Pas de baisse de régime pour le monde de la BD, qui continue à proposer des albums hautement recommandables quelle que soit la saison.
La route
Déjà un des albums phares de 2024. L'adaptation en BD du roman de Cormac McCarty par Manu Larcenet faisait déjà parler d'elle des semaines avant sa parution, et le résultat est évidemment à la hauteur. L'auteur de Blast, également éditée chez Dargaud, excelle habituellement dans la noirceur et la retranscription des sentiments humains. Encore une fois, il réussit son pari avec un duo père/fils où l'amour est un infatigable moteur, alors que l'humanité a sombré dans la haine et l'abjection la plus totale.
La route, de Manu Larcenet, éd. Dargaud, 28,50 €
Vertigéo
«Vertigéo» fait partie des très bonnes surprises du premier semestre 2024. Ce nouveau titre SF post-apo, publié chez Casterman, n'incite pas à l'optimisme et propose une réflexion sur les dérives possibles du monde du travail. En ça, le titre nous rappelle certains romans et films de SF cultes des années 1960 et 1970 aux thématiques proches (surpopulation, aliénation…). Avec Lloyd Chéry au scénario et Amaury Bündgen à la planche à dessin, cet album nous emporte pour une ascension sans retour.
Vertigéo, de Lloyd Chéry, Emmanuel Delporte et Amaury Bündgen, éd. Casterman, 22 €
Doubles recueils Corto Maltese
Classique indémodable, Corto Maltese revient à l'occasion d'une magnifique exposition organisée à la bibliothèque publique d'information du centre Pompidou. Le mythique héros imaginée par Hugo Pratt en 1967 est également présent en librairie avec l'arrivée de doubles recueils à couverture souple, qui permettent de découvrir ou de redécouvrir certaines des meilleures aventures romanesques de ce personnage insaisissable, marin aventurier à l'esprit libre.
Doubles recueils Corto Maltese, 3 albums disponibles, de Hugo Pratt, éd. Casterman, 18 €
Le maillot de la discorde
En plein boom de l'actualité footballistique, la lecture du maillot de la discorde s'impose. Ce récit tiré d'une histoire vraie, publié aux édition Steinkis, a pour point de départ le première Coupe du monde de foot de l'histoire, en Uruguay, en juillet 1930. A partir de là, on va suivre les destins croisés - et opposés - de deux internationaux français. D'un côté, Alexandre Villaplane, capitaine de l’équipe, deviendra un collabo et sera fusillé pour trahison à la Libération. De l'autre, Étienne Mattler, solide défenseur, deviendra un héros de la Résistance. Un récit méconnu, solidement documenté, et vraiment passionnant.
Le maillot de la discorde, d'Arnaud Ramsay et Etienne Oburie, éd. Steinkis, 26 €
Contre-exemple
Shyle Zalewski, artiste à part qui partage régulièrement ses productions sur Instagram, propose un recueil de ses oeuvres croquées entre 2013 et 2023, aux éditions Gargouilles. Contre-exemple est un condensé de toutes les obsessions et réflexions plus ou moins bizarres de l'autrice, au format strip ou non. C'est souvent féroce, parfois tendre, et surtout toujours à mourir de rire.
Contre-exemple, de Shyle Zalewski, éd. Gargouilles , 24 €
La cuisine des ogres
Il y a des albums qui vous restent en tête, longtemps après les avoir refermés. La cuisine des ogres, paru aux éditions Rue de Sèvres, est de cette trempe. Avec le vétéran Fabien Vehlmann au scénario, pouvait-il en être autrement ? Le duo qu'il forme avec Jean-Baptiste Andreas pour ce conte (très) noir fait des merveilles et nous emporte très loin. Magnifiquement illustré, riche en personnages aussi attachants qu'horribles, ce titre fait d'ailleurs partie des premiers sélectionnés pour le Prix des Libraires Canal BD 2023-2024.
La cuisine des ogres, Tome 1, de Fabien Vehlmann et Jean-Baptiste Andreas, éd. Rue de Sèvres, 20 €
au Chant des grenouilles
Petit chef d'œuvre de l'année, le premier tome d'Au Chant des Grenouilles n'est pas sans rappeler le merveilleux dessin animé qu'était Brisby et le secret de NIMH (1982). Ancien directeur artistique chez Ubisoft, Florent Sacré donne vie avec un talent inouï aux personnages créés par Barbara Canepa et Anaïs Halard. Planche après planche, cette nouvelle saga invite à explorer le petit monde de familles d'animaux anthropomoprhes où la magie et l'aventure se cache parfois au creux d'un arbre. Une épopée qui se prolongera chaque semestre aux éditions Oxymore, puisqu'Au Chant des Grenouilles vivra chaque chapitre avec un dessinateur différents.
Au Chant des Grenouilles, de Barbara Canepa et Anaïs Halard et Florent Sacré, tome 1, éd. Oxymore, collection Métamorphose, 14,95 €
Habemus Bastard
Avec Sylvain Vallée (Il était une fois en France, Katanga) à la planche à dessin, Habemus Bastard pouvait-il nous décevoir ? Pas vraiment, puisque ce nouveau titre, scénarisé par Jacky Schwartzmann, est une nouvelle grande réussite. Versant cette fois-ci dans le polar, les aventures de Lucien, malfrat devenu prêtre par obligation, multiplie les références et casse les codes avec un humour d'une noirceur assez salvatrice. Et bonne nouvelle, il y aura un deuxième et ultime tome.
