Acclamée pour sa performance dans «Anatomie d'une chute», Sandra Hüller est à l'affiche ce mercredi du drame «La zone d'intérêt». Un film choc sur l'horreur des camps nazis traité sous un angle jamais vu auparavant.
Après «Anatomie d’une chute», Palme d’or 2023 qui lui vaut une nomination aux Oscars et aux César dans la catégorie meilleure actrice, Sandra Hüller revient au cinéma, ce mercredi 31 janvier, dans «La zone d’intérêt» signé Jonathan Glazer et librement adapté du roman éponyme polémique de Martin Amis. Un drame auréolé du Grand prix du jury au dernier Festival de Cannes dans laquelle la comédienne allemande de 45 ans campe Hedwig, l’épouse de Rudolf Höss, commandant SS d'Auschwitz magistralement incarné par Christian Friedel.
Avec son mari et ses cinq enfants, cette femme froide et insondable semble former une famille ordinaire. Si ce n’est que la propriété de ce foyer en apparence comme les autres jouxte le plus grand camp de concentration et d'extermination nazi. Le paradis aux portes de l'enfer. Alors que des milliers de Juifs sont assassinés derrière l’enceinte de la maison, cette ménagère exécute ses tâches domestiques sans sourciller et s’évertue à recréer un jardin d'Eden avec piscine, serre et verger au cœur de la campagne polonaise. Le soleil brille. Les enfants s’amusent. Rien ne peut perturber une sérénité et un confort absolus, même quand les gazouillis des oiseaux sont effacés par les bruits des tirs, les cris des condamnés et le silence assourdissant de la mort.
Le hors-champ pour tenter de décrire l'indicible
Deux heures durant, le réalisateur britannique («Birth», «Under the skin») décrit avec une distance glaciale et clinique, le quotidien de ces «aryens», tout en tentant de «comprendre» l’incompréhensible comme il l’expliquait sur la Croisette il y a quelques mois. Contrairement à certains films sur l’Holocauste comme «Shoah» de Claude Lanzmann, l’atrocité n’est jamais montrée frontalement dans ce long-métrage. L’horreur n’y est que suggérée, notamment par les nuages de fumée qui s’échappent des chambres à gaz derrière les murailles.
Par son épure, son travail sur le son, ses plans tranchants et terriblement dérangeants, ainsi que son utilisation constante du hors-champ, «La zone d’intérêt» illustre la «banalité du mal» dans toute son effroyable réalité, comme l’a développé la philosophe et politologue Hannah Arendt. Une vraie leçon de cinéma.