La direction élargie de Force ouvrière se réunit mercredi matin à Paris pour évoquer l'avenir de Pascal Pavageau à sa tête, une majorité souhaitant sa démission après la révélation par le Canard enchaîné d'un fichier controversé sur les dirigeants du syndicat.
Le secrétaire général de FO a tenté lundi, en vain, de reporter cette réunion au 29 octobre, le temps de rallier des dirigeants à sa cause, mais les 35 membres de la Commission exécutive ne l'ont pas entendu de cette oreille et décidé de la maintenir.
Si, lors de cette rencontre, une majorité de membres de cette direction élargie se met d'accord sur le départ de Pascal Pavageau du poste de secrétaire général, les statuts prévoient qu'ils doivent convoquer le Comité confédéral national (CCN), le "Parlement" de FO. Seule cette instance est habilitée à révoquer le numéro un.
Certains dirigeants espèrent organiser la réunion du CCN dans les 15 jours, afin de tourner la page au plus vite et recentrer le syndicat sur les sujets importants du moment, dont la réforme des retraites, la négociation sur l'assurance chômage et les élections professionnelles dans la fonction publique, prévues en décembre.
Le Parlement est composé d'une centaine de responsables de fédérations et d'unions départementales. Ceux-là mêmes qui figurent dans le fichier révélé par Le Canard enchaîné, où certains sont affublés de qualificatifs comme "niais", "complètement dingue", "anarchiste", "bête" ou encore "trop intelligent pour entrer au bureau confédéral".
- "Déclaration des Droits de l'Homme" -
La révélation de ce fichier a fait l'effet d'un électrochoc en interne. Dès vendredi, Frédéric Homez, secrétaire général de la fédération métallurgie, avait invité Pascal Pavageau à prendre "lui-même la décision de démissionner". Lundi, le patron de cette puissante fédération, réputé "réformiste", s'était allié à un confrère appartenant au bord "trotskiste" de FO, Hubert Raguin, à la tête de la fédération de l'enseignement, pour réclamer le maintien de la réunion de mercredi.
"Une large majorité au sein de la Commission exécutive souhaite sa démission, à 3-4 exceptions près", assure un des membres de la direction élargie.
Lundi s'est tenue la réunion hebdomadaire de la direction resserrée (Bureau confédéral) de FO --composée de 13 membres, dont Pascal Pavageau. Lui-même était absent, tout comme quatre autres dirigeants, mais les neuf responsables présents ont publié un communiqué cinglant sur la "gravité de la situation".
"Nul ne doit être inquiété pour ses opinions", écrivent-ils, citant l'article 10 de la déclaration des Droits de l'Homme, ajoutant que "nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation".
"Tout doit donc être mis en œuvre pour condamner et sanctionner en conséquence toute pratique incompatible avec ces principes fondamentaux et les valeurs et statuts de la confédération Force Ouvrière", poursuivent les neuf dirigeants.
Par ailleurs, après avoir obtenu une copie du fichier, la Cnil s'est rendue au siège de FO vendredi pour "un contrôle sur place" dont l'instruction est toujours en cours.
Les rares soutiens de Pascal Pavageau tentent de minimiser l'impact du fichier, voyant dans les demandes de démission une bataille rangée entre d'un côté les défenseurs d'une ligne "réformiste", basée sur la concertation avec l'exécutif, celle défendue par Jean-Claude Mailly, l'ancien numéro un du syndicat; et de l'autre, les partisans d'une ligne plus offensive, défendue par Pascal Pavageau, adepte de manifestations et d'alliances avec les autres organisations syndicales.
Un point de vue réfuté par des responsables FO, qui rappellent que fin septembre, le "Parlement" avait validé à l'unanimité les orientations stratégiques de Pascal Pavageau. Sollicité par l'AFP, ce dernier n'a pas réagi depuis la semaine dernière, mais des proches le disent "profondément touché par les attaques en interne" alors qu'il s'était préparé aux "critiques extérieures".
La semaine dernière, dans son unique commentaire à la presse après l'article du Canard enchaîné, il minimisait l'impact du fichier, assurant ne pas avoir constaté que "ça perturbe" en interne.