Le procès de l’ex-maire PS Mélanie Boulanger a été suspendu ce lundi 27 mai à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Jugée aux côté de 18 autres prévenus, elle est poursuivie pour complicité dans une vaste affaire de trafic de drogues à Canteleu, près de Rouen (Seine-Maritime).
A peine ouvert, le procès de l’ancienne maire PS de Canteleu (Seine-Maritime) a été suspendu ce lundi 27 mai, pour des raisons procédurales. Aux côtés de 18 autres prévenus, Mélanie Boulanger comparaissait devant le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour complicité de trafic de stupéfiants. Elle est notamment soupçonnée d’avoir, sous couvert d’un discours public offensif contre les trafics, fait pression sur les services de police pour qu’ils ne gênent pas les affaires des trafiquants dans sa ville.
Cette suspension doit courir jusqu'à la semaine prochaine puisque la 13e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny a mis l'affaire «en continuation» au 3 juin, dans l'attente d'un éventuel examen d'un pourvoi en cassation. La poursuite hypothétique du procès, prévu pour durer un mois, dépendra de la haute juridiction.
Décrit comme tentaculaire, le dossier Canteleu a nécessité deux ans d'enquête. A la tête de la municipalité depuis 2014, Mélanie Boulanger, ancienne tête de liste PS-EELV aux élections régionales de juin 2021 en Normandie, a été arrêtée en octobre 2021 et mise en examen pour complicité en avril 2022.
L'ancienne maire nie les faits
Cette professionnelle de la politique, qui a grandi dans l’ombre de Laurent Fabius, a quitté la vie publique en début d’année, en invoquant des «raisons de santé», après son renvoi devant la justice. Ce lundi, au tribunal, à la lecture des chefs de prévention la visant, Melanie Boulanger a déclaré d'une voix forte : «Je les réfute».
Elle s'est d'ailleurs dans un premier temps installée dans la salle à l'écart des autres prévenus, jusqu'à ce que le président, Jean-Baptiste Acchiardi, l'enjoigne à s'asseoir sur les bancs des trafiquants présumés. Ils sont soupçonnés d'avoir été les principaux acteurs du réseau : les têtes, leurs lieutenants, des fournisseurs mais aussi des blanchisseurs.
L’affaire a débuté en septembre 2019 avec l’arrestation, sur un parking de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), de deux suspects procédant à une transaction de drogue. L’un était porteur de 50.000 euros en liquide, l’autre de 2 kg de cocaïne pure à 80%. Les investigations sur l’acheteur ont rapidement amené les policiers de Seine-Saint-Denis à Canteleu, base de la famille Meziani, soupçonnée d’être l’un des principaux acteurs du trafic de drogue dans la région de Rouen.
Canabis, héroïne et cocaïne
Les investigations ont mis au jour un important réseau d’importation et de vente de stupéfiants, écoulant aussi bien du cannabis que de l’héroïne et de la cocaïne. Selon les estimations des policiers, leur organisation a engrangé plus de 10 millions d’euros de bénéfices annuels rien que pour la cocaïne et l’héroïne.
L’information judiciaire menée à Bobigny s’est volontairement concentrée sur la fratrie Meziani, tête présumée du réseau. Le grand chef présumé, l'un des frères, s’est mis à l’abri de la justice française en fuyant au Maroc durant l’enquête. Il sera donc jugé en son absence.
Des éléments suggèrent que cette famille a entretenu des liens ambigus avec Mélanie Boulanger via son adjoint Hasbi Colak, également poursuivi. Dans une conversation téléphonique sur écoute, l'un des frères a notamment menacé l'élue de mettre la commune à feu et à sang, tous en lui promettant de garantir sa réélection et l'ordre public à Canteleu si elle rendait le service qu'il lui demandait.
Après la suspension du procès, l'avocat de l'ancienne maire, Arnaud de Saint-Rémy, a insisté sur le fait que sa cliente attend «que son honneur lui soit rendu». «Cela fait des mois que son nom est jeté à la vindicte et en pâture, au mépris de la présomption d'innocence», a-t-il fustigé.
L'avocat d'Hasbi Colak, soupçonné d'avoir relayé les demandes des trafiquants auprès de Mélanie Boulanger, a lui aussi démenti l'ensemble des accusations formulées contre son client. «Nous attendons ce procès avec une certaine impatience, pour pouvoir démontrer de façon très claire et très précise qu’il n’a strictement rien à se reprocher», a déclaré Jérémy Kalfon.