Lula a finalement jeté l'éponge: incarcéré pour corruption et déclaré inéligible d'un scrutin dont il était favori, l'ex-président a renoncé mardi à être candidat à la présidentielle au Brésil et a passé le témoin à son colistier Fernando Haddad.
"Je veux demander, de tout coeur, à tous ceux qui voudraient voter pour moi, de voter pour Fernando Haddad, a exhorté Luiz Inacio Lula da Silva dans une "Lettre au peuple brésilien" lue devant plusieurs centaines de militants rassemblés aux portes de sa prison, le siège de la police fédérale de Curitiba (sud).
"C'est le moment de sortir dans la rue la tête haute et de gagner cette élection", a lancé par la suite M. Haddad, 55 ans, qui a rendu visite à son mentor plusieurs heures lundi et mardi, et a été acclamé aux cris de "Brésil, urgent, Haddad président!"
À ses côtés, son épouse, Ana Estela, a fondu en larmes.
Fernando Haddad aura pour colistière Manuela D'Avila, du Parti communiste du Brésil (PCdoB), âgée de seulement 37 ans.
Après les discours, les militants se sont tournés vers les fenêtres de la cellule de l'icône de la gauche pour crier "Bonne nuit président Lula!"
Dans sa lettre, l'ex-ouvrier métallurgiste de 72 ans a estimé qu'il avait été contraint "de prendre cette décision (de renoncer à sa candidature) dans un délai imposé de façon arbitraire".
En invalidant la candidature de Lula le 1er septembre, le Tribunal supérieur électoral (TSE) avait fixé ce mardi comme date limite au PT pour lui trouver un remplaçant.
L'ex-président (2003-2010), qui purge depuis avril une peine de 12 ans et un mois pour corruption passive et blanchiment d'argent, a été déclaré inéligible en vertu d'une loi qui interdit à toute personne condamnée en deuxième instance de se présenter.
- Choix douloureux -
La défense de Lula et le PT ont déposé tous les recours possibles pour ne pas à en arriver à ce choix douloureux.
Les avocats de Lula se sont aussi adressés à l'ONU, dont le Comité des droits de l'homme avait demandé à Brasilia de respecter le droit de l'ex-ouvrier métallurgiste à se présenter.
Le jusqu'au-boutisme de Lula a été critiqué par certains militants du PT, qui auraient préféré que Fernando Haddad ait plus de temps.
L'ex-maire de Sao Paulo, qui a également été ministre de l'Éducation de Lula, va en effet entrer dans la campagne électorale quatre semaines seulement avant le premier tour.
Il n'a participé à aucun des débats entre les présidentiables et son nom reste encore largement inconnu en dehors de la métropole de Sao Paulo.
"C'est une tâche herculéenne qui attend Haddad, comme s'il devait courir un sprint en côte", a estimé Matias Spektor, professeur de la Fondation Getulio Vargas.
"Mais il est porté par un parti puissant et soutenu par Lula, qui reste le leader le plus populaire du pays", a-t-il souligné.
Fernando Haddad commence à progresser dans les sondages, l'institut Datafolha le créditant de 9% des voix dans sa dernière enquête lundi -- alors qu'il n'était pas encore officiellement candidat -- contre 4% il y a trois semaines.
Il reste toutefois très loin du candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro, largement en tête avec 24% après avoir été poignardé en faisant campagne jeudi.
Le substitut de Lula devrait disputer les voix de gauche à Ciro Gomes, qui arrive deuxième après une nette progression, à 13%, contre 10% il y a trois semaines.
- Les marchés inquiets -
Celui qui avait quitté le pouvoir avec un taux record de 87% d'opinions favorables a été accusé d'avoir reçu en pot-de-vin d'une entreprise du BTP un triplex dans une station balnéaire en échange de faveurs dans l'attribution de marchés publics.
Ce qu'il a toujours nié farouchement, évoquant un complot politique destiné à l'empêcher de se représenter.
Les marchés ont réagi avec inquiétude à la progression des candidats de gauche dans le dernier sondage, la bourse de Sao Paulo chutant de 2,33 % en clôture, tandis que s'accentuait la dépréciation du réal par rapport au dollar.
"Pour les marchés, c'est une situation délicate, parce que rien n'est défini, ce qui entame la confiance des investisseurs. (...) Cette situation devrait perdurer jusqu'au verdict des urnes", considère Harold Tao, du cabinet de courtiers Walpires.