Le palmarès des «Mangrove Photography Awards 2024» a été dévoilé. Ce concours international récompense chaque année, les meilleures photos de mangrove, l'un des écosystèmes les plus précieux et les plus menacés de la planète.
Le jury des «Mangrove Photography Awards 2024» a annoncé, le 26 juillet dernier, ses lauréats, au cours de la Journée internationale de la conservation de l'écosystème de la mangrove.
Pour la deuxième année consécutive, la plus haute distinction du concours a été attribuée à un photographe indien. Supratim Bhattacharjee a été couronné «Photographe de mangrove de l'année» pour «Sinking Sundarbans», une photo puissante d'une jeune Indienne dont le salon de thé a été englouti par un cyclone.
Les autres images gagnantes de la 10e édition du concours ont été choisies par un jury d'experts parmi plus 2.500 candidatures en provenance de 74 pays.
Créée en 2015 par l'association Mangrove Action Project (MAP), cette compétition photographique mondiale vise à récompenser des photos fortes dans le but de sensibiliser le public sur l'importance des écosystèmes de mangrove pour l'homme, la faune et le climat mais aussi sur la nécessité de les préserver face aux nombreuses menaces.
Basée aux États-Unis, l'association organisatrice des «Mangrove Photography Awards» agit à travers le monde pour préserver et restaurer les forêts de mangroves. Selon un récent rapport de la Redlist of Ecosystems, 50% des écosystèmes mondiaux de mangrove risquent de s'effondrer d'ici à 2050.
grand gagnant - photographe de mangrove de l'année
C'est en se rendant dans les Sundarbans, en Inde, en 2013 que Supratim Bhattacharjee a fait ce portrait de Pallavi, 11 ans, devant l'endroit où elle tenait un salon de thé, ouvert dans la maison familiale pour aider sa famille à survivre, avant que celui-ci ne soit emporté par les inondations après le passage violent d'un cyclone tropical, sur l'île de Namkhana. Le photographe indien a trouvé la jeune fille errant sans espoir parmi les ruines, un jour après la catastrophe.
«C'est l'exemple même d'une image chargée d'histoire», a déclaré la membre du jury Morgan Heim, célèbre photojournaliste animalière américaine. «Le regard de cette jeune femme vous oblige à prêter attention et à réfléchir non seulement à ce qui arrive aux habitants et aux écosystèmes de la mangrove, mais aussi à notre propre responsabilité à leur égard», a-t-elle ajouté.
Nichées dans la baie du Bengale, région côtière située à cheval entre l'Inde et le Bangladesh, les Sundarbans sont la plus grande forêt de mangroves du monde et l'une des plus vulnérables. Ces mangroves subissent à l'heure actuelle des menaces incessantes dues au développement humain et à la crise climatique.
Pour les populations de cette région il est de plus en plus courant que des villages entiers soient emportés par les eaux, que des îles s'enfoncent progressivement. La déforestation galopante des mangroves, l'élévation du niveau de la mer et la salinisation des anciennes zones d'eau douce constituent une menace croissante pour la plupart des habitants, qui vivent en majorité de la pêche. De plus, les phénomènes météorologiques extrêmes causés par le changement climatique sont de plus en plus fréquents dans cette partie du monde.
1er prix - jeune photographe de mangrove de l'année
Le titre de «Jeune Photographe de mangrove de l'année» a été décerné à Nicholas Hess, talentueux Australien de 18 ans, pour ce splendide portrait d'un crocodile d'eau salée, réalisé de nuit dans la mangrove australienne.
«Équipé uniquement de mon objectif macro, je voulais faire plus qu'un simple portrait de ce jeune crocodile d'eau salée lorsque je l'ai rencontré à marée basse dans la mangrove. J'ai alors utilisé le mode d'exposition multiple de mon appareil photo pour superposer des couches à mon image de l'œil du crocodile afin de capturer une plus grande partie de la scène sans sacrifier les détails de l'œil», a-t-il expliqué. «Capturée de nuit, l'image dégage un sentiment légèrement troublant, comme celui que l'on peut éprouver dans une mangrove, sans savoir quels prédateurs peuvent être à l'affût à proximité, cachés par le réseau dense de la mangrove», a-t-il ajouté.
1er prix - mangroves et paysages
À l'aide de son drone, le photographe émirati Ammar Alsayed Ahmed a capturé ce magnifique paysage où serpente un cours d'eau bordé de palétuviers, dans la région d'Al Dhafra, à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis. D'ailleurs, Al Dhafra se traduit par «là où le désert rencontre la mer».
«Cette scène paisible invite à la contemplation tandis que le doux flux de l'eau navigue au cœur de la forêt de mangroves. Les racines entrelacées des arbres forment des motifs complexes, créant une tapisserie naturelle qui s'harmonise avec la fluidité de l'eau», a déclaré Ammar Alsayed Ahmed. «Dans cette oasis de tranquillité, la photographie capture la beauté intemporelle et la sérénité d'un paysage façonné par la danse délicate de l'eau et de la mangrove», a-t-il conclu.
1er prix - mangroves et menaces
L'Indien Dipayan Bose a photographié un villageois à l'intérieur de sa maison à moitié submergée lors d'une inondation après le passage du cyclone Yaas, en mai 2021, à Dhamakhali, en Inde. En raison des cyclones tropicaux répétés et de l'élévation du niveau de la mer dans le golfe du Bengale, les berges des rivières ont été submergées par les marées hautes dans les villages côtiers des Sundarbans, au Bengale occidental. En conséquence, les maisons et les fermes ont été inondées, les pêcheries ont été détruites par l'eau de mer et les habitants ont été contraints de migrer, victimes du changement climatique.
