"C'est la vraie gendarmerie?": interloqués, de nombreux vacanciers ne cachent pas leur surprise en voyant glisser sur l'eau quatre gendarmes en canoë, patrouillant au coeur des majestueuses Gorges de l'Ardèche, et à l'affût du moindre comportement risqué.
"Les gens sont toujours très étonnés de nous voir, parfois ils nous demandent si on est de vrais gendarmes, je leur dis +oui le carnaval c'est pas en ce moment!+", raconte le gendarme Freddy Tinchon, en tee-shirt et short réglementaires, pagayant à bord d'un canoë bleu aux armes de la gendarmerie nationale.
La plupart du temps "les gens réagissent très bien", ajoute-t-il, souriant sous sa casquette et scrutant les deux côtés de la rive.
Son canoë bifurque soudain vers la gauche. Freddy a repéré un jeune homme assis au bord de l'eau qui a apparemment préparé un bivouac pour la nuit: "Le camping est interdit, faire du feu aussi. Je vois que vous avez une grille pour le barbecue, on repassera voir tout à l'heure!", avertit le gendarme.
"Nous faisons beaucoup de prévention, et parfois nous pouvons dresser des procès- verbaux", explique Freddy. Ses principales interventions ont trait au port du gilet de sauvetage, que souvent les vacanciers négligent: "tout le long de la descente de l'Ardèche on dit aux gens que c'est obligatoire", rappelle Freddy Tinchon.
Il prévient gentiment une première fois, s'il recroise les réticents plus loin, alors il verbalise.
"Un jour, j'ai vu un couple qui avait installé au milieu du canoë un couffin où dormait un bébé de deux mois! Comme c'était leur canoë privé, je n'ai rien pu faire, on ne peut intervenir que sur les embarcations louées", enrage-t-il encore à l'évocation de ce souvenir.
Seuls deux lieux de bivouacs dénommés Gaud et Gournier sont autorisés dans les Gorges de l'Ardèche. Un arrêté préfectoral pris en juin 2011 interdit même la consommation d'alcool dans cette réserve naturelle nationale de 1.575 ha.
Chaque été la population de Vallon et de ses environs est multipliée par dix, passant de 15.000 à 150.000 habitants. Les Gorges voient ainsi passer 3.000 à 4.000 canoës par jour avec des dizaines de milliers de touristes de toute la France, d'Allemagne, de Belgique et de Hollande.
Les "pirates" de l'Ardèche
En cette pleine saison estivale, Freddy est justement épaulé par deux policiers Allemands et Néerlandais. Maren Schäfer, 25 ans, jeune policière allemande, a embarqué derrière Freddy: "Les touristes allemands sont très surpris de me rencontrer ici, ils me posent plein de questions", dit la jeune femme, ravie de son expérience.
Son homologue néerlandais, Klaas Deboer, explique faire "le même travail que les confrères français": "On participe aussi aux enquêtes lorsque des Hollandais sont en garde à vue".
Sur l'eau, il intervient souvent comme au "rapide des Branches" où une Hollandaise s'est ouvert la tête en chavirant. Il la réconforte, traduit pour les pompiers et donne au mari les indications pour aller la chercher au centre de santé.
Pendant que Klaas intervient, Freddy est parti en chasse contre des "pirates de l'Ardèche": ce nom désigne ceux qui, dans des rapides "font des barrages pour bloquer un passage facile" afin "d'envoyer les gens vers des rapides plus dangereux".
"Ils veulent piéger les gens et récupérer leurs affaires tombées à l'eau", explique Freddy, qui enlève les cailloux à la main pour défaire le barrage. Soudain, il se redresse et se met à courir pour secourir un enfant coincé sous un canoë retourné au milieu du rapide. Plus de peur que de mal.