Habemus Bastard, de Sylvain Vallée et Jacky Schwartzmann, éd. Dargaud, 19,99 €
Cadres noirs
Le monde du travail, machine à broyer ? Dans Cadres noirs, adaptation du roman de Pierre Lemaitre, Alain Delambre est un cadre de 57 ans. Dévasté après 4 longues années de chômage, il est prêt à tout pour revenir dans le jeu. Au point d'accepter un processus de recrutement complètement dingue qui ressemble furieusement à une prise d'otage. Mais la réalité, déjà passablement perturbante, est-elle aussi simple ? Pour tout comprendre, il faudra se plonger dans la lecture des trois tomes de la série réalisée par Pascal Bertho et Giuseppe Lotti. Magnifiquement réalisé et mis en couleur, Cadres noirs ne devrait pas vous décevoir.
Cadres noirs, Tomes 1 à 3, de Pascal Bertho et Giuseppe Lotti, éd. Rue de Sèvres
Void rivals et Transformers reboot
Cet été chez Urban Comics, place à l'Energon Universe, «EU» pour les intimes. Un univers inspiré des origines des Transformers, dont la série de jouets fête ses 40 ans cette année. En ce mois de juin, deux nouvelles séries sont donc lancées conjointement, la première Void Rivals posent les bases inédites de ce crossover imaginé notamment par Robert Kirkman (The Walking Dead, Invincible). On découvre ici les racines d'une guerre spatiale et fratricide entre deux espèces humanoïdes. Parallèlement, la saga Transformers a, elle aussi, droit à une toute nouvelle série de comics grâce à un reboot imaginée et dessinée par l'excellent Daniel Warren Johnson (Do A Power Bomb) et Mike Spicer, où Optimus Prime et ses Autobots débarquent sur terre. Deux sagas explosives qui s'entrecroisent et à laquelle les GI Joe prendront même part.
Void Rivals, de Robert Kirkman et Lorenzo de Felici / Transformers reboot, de Daniel Warren Johnson et Mike Spicer, éd. Urban Comics, 17 € chacun
Système solaire : Mars
Avec sa collection Système Solaire, Glénat a eu une riche idée. Éditée en collaboration avec l'observatoire de Paris, la série propose une découverte passionnante et ludique des planètes qui nous entourent. Grâce à un vaisseau découvert sous la surface de la lune, piloté par l'unique survivant extraterrestre du crash, les scientifique terriens vont pouvoir visiter chaque planète de notre système solaire et leurs satellites pour nous les montrer comme nous ne les avons jamais vus. Le premier tome nous emmène sur Mars, la petite planète rouge, froide et inhospitalière, mais qui a tant à nous apprendre. Huit tomes composeront la collection au final, pour autant de voyages initiatiques et d'infos dûment vérifiées.
Système solaire, Tome 1 : Mars, éd. Glénat, 15,5 €
Phenomena
Un récit initiatique comme on les adore, scénarisé par le mythique Brian Michael Bendis, un des papes du comics. Dans Phenomena, l'auteur américain nous emmène au côté de Boldon, un jeune garçon en quête d'aventures, qui arrive pour la première fois en ville et découvre un tout nouveau monde. Mais sa rencontre avec Spike, un gigantesque combattant Cyper, et Matilde, une voleuse, vont perturber les plans initiaux. Un titre d'une efficacité totale, magnifiquement mis en image par le Portugais André Lima Araujo, qui joue avec génie la partition du noir et blanc.
Phenomena, de Bendis, Araujo et di Giacomo, Urban Comics, 15 €
Arca ou la nouvelle Eden
Définitivement pessimiste, l'univers dépeint par Van Jensen et Jesse Lonergan nous emmène à bord d'une arche spatiale où les plus riches se sont réfugiés pour fuir la Terre, devenue inhabitable. Pour satisfaire les besoins des passagers, des enfants et des ados remplissent les tâches les plus ingrates contre la promesse d'être libérés à leur majorité pour vivre dans un monde nouveau. Mais évidemment, derrière cette façade, la réalité est toute autre. Un titre splendide, où ce n'est pas le dessin qui impressionne,mais plutôt le scénario habilement construit et le découpage sans faille des pages, qui fait de ce récit un page turner implacable.
Arca ou la nouvelle Eden, de Van Jensen et Jesse Lonergan , 22 €
La vengeance
Initialement pas très séduit par le style graphique, nous y sommes allés un peu à reculons. Et quelle surprise ! La vengeance, derrière un scénario classique très bien résumé par son titre, sème habilement ses petites originalités pour happer le lecteur. Les couleurs, réalisées à l'aquarelle, sont par exemple très réussies. Et alors que le western est souvent un genre très viril et très codifié, la présence des enfants du héros dans sa quête fatale (il veut venger sa femme assassinée) nous oblige à prendre du recul. Quant à l l'ambiance extrêmement rude des montagnes du Wyoming du XIXe siècle, elle est parfaitement retranscrite, avec des paysages à tomber par terre.
La vengeance, de David Wautier, éd. Anspach, 19,50 €
Bulles de tendresse
Un festival d'illustrations toutes plus drôles et imaginatives. Bulles de tendresse, aux éditions Hachette, est un recueil de 135 mini-BD imaginées par Andrès J. Colmenares, le créateur des webcomics Wawawiwa. Chacune à leur tour, elles vous feront sourire ou réfléchir et constituent une parenthèse délicieuse dans nos vies beaucoup trop monotones.
Bulles de tendresse, d'Andrès J. Colmenares, éd. Hachette, 14,99 €
Les justiciers de la justice
Un bel album jeunesse pour clôturer cette sélection. Les Justiciers de la justice sont une bande de (très) jeunes amis qui veulent devenir des super-héros à tout prix.
Malheureusement, ils n'ont aucun super-pouvoir et ils vont multiplier les tentatives plus ou moins désastreuses pour réussir leur coup. Drôles et toujours habiles, avec des dialogues qui fusent, on en redemande.
Les justiciers de la justice, de Sti et Stivo, Bamboo édition, 11,90 €