Clinique transformée en résidence sociale à Bondy (Seine-saint-Denis), taudis ou chambrettes délabrées à : faute d'une offre locative suffisante, de nombreuses familles n'ont pas d'alternative au logement insalubre malgré les risques pour leur santé.
"C'est la catastrophe, il n'y a pas de sécurité ici, il y a des cafards. Avec des enfants on s'inquiète beaucoup, mais on n'a pas d'autre endroit où aller", témoigne une mère de deux enfants, montrant tous les recoins de cette chambrette jadis dédiée aux patients de la clinique Michelet de Bondy.
Ulcérée par la vétusté, les odeurs nauséabondes et l'exiguïté des locaux, la famille a fait condamner le propriétaire à l'indemniser.
L'ancienne clinique n'est pas un cas isolé. A Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et à Clichy-sous-Bois (Seine-saint-Denis) notamment, des marchands de sommeil ont également été condamnés, et des procédures judiciaires sont en cours, selon l'association Droit au logement (Dal).
Pour le Dal, les marchands de sommeil jouent sur la peur: "Les gens ont peur de dénoncer leurs bailleurs et de les affronter, ils acceptent alors des mini-chambres ou des logements très dégradés parce qu'entre la rue et le taudis ils préfèrent le taudis", explique son porte-parole Jean-Baptiste Eyraud.
"J'ai envoyé des courriers, mais c'est toujours la même réponse: +Il faut attendre+", mais nous on est en train de souffrir, ça va de pire en pire", dénonce Setti Rezali dans sa bicoque du 18e arrondissement de Paris, montrant des câbles électriques mal isolés et un mur éventré laissant voir passer l'air frais.
La bicoque fait partie des "500.000 logements indignes occupés, qui sont dangereux, dont une bonne partie en Ile-de-France, sachant qu'en France il y a 32 millions de logements, ça fait en gros un bon million d'habitants", précise Michel Polge, directeur du Pôle national de Lutte contre l'habitat indigne (PNLHI).
Plus globalement, le mal-logement concerne 3,6 millions de personnes, dont 2,8 millions d'entre elles "vivent dans l'inconfort", selon la Fondation Abbé Pierre.
Dans ces conditions, le squat devient un recours pour certains d'entre eux. "C'est l'une des formes les plus fragiles puisqu'on est face à des occupations sans droit ni titre, donc des gens qui sont moins bien protégés", explique la sociologue Florence Bouillon, auteure de l'ouvrage "Les mondes du squat" (PUF, 2009) qui observe "une augmentation du phénomène".
Plus d'un tiers des logements déclarés insalubres sont localisés en Ile-de-France, soit 35% des arrêtés d'insalubrité prononcés en 2010, selon l'Agence régionale de santé (ARS).
Un volet du Programme national de rénovation urbaine (PNRU) est consacré depuis le 25 mars 2009 aux quartiers anciens les plus dégradés, qui présentent "soit une concentration élevée d'habitat indigne et une situation économique et sociale des habitants particulièrement difficile, soit une part élevée d'habitat dégradé vacant et un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements", précise la loi de mobilisation pour le logement. 25 quartiers anciens, dont sept en Ile-de-France ont déjà été ciblés.
"On est le cinquième pays le plus riche du monde et on a encore un nombre anormal de gens qui vivent dans des logements d'un autre siècle", s'indigne M. Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
"Quand manifestement un logement devient insalubre, il faut prendre des mesures d'interdiction de louer ou d'obligation de travaux, ou il faut que l'Etat le fasse aux frais du propriétaire", préconise, de son côté, Jean-Baptiste Eyraud.