Alors que les profs viennent de faire leur rentrée, Thomas Lilti a choisi de les mettre en lumière dans «Un métier sérieux», à découvrir ce mercredi au cinéma. Une comédie dramatique pleine d’humanité sur les défis d’une profession fragilisée, que le cinéaste affectionne depuis longtemps.
Après «Hippocrate», «Médecin de campagne» et «Première année», Thomas Lilti délaisse les couloirs de l’hôpital et les blocs opératoires pour explorer un autre domaine, celui de l’enseignement. Le médecin devenu réalisateur et scénariste nous invite à découvrir le quotidien d’un groupe de professeurs attachants et soudés dans «Un métier sérieux», en salles ce mercredi 13 septembre.
Jeune remplaçant sans expérience envoyé dans un collège, Benjamin s’apprête à donner ses premiers cours de mathématiques et à relever le défi d’intéresser ses élèves au théorème de Pythagore. Dans la salle des profs, ce candide va faire la connaissance de Pierre, Meriem, Fouad, Sophie, Sandrine, Alix et Sofiane. Commence une aventure humaine et collective où les protagonistes seront confrontés aux affres de la profession dans une institution en crise.
Après trois films et une série dédiés à l’engagement des soignants, pourquoi avoir choisi de vous intéresser aux enseignants ?
Je voulais transmettre la tendresse que j’ai pour ce métier d’utilité publique. Ma mère était professeure, tout comme mes grands-parents. Dans ma famille, tout le monde évolue dans ce milieu, à l’exception de mon père qui est médecin comme moi. Depuis longtemps, j’avais envie de réaliser un film sur l’école pour comprendre ce métier que je connais bien et qui est aujourd’hui mal-aimé et dévalorisé par les institutions, les élèves ou les parents d’élèves. Certains passent leur temps à dire qu’ils feraient mieux que le corps enseignant. C’est aberrant. En tant que médecin, le ministre de la Santé ne m’a jamais expliqué comment opérer une appendicite.
L’action se déroule dans un établissement «de classe moyenne». Il ne se situe pas dans une banlieue défavorisée, ni dans un quartier bourgeois. Est-ce une manière pour vous de confronter le romanesque au réel ?
Je ne souhaitais pas filmer un professeur hors du commun qui arrive avec une pédagogie révolutionnaire. Au contraire, je voulais montrer des élèves et des enseignants normaux dans un collège ordinaire. Ces profs ressemblent à ceux de notre enfance. Même s’ils sont plus ou moins doués, ils ne cessent de s’interroger sur leur vocation, leur légitimé à exercer un tel métier, et partagent tous un sens profond de l’engagement. En cela, «Un métier sérieux» rejoint mes autres films qui s’intéressent eux aussi à des femmes et des hommes qui mettent leur passion au cœur de leur vie. Je ne pourrais pas réaliser un long-métrage sur des criminels car j'ai besoin d’aimer mes personnages. Et je conçois le cinéma comme un divertissement.
De manière délibérée, vous occultez certains sujets d’actualité comme le harcèlement scolaire ou le port de l'uniforme, pour vous concentrer sur le quotidien de ces professeurs passionnés mais fragilisés, pour qui la vie professionnelle et la vie privée sont intrinsèquement liées…
La salle des profs est un lieu qui fait fantasmer tous les élèves. Quand j’étais enfant, je passais mon temps à imaginer ce qu’il y avait derrière cette porte et ce qu'était la vie de mes professeurs. Avaient-ils une amoureuse ou un amoureux ? Etaient-ils parents ? Où étaient-ils partis en vacances ?
Je me suis longtemps considéré comme un mauvais élève.
Les enseignants doivent constamment jongler entre vie personnelle et vie professionnelle, tout en investissant leur métier et en gérant au mieux les défaillances d’un système. S'ils transmettent leur savoir aux élèves, ils ont surtout pour mission de leur donner le goût du savoir et de leur faire prendre conscience qu’ils ont la capacité d’apprentissage.
Quel genre d’élève étiez-vous au collège ?
J’étais assez docile et attentif. Je ne voulais pas faire de vague à la maison alors j’essayais d’avoir des notes «correctes». Mais je me suis longtemps considéré comme un mauvais élève. Pourtant, j’avais un an d’avance et j’ai suivi des études de médecine par la suite. Je me pensais transparent dans la classe. Cette image, c'est surtout celle que j’avais au sein du cadre familial. Mon grand frère était tellement brillant que j’ai toujours été, de facto, moins bon que lui. Les enseignants ne sont pas forcément à l’origine du mal-être des enfants.
Hormis Adèle Exarchopoulos qui fait son entrée dans la bande, on retrouve au casting Vincent Lacoste, Louise Bourgoin, William Lebghil, François Cluzet et Théo Navarro-Mussy qui ont déjà tourné avec vous… Aimez-vous cette idée de troupe au cinéma ?
Les acteurs me sont fidèles et je le suis aussi. Selon moi, le collectif est la solution pour rendre la vie un peu moins difficile. Je conçois un tournage comme une grande fête d’anniversaire où j’aime réunir tous les gens que j’apprécie et en qui j’ai confiance. C’est assez gratifiant d’être le trait d’union entre tous ces comédiens qui appartiennent à des univers différents.
Quittons enfin les bancs de l’école pour reparler des blouses blanches. Où en est-on de la saison 3 de la série médicale «Hippocrate» diffusée sur Canal+ ?
Nous avons déjà tourné trois épisodes. Il m’en reste trois à mettre en boîte. Toujours avec Louise Bourgoin, Alice Belaïdi, Karim Leklou et Zacharie Chasseriaud au casting, la saison 3 sera finie début 2024.