Interprètes, experts, médiateurs... Le ministère de la Justice emploie 40.000 personnes non déclarées: la révélation fait tache même si Christiane Taubira assure avoir pris le problème "à bras le corps".
Quelque 50.000 "collaborateurs occasionnels du service public" sont employés par différents ministères, dont "40.500 pour le seul ministère de la Justice", indique un rapport des inspections générales des Finances, des Services judiciaires et des Affaires sociales, rendu à l'été 2014 mais révélé seulement dans Le Canard enchaîné de mercredi.
Ces employés, souvent amenés à intervenir quotidiennement, sont considérés comme des prestataires, rémunérés à l'heure : "Le ministère de la Justice n'applique aucun assujettissement aux cotisations sociales et assimile les indemnités de ses collaborateurs à des prestations sans pour autant mettre en place les conditions de leur assujettissement à la TVA", selon le rapport, auquel l'AFP a eu accès. En cas de poursuites judiciaires collectives, le coût pour les finances publiques y est estimé à environ "un demi-milliard d'euros".
Des plaintes ont d'ores et déjà été déposées, notamment par des traducteurs-interprètes qui n'ont ni "bulletin de salaire" ni "protection sociale", a affirmé leur avocat Me David Dokhan sur France Inter. "Ce sont des personnes qui travaillent exclusivement sur réquisition des autorités de police ou judiciaires. C'est 100% de leur activité professionnelle."
"Balayer devant sa porte"
La garde des Sceaux a assuré mercredi qu'elle "travaille sur les préconisations de ce rapport" depuis que celui-ci a été remis. "C'est un problème que j'ai pris effectivement à bras le corps parce que j'estime d'abord que le ministère de la Justice doit être exemplaire", a-t-elle déclaré à la sortie du Conseil des ministres.
Alors que le document était resté dans l'ombre depuis un an, sa révélation a suscité des critiques acides dans les milieux judiciaires comme dans l'opposition. "Justice du XXIe siècle?", a ironisé l'Union syndicale des magistrats, syndicat majoritaire, dans un tweet se référant à un projet féti
Justice du 21ème siècle?... https://t.co/6N4hoOcNDd
— USM Magistrats (@USM_magistrats) 1 Septembre 2015
"40.000 emplois au noir au ministère de la Justice. Mme Taubira dans l'illégalité totale", a tweeté Debout la France. Pour Georges Fenech, député Les Républicains (LR), secrétaire national à la justice du parti, "ce non-respect de la législation jette un lourd discrédit sur un ministère chargé précisément de la faire appliquer. Plutôt que de s’ingénier à déconstruire un système judiciaire, aujourd’hui à bout de souffle, la garde des Sceaux, Christiane Taubira, doit sans délai redonner aux magistrats les moyens de remplir normalement leurs missions pour répondre à l’attente de justice de nos concitoyens."
"Pour une fois, Mme Taubira va être amenée à balayer devant sa porte", a taclé Marine Le Pen, présidente du FN.
La création d'un portail internet
La ministre s'est défendue en assurant être "la première garde des Sceaux à avoir pris le problème en charge", alors qu'il remonte à 1999 et était parfaitement connu.
Parmi les mesures prises, la création d'un portail internet "qui permet (...) de savoir qui est concerné, parce qu'il y a une différence à faire entre les personnes qui accomplissent des missions occasionnelles et les sociétés de prestation de services", a-t-elle précisé.
"Pour les personnes qui accomplissent une mission occasionnelle, il y a une rémunération et donc une déclaration et les prestations de sécurité sociale, et puis pour les prestations de service c'est la TVA", a-t-elle expliqué.
"Les personnes qui sont employées doivent avoir un statut clair. Nous sommes en train de généraliser ce portail Chorus et nous travaillons à un décret qui va préciser la différence entre ces missions occasionnelles et les prestations de service qui donnent lieu à la TVA", a conclu Mme Taubira.