«Ce villageois a perdu tous ses biens dans l'inondation. L'abattage des arbres à des fins commerciales et domestiques a rendu la région sujette aux catastrophes naturelles. Les tempêtes, les fortes pluies et les inondations y font des ravages. L'élévation du niveau de la mer d'environ 3,14 mm par an a entraîné l'engloutissement de plusieurs îles. L'augmentation de l'érosion des sols et la perte de qualité des sols entraînant une diminution du rendement des cultures ont aggravé la situation», a détaillé le photojournaliste indien.
1er prix - mangroves et vie sous-marine
Le Canadien Olivier Clément offre un aperçu du monde complexe formé par les racines de palétuviers aux Bahamas, avec sa photo d'une tortue verte appelée aussi tortue franche, qui navigue gracieusement dans le labyrinthe de la mangrove à marée haute, à la recherche d'un refuge pour la nuit.
Le juge Christian Zielger, photojournaliste allemand multiprimé et spécialisé dans les forêts tropicales humides sur les trois continents, a apprécié l'utilisation des racines de palétuviers comme «cadre» fascinant. «Elles évoquent un sentiment de calme et de paix», a-t-il dit. «Le voyage de la tortue est un rappel poignant du rôle vital que jouent ces écosystèmes dans le maintien de la biodiversité marine. Alors que le jour s'estompe au crépuscule, la recherche par la tortue d'un lieu de repos sûr reflète l'équilibre délicat de la vie dans les mangroves, soulignant le besoin urgent de conservation pour assurer la survie de ces habitats inestimables pour les générations à venir», a-t-il ajouté.
1er prix - mangroves et humains
Armé de son appareil photo, Johannes Panji Christo a immortalisé un Balinais se faisant recouvrir le visage de boue lors d'un bain traditionnel, connu sous le nom de «Mebuug Buugan», dans le sud de l'île de Bali, en Indonésie.
«Des hommes, des femmes et des enfants, vêtus de sarongs et de coiffes traditionnelles, ramassent de la boue dans une forêt de mangroves dans le village de Kedonganan, juste à l'extérieur de la ville de Denpasar, et s'en couvrent dans le cadre d'un rituel de purification. Ils pensent que le fait de prendre un bain de boue et de se laver ensuite le corps dans la mer permet de se nettoyer de toutes les impuretés humaines», a expliqué le photojournaliste indonésien. «Le Mebuug Buugan a récemment été relancé après une interruption de soixante ans. Organisé le lendemain du festival annuel "Day of Silence", au cours duquel les gens restent chez eux et se recueillent, le rituel consiste à prier pour la gratitude et la fertilité de la terre», a-t-il ajouté.
1er prix - mangroves et faune
Témoin d'une chasse rare menée par un groupe de grands dauphins, appelés aussi dauphins à gros nez ou tursiops, dans la baie de Floride, aux États-Unis, l'Américain Mark Cook a photographié un de ces chasseurs en train d'attraper un mulet dans les airs dans un anneau de boue.
«La pêche par anneau de boue est une technique de chasse rare et unique utilisée par les grands dauphins qui vivent uniquement dans les eaux peu profondes des baies bordées de mangroves de la baie de Floride et de quelques autres endroits dans les Caraïbes», a expliqué ce scientifique spécialisé en restauration écologique des habitats et photographe. «Lorsqu'il trouve un banc de mulets, un seul dauphin du groupe encercle le poisson en soulevant les sédiments avec sa queue, ce qui a pour effet d'enfermer leurs proies dans un panache limoneux en forme de spirale de plus en plus serrée. N'aimant pas être piégés ou nager dans les sédiments, les poissons essaient alors de sauter hors de l'eau et de passer par-dessus le "filet" pour retrouver la liberté», a-t-il poursuivi. «Malheureusement pour les poissons, les dauphins ont une capacité remarquable à savoir où leurs proies vont sauter pour les attraper dans les airs lorsqu'elles essaieront de s'échapper. La capacité à élaborer une stratégie et à coordonner une telle chasse, ainsi que la capacité à partager équitablement, témoignent de l'incroyable intelligence de ces animaux, a-t-il conclu.
1er prix - mangroves et histoires (portfolio)
Talentueux documentariste et photographe italien, Giacomo d'Orlando a dépeint la vie des habitants de Timbulsloko, région côtière de l'île de Java, l'une des zones les plus vulnérables au changement climatique.
«Dans le district de Demak situé sur l'île de Java, les communautés côtières sont menacées par la combinaison des activités humaines et de la pression croissante exercée par le changement climatique. Le littoral a subi une forte érosion et les mangroves qui le protégeaient autrefois ont été abattues et remplacées par des bassins d'aquaculture. En conséquence, la mer engloutit littéralement les maisons des habitants», a-t-il déclaré.
«Malgré des conditions de vie difficiles, la plupart des habitants de Demak ne veulent pas déménager, car leur potentiel de revenus est lié à leur emplacement près de la mer. Au fil du temps, ils ont compris que la seule solution était de restaurer l'écosystème en replantant les mangroves qui ont été coupées», a-t-indiqué
«Une politique gouvernementale basée sur la transplantation de mangroves, associée à une réduction de l'extraction des eaux souterraines, pourrait être le seul moyen d'assurer un avenir aux communautés côtières locales», a-t-il conclu.