Après Laurent Voulzy et Natasha St-Pier, c’est au tour de Roberto Alagna d’investir les églises. Le célèbre ténor franco-italien donne un concert exceptionnel ce mardi 26 septembre à l’église Saint-Sulpice, à Paris.
Votre récital sera entièrement dédié aux chants sacrés. Plus précisément, quelles chansons allez-vous interpréter ?
Il y aura deux parties. Une première avec les plus beaux airs religieux, et les plus connus, comme les «Ave Maria» de Bach-Gounod et de Schubert, les Panis Angelicus, l’«Ingemisco» du Requiem de Verdi… La deuxième partie sera consacrée à des airs d’opéra qui ont un lien avec le sacré et les prières, comme «Le Cid», de Massenet, «Samson et Dalila»…
Je chanterai également des chansons napolitaines, comme «Fenesta Che Lucive», ou encore «La Valse de l’espérance», une chanson que je considère comme sacrée. Pendant ce récital, je serai accompagné par Jean-Félix Lalanne à la guitare, et par Marek Ruszczynski au piano.
Pourquoi avez-vous accepté de faire vibrer vos cordes vocales dans cet édifice ?
Je suis arrivé à un moment de ma vie où j’ai besoin de spiritualité. D’autre part, en me produisant dans une église, je donne la possibilité à beaucoup de personnes qui ne peuvent pas forcément aller au théâtre ou à l’opéra, de venir m’écouter, et de partager une émotion. A l’église, quand à la fin tout le monde se met à chanter, on repart le cœur léger. La vibration du chant stimule notre cerveau, le nourrit, et cela nous rend joyeux.
Le chant, c’est une prière. Chanter c’est entrer en résonance avec l’univers.
De manière générale, que représentent les églises pour vous ?
Tout ce qui a trait au divin et au sacré est très important pour moi. Les églises, mais aussi les temples, les synagogues… C’est là où l’homme se retrouve avec lui-même. C’est un lieu où on peut réfléchir sans a priori.
Peut-on établir un lien entre l’art lyrique et la foi ?
Oui, il y a un lien. Pourquoi on appelle les chanteurs et les chanteuses d’opéra des divas et des divos ? Parce que ça vient du divin. Ce talent est un don qui vient de la nature, de dieu, du divin. Le chant, c’est une prière, ou la continuité de la prière, chanter c’est entrer en résonance avec l’univers. L’art lyrique, et la musique, ce n’est pas quelque chose que l’on peut toucher et tenir. C’est une vibration de l’ordre du divin.
Je suis tombé très malade, et j’ai failli mourir.
Une tournée est-elle prévue dans la foulée de ce récital ?
Une tournée est prévue. Toutefois, je préfère rester prudent. C’est un nouveau projet et ce n’est pas du commercial. Je veux d’abord voir si le concept plaît. Mais il y a une grosse demande. Beaucoup de villes ont émis le souhait de participer à cette tournée. Les gens ont besoin de se recueillir, et d’être en communion.
Vous y compris ?
Oui. Lors de la deuxième vague de Covid-19, je suis tombé très malade, et j’ai failli mourir. Je suis resté à l’hôpital pendant 15 jours, et j’étais sous respirateur artificiel. Une fois guéri, j’ai donné un concert à la Basilique de Saint-Denis, où j’ai interprété plusieurs chants sacrés, dont la prière Notre Père à capella. Et cela m’a beaucoup aidé. Si les chants sacrés m’ont aidé à retrouver espoir, je me suis dit qu’ils pouvaient aussi aider d’autres personnes.
Comment avez-vous découvert que vous aviez une voix hors norme et que vous étiez ténor ?
Avant d’être conscient de cette voix, j’ai toujours chanté. Puis j’ai compris que j’avais une voix particulière quand j’ai commencé à chanter dans des cabaret, vers l’âge de 16-17 ans. Une jour, on m’a conseillé d’aller voir un professeur cubain, et ce dernier m’a dit : «tu es ténor». J’étais tellement heureux. C'était comme si les portes du paradis s'ouvraient.
Néanmoins, encore aujourd’hui, je ne trouve pas que ma voix soit hors normes. Dans ma tête j’ai un son que je n’arrive toujours pas à atteindre. J’y pense la nuit. C’est un son extraordinaire, absolu, parfait, que je n’arriverai jamais à atteindre.
Plus le temps passe, plus mon stress augmente.
Avez-vous un rituel avant de chanter ?
Non pas vraiment. J’essaie surtout de me plonger dans un état second, de relaxation et de bien-être, comme les plongeurs en apnée. Je cherche la bonne respiration, et cela m’aide à contrôler mon stress. Contrairement à ce qu’on peut penser, plus le temps passe, plus mon stress augