Le juge des référés du TGI de Marseille a condamné lundi une agence de voyages, après que des sourds et mal-entendants se sont vu interdire l'embarquement à bord d'un avion en septembre 2011, dans une ordonnance de référé dont l'AFP a eu copie.
Dans la nuit du 17 au 18 septembre, vingt-deux personnes, dont 18 sourds et trois mal-entendants, avaient été refusées, pour raisons de "sécurité", à l'embarquement à Marseille d'un vol de la compagnie Hermès, filiale d'Air Méditerranée, pour la Turquie. Elles devaient y effectuer un séjour d'une semaine organisé par le tour-operator Fram et acheté auprès d'une agence marseillaise, Castellane Voyages.
Mais les vacances avaient tourné court et le groupe de voyageurs avait crié à la discrimination, relayé par la ministre des Solidarités d'alors, Roselyne Bachelot.
Depuis, faute d'avoir trouvé un accord à l'amiable pour le remboursement des billets et une indemnisation des malheureux passagers, toutes les parties avaient saisi la justice en février-mars, les sourds assignant en référé l'agence de voyages, celle-ci attaquant le tour-operator et celui-ci se retournant contre la compagnie aérienne.
A l'audience le 16 avril, tout le monde s'était renvoyé la balle, mais le tribunal a tranché: c'est l'agence de voyages qui est responsable du fiasco, faute d'avoir informé le tour-operator du handicap de ses clients. Information qui aurait permis à Fram d'en avertir Hermès, afin que celle-ci prenne ses dispositions en matière d'équipage pour pouvoir accueillir des personnes à mobilité réduite, comme l'impose le règlement européen en la matière.
"Les 22 requérants, qui ont la particularité de présenter un handicap sensoriel permanent, ne pouvaient embarquer pour des raisons tenant à leur propre sécurité qu'à la condition que la compagnie aérienne dispose de personnels supplémentaires", indique l'ordonnance, en vertu d'un règlement européen du 5 juillet 2006.
Mais le juge souligne que "si la compagnie aérienne a l'obligation de mettre en pareilles conditions, à ses propres frais, du personnel navigant supplémentaire pour éviter toute discrimination, encore faut-il qu'elle soit avertie au préalable de la particularité de ses clients", en temps voulu et "de préférence par écrit", ce dont Castellane Voyages n'a pas justifié.
Et de conclure que le litige prend naissance "dans un défaut d'information" sur la particularité des voyageurs, "imputable à la seule agence".
Le juge des référés a ainsi condamné l'agence Castellane Voyages à verser à chacun des passagers la somme de 2.500 euros, soit 55.000 euros au total, pour rembourser leur voyage et indemniser leur préjudice, ainsi qu'une somme globale de 3.500 euros au titre des frais de justice. Les requérants, qui n'ont toujours pas reçu un centime, réclamaient, outre le remboursement des billets, beaucoup plus: 15.000 euros chacun au titre du préjudice moral.