L'Allemand Tom Enders succède vendredi au Français Louis Gallois aux commandes du groupe européen d'aéronautique et de défense EADS, en pleine croissance mais confronté à plusieurs défis industriels et politiques.
Le géant européen, créé en 2000 pour rivaliser avec les groupes américains, doit réussir ses nouveaux programmes d'avions Airbus, qui défient la suprématie de Boeing sur les gros porteurs. Mais il devra aussi repenser ses activités de défense, estime-t-on en interne comme chez les analystes.
Louis Gallois, qui assistera jeudi à Amsterdam à sa dernière assemblée générale d'EADS en tant que directeur exécutif, n'a pas seulement ramené la paix dans un groupe déchiré par des tensions franco-allemandes, il laisse un bilan impressionnant à son successeur.
EADS, fabriquant d'avions, d'hélicoptères, de missiles balistiques et de la fusée Ariane, affiche des taux de croissance entre 8 et 10% par an. Il emploie 130.000 personnes, et compte en embaucher encore 9.000 cette année. Son carnet de commandes représente sept à huit ans de production.
Airbus, qui représente les deux tiers de l'activité d'EADS, est engagé dans une course contre la montre pour sortir comme prévu à la mi-2014 son long-courrier A350, concurrent du 787 de Boeing sorti en septembre dernier. "Airbus doit gérer correctement le programme et éviter de nouveaux retards", a estimé Yan Derocles, analyste chez Oddo securities.
Airbus doit également réussir la sortie de son nouveau monocouloir moyen-courrier A320. Commandé à plus de 1.200 exemplaires à un rythme sans précédent dans l'histoire de l'aéronautique, il doit entrer en service en 2015.
Autre défi, Tom Enders devra décider "du rôle que la défense doit jouer dans l'entreprise", a déclaré un cadre d'EADS.
Louis Gallois visait un équilibre entre activités commerciales et de défense, mais l'objectif est resté hors de portée. Les gouvernements européens sont des clients beaucoup plus modestes que le Pentagone, qui soutient l'activité des groupes américains d'aéronautique et de défense, et la crise a aggravé les choses.
La Grande-Bretagne a taillé dans son budget militaire, la France se prépare aux mêmes efforts, et EADS poursuit des négociations laborieuses avec le ministère allemand de la Défense, qui veut revenir sur ses commandes. "Ca va obliger le groupe à être plus agressif à l'exportation", a estimé M. Derocles.
La place de la défense soulève aussi la question des structures du groupe.
EADS est formé de divisions: Airbus fabrique les avions commerciaux et militaires, Eurocopter les hélicoptères, Astrium les fusées et les satellites. La quatrième et la moins performante, Cassidian, regroupe les activités militaires qui ne sont pas assurées par les trois autres, comme les radars ou les drones. Une redistribution des cartes est largement attendue au sein du groupe.
M. Enders veut enfin faire passer une réforme des statuts pour se libérer de l'emprise des Etats. La France possède 15% du capital d'EADS, l'Espagne 5% et Berlin s'apprête à y entrer.
"Je voudrais que nous ayons un actionnariat normal, où les actionnaires étatiques ne jouent aucun rôle", a déclaré M. Enders au journal dominical allemand Bild am Sonntag. L'idée, déjà défendue par Louis Gallois, est de permettre aux Etats de sauvegarder leurs intérêts stratégiques sans devoir rester actionnaires.
Un défi d'envergure pour l'ancien officier parachutiste de 53 ans, surnommé "major Tom", qui plaisante lui-même sur son manque de diplomatie.