Loin des accusations de "racisme anti-entreprise" en France et des éclats qui avaient marqué la révolte des "pigeons", patronat et gouvernement affichent l'unité derrière le projet de relance de la compétitivité de la France, à quelques dissensions près.
Le ministre de l'Economie et des Finances Pierre Moscovici et la présidente de la plus grande organisation patronale française Medef, Laurence Parisot, ont rivalisé lundi d'amabilités au cours de leur premier débat public, organisé à l'occasion de la cinquième Journée annuelle de l'entrepreneur.
Madame Parisot, qui en septembre accusait l'exécutif de préparer dans son projet de budget 2013 un "choc de non-compétitivité", de faire des choix "dangereux", a crédité sans ambiguïté le tout nouveau gouvernement socialiste de faire enfin prendre à la France un tournant attendu depuis plusieurs années.
Le gouvernement a annoncé le 6 novembre une série de mesures pour doper la compétitivité des entreprises françaises, dont un crédit d'impôt devant atteindre au bout de la troisième année 20 milliards d'euros par an.
"Oui, nous saluons le fait que votre gouvernement ait clairement mis la question de la compétitivité au centre du débat", a déclaré lundi Mme Parisot dans les massifs bâtiments du ministère de l'Economie, rue de Bercy, qu'elle a qualifiés de "coeur de l'économie française".
"C'est quelque chose que nous Medef, nous tous les entrepreneurs quelle que soit l'association à laquelle nous adhérons, nous essayions de faire depuis quelques années", a-t-elle ajouté.
Début octobre elle avait parlé de "racisme anti-entreprise" pour qualifier l'ambiance régnant selon elle en France, dans un entretien à L'Express. Elle s'exprimait en pleine fronde des jeunes entrepreneurs, autoproclamés "pigeons", contre des dispositions fiscales du projet de budget.
"révolution copernicienne"
Lundi, le ton était tout autre. "Je ne sais pas encore si c'est une révolution copernicienne", a dit Mme Parisot, reprenant des mots de M. Moscovici, à qui elle a dit au passage: "j'ai bien aimé que vous utilisiez cette expression". "Mais je voudrais vous dire que nous l'espérons fondamentalement", a-t-elle poursuivi.
"Ce qui nous a manqué en France depuis des années c'est de définir des stratégies économiques et des politiques économiques en mettant au coeur de ces politiques et de ces stratégies, l'entreprise", a-t-elle enchaîné, n'épargnant pas les précédents gouvernements.
"Je vais répondre à Laurence Parisot", a dit M. Moscovici. "D'abord, je voudrais être un peu plus modeste qu'elle sur Bercy: ce n'est sûrement pas le coeur de l'économie française, le coeur de l'économie française c'est vous!", a-t-il lancé à l'adresse des entreprises.
"C'est vrai que s'il y a un changement de climat, un changement de ton, je m'en réjouis, il faut savoir tourner ce genre de page", a-t-il déclaré.
M. Moscovici et Mme Parisot ont cependant évoqué leurs dissensions sur les "contreparties" attendues des entreprises.
"Je vais être très franche", a averti la patronne des patrons, "je n'aime pas du tout ce débat autour du concept de contrepartie".
Certaines de ces contreparties notamment sur la gouvernance ou l'usage fait du crédit d'impôt "seront de nature législative, d'autres de nature contractuelle", a déclaré à la presse M. Moscovici.
"Formuler d'une manière juridique ou contraignante des contreparties serait une erreur" en particulier pour "la lisibilité du dispositif par les investisseurs étrangers", a estimé Mme Parisot, appelant à faire "confiance" aux entreprises.
"Si on compare avec l'amour, on aime bien dire +il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour+", a répondu le ministre. "Je ne dirai pas (...) qu'il n'y a que des preuves de confiance, mais essayons aussi de faire les gestes qui permettent d'avoir encore plus confiance", a-t-il dit.