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Au Japon, une industrie des animés rayonnante mais peu rémunératrice

Un dessinateur d'animation est aussi appelé «animateur» au Japon. [Adobe Stock]

Pourtant sélective et lucrative, la filière de l’animation au Japon rémunère relativement peu les dessinateurs. Avec un salaire médian faible et un statut précaire, ils sont payés environ 8 euros de l'heure, bien moins que la moyenne salariale dans le pays. Une situation étonnante, surtout quand on connaît le succès rayonnant des films et séries animées japonais dans le monde.

Ils sont environ 6000 à faire briller la culture japonaise par des séries et des films d’animation, selon les chiffres de l’Institut de recherche du Japon (IRJ). Les animateurs japonais ont permis à leur culture de franchir les frontières géographiques, puisque les animés sont devenus un phénomène mondial. Aujourd’hui, ils influencent le divertissement, la mode, la musique ou encore la pop culture. Avec la croissance exponentielle que les animés ont connu, les revenus provenant de l’étranger représentent plus de 50% des revenus de l’industrie, ce qui témoigne de l’énorme demande globale. Malgré tout, au Japon, le salaire des dessinateurs de ces séries reste assez bas.

En moyenne, un débutant gagne entre 650 et 1.000 euros par mois. Payés à la tâche, souvent par «cellule» ou dessin, le montant par dessin peut descendre jusqu’à 1.30 euros. Après quelques années d’expériences, le salaire augmente pour être compris entre 1.000 et 2.000 euros. Une rémunération en dessous de la moyenne salariale d’autres industries dans le pays. Pour une carrière bien entamée, les animateurs seniors ou superviseurs peuvent espérer gagner un peu plus : environ 2.000 à 3.300 euros mensuels. Mais ces salaires restent relativement rares.

Des commandes en hausse…

Après le Japon, ce sont les Etats-Unis qui investissent le plus dans l’industrie d’animation japonaise. Il n’y qu’à voir le riche catalogue d’animés sur Netflix pour comprendre l’ampleur de la popularité. En 2021, le géant américain rapportait déjà que plus de 100 millions de foyers dans le monde avaient regardé au moins un animé au cours de l’année. En Europe, c’est la France qui détient le plus grand marché d’animés.

Lancée en 2006, la plate-forme de streaming Crunchyroll spécialisée dans les animés japonais et contenus asiatiques a même été rachetée par Sony en 2021 pour 1,2 milliard de dollars. Aujourd’hui, elle atteint plus de 10 millions d’abonnés payants et des dizaines de millions d’utilisateurs enregistrés. En dix ans, le marché de l’industrie japonaise de l’animation a plus que doublé, pour atteindre en 2022 près de 17 milliards d’euros.

... Mais de mauvaises conditions commerciales…

Pourtant, les sociétés de production ne roulent pas sur l’or : en 2022, selon l’IRJ, elles n’ont perçu que 18 % des recettes générées par leurs animés au Japon, et à peine 6 % de celles réalisées à l’étranger. Le reste des recettes est revenu aux auteurs des œuvres originales, mais surtout aux entreprises chargées de la planification, de la publicité, de la diffusion et de la distribution.

A l’AFP, le consultant à l’IRJ Yosuke Yasui a expliqué, en parlant des grandes sociétés de production : «Bon nombre d’entre elles fonctionnent au jour le jour et signent des contrats même si les conditions commerciales sont mauvaises. Elles s’enferment ainsi dans un cercle vicieux de faible rentabilité.» Une dynamique compliquée à changer, sans intervention des pouvoirs publics. Il suggère d’obliger les comités responsables des planifications à estimer les montants sur la base de salaires justes pour les animateurs, dès les commandes effectuées auprès des sociétés de production.

… pour une main d’oeuvre en baisse

Les répercussions d’une mauvaise gestion des studios de production se ressentent, entre autres, sur le secteur de l’emploi. Alors si certains studios de production plus réputés, comme Studio Ghibli ou certaines sociétés internationales basées au Japon, peuvent offrir de meilleures rémunérations et des contrats plus stables, les conditions de travail restent difficiles. Les dessinateurs effectuent de longues heures, pour répondre à des délais serrés.

Beaucoup décident de changer de métier. Car leur statut de freelance avec une rémunération à la pièce n’est pas viable. Et la rémunération médiane des animateurs est estimée à environ 8 euros de l’heure, selon l’Institut de recherche du Japon. Ce qui est bien moins que celle du secteur dans son ensemble, fixée à environ 14 euros par heure.

A demande grandissante, nouvelle organisation

Alors pour tenir le rythme, les grandes sociétés de production modifient les règles. Auparavant, ce métier se transmettait par les anciens. Désormais trop occupés, il a fallu trouver une solution. Ce sont les grandes sociétés de production, face à la demande en hausse, qui ont dû s’adapter à la situation. Elles ont décidé, à leurs propres frais, d’ouvrir leurs portes à un petit nombre de stagiaires chaque année, en proposant des formations. L’idée est de pouvoir compter sur eux pour assurer l’avenir.

L’Académie de dessin TMS, formation lancée dans ce contexte en 2021, accueille environ cinq talentueux stagiaires par an. Ces jeunes passionnés l’intègrent pour apprendre, s’exercer, avant d’être engagés comme animateurs contractuels. Pendant leur année scolaire, ils perçoivent une prime équivalente à 900 euros pour pouvoir subvenir à leurs besoins. A leur embauche, ils sont rémunérés à hauteur de 1500 euros par mois. Et ont ensuite la possibilité de devenir salariés permanents. Une vraie opportunité qui rend la filière plus attractive.

Pour proposer des mesures concrètes, la Commission du commerce équitable prévoit d’enquêter sur les pratiques commerciales dans l’industrie des animés dès 2025.

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