Quatre petites brebis noires broutent depuis quelques jours à quelques mètres du "Périph", le boulevard circulaire à huit voies qui fait le tour de Paris... La capitale française s'essaye à l'éco-pâturage qui, grâce aux moutons, chèvres ou même vaches, permet de remiser tondeuses et désherbants chimiques, pour le plus grand bien de la biodiversité.
Elles sont d'abord restées quelques minutes, immobiles et circonspectes, dans le camion. Puis, les quatre brebis d'Ouessant se sont élancées, brins de paille mélangés à leur épaisse laine noire, gambadant le plus loin possible des curieux.
Leur nouveau terrain de jeu? 2.000 m2 d'herbe, au pied du centre des archives de Paris, un grand bâtiment gris. Pas de chant d'oiseaux, mais le bruit de fond incessant des moteurs vrombissant sur le boulevard périphérique, qui supporte plus de 250.000 voitures par jour.
"Le fait qu'elles broutent tout de suite, ça veut dire qu'elles vont s'habituer très rapidement", assure Marcel Collet, responsable technique de la Ferme de Paris, située dans le Bois de Vincennes (est de Paris), en charge du suivi sanitaire des moutons.
Les boucs aussi
A raison de trois passages de 15 jours, qui s'étendront d'avril à octobre, tout le terrain devrait être "tondu". Le reste du temps, les moutons séjourneront à la Ferme.
Une "première" dans "une ville aussi dense, comme Paris intra-muros", souligne M. Collet.
L'éco-pâturage existe depuis une dizaine d'années en France, où il est pratiqué dans de nombreuses villes de province mais aussi en banlieue parisienne. "Ca se développe très rapidement depuis au moins 3 ans", indique Marcel Collet.
Le déclencheur a été "l'agenda 21", plan d'action sur le développement durable adopté par les collectivités territoriales, explique à l'AFP Alain Divo, président de la société Eco Terra, qui planifie et encadre l'éco-pâturage en milieu urbain.
Les collectivités locales, notamment entraînées par le Grenelle de L'Environnement, à l'automne 2007, ont adopté des objectifs de développement durable, certains portant sur la réduction de l'usage de pesticides, d'autres ayant même un objectif de zéro pesticide.
Moins de produits chimiques, mais aussi moins de tondeuses sont autant de bonnes nouvelles pour la biodiversité en milieu urbain.
"Dans un gazon qu'on tond 24 fois par an, il n'y a plus de biodiversité. Quand on met des animaux, il y a des excréments qui ramènent des insectes, et les insectes amènent des oiseaux insectivores comme les hirondelles", explique M. Divo.
Dans un mois, Eco Terra installera une vache et dix boucs dans le Parc des Beaumonts à Montreuil, dans la banlieue est de Paris, qui veut retrouver une prairie naturelle. "Ils ne mangent pas la même chose. Les boucs s'attaquent aux ronces et petits arbustes, la vache s'attaque à l'herbe", dit-il.
Les animaux en question sont des rescapés de l'agriculture intensive, qui, sans l'initiative d'éco-musées ou des Conservatoires du littoral, auraient tout simplement disparu.
"Les races qui étaient un peu locales, un peu moins productives", comme le mouton d'Ouessant, "ont été mises de côté", explique M. Collet.
Ces races, "rustiques" et particulièrement robustes, "conviennent parfaitement à l'éco-pâturage", souligne-t-il.
Alors demain, autant de chèvres et de moutons que de chiens dans les grandes villes? Il faut un cadre avec "des gens qui s'impliquent", tempère M. Collet. "Il faut qu'ils aient l'oeil de l'éleveur, qu'ils viennent voir les animaux, qu'ils repèrent assez rapidement s'il y a un problème avec un animal".
Pour Fabienne Giboudeaux, l'adjointe au maire de Paris chargée des espaces verts, le bilan de l'expérience au site des Archives va permettre d'en envisager d'autres. "On a les bois, des grands parcs. Ici, on a quand même un lieu fermé au public la nuit, et en journée, il y a des personnes qui travaillent et qui surveillent un peu les moutons".
"Ca demande des ajustements mais je pense qu'on peut le faire dans pas mal d'endroits à Paris", avance-t-elle.