cinq ans de prison dont trois ferme. Une "victoire" pour l'ex-trader ruiné qui accuse sa banque d'avoir "menti". Un nouveau procès doit se tenir devant la cour d'appel de Versailles.
Jérôme Kerviel réclame depuis plusieurs années une expertise indépendante des pertes enregistrées par son ancienne banque, ce qui lui a toujours été refusé par la justice.
Montré du doigt lorsque l'affaire éclata en janvier 2008, Jérôme Kerviel a désormais l'image d'un pèlerin marchant pour sa rédemption, s'extasiant de la "richesse" des hommes et femmes rencontrés sur son chemin, tout en se présentant comme une victime de sa banque.
Son comité de soutien, très actif sur internet, compte dans ses rangs le médiatique évêque de Gap et d'Embrun, Mgr Jean-Michel di Falco, ou encore le sénateur communiste Eric Bocquet, qui ont écrit cette semaine à François Hollande pour que leur protégé ne soit pas incarcéré immédiatement. Il jouit aussi de soutiens politiques comme celui de Jean-Luc Mélenchon, qui défend "un garçon innocent".
Le syndicat CGT de la Société Générale est moins tendre avec l'ancien trader, estimant que "l’Eglise et la +gauche+ se sont fait piéger" par ce tardif repentir d'un homme coupable devant la loi. La direction de la banque dit avoir surtout une pensée pour "les victimes" de Kerviel.
A la veille de son arrivée en France, Jérôme Kerviel a pourtant expliqué sur toutes les ondes qu'il était un homme changé. Se défendant de vivre une crise mystique, ce croyant non pratiquant parle néanmoins d'une marche "purificatrice".
"J'ai pris la route sans savoir pourquoi, et ça m'est venu après", dit-il. "J'ai retrouvé des valeurs qui étaient les miennes, transmises par mes parents".
"Mon quotidien, c'était de faire du fric pour la banque, c'était mon seul objectif, à tout prix, peu importe la morale, peu importe l'éthique", avoue Kerviel. "Au cours de ce périple en Italie, j'ai rencontré des gens qui ont souffert de la crise provoquée en grande partie par les banques. J'ai de nombreux messages de commerçants et d'artisans chaque jour qui me disent quelles difficultés ils ont avec leur banque qui ne leur prête plus", ajoute-t-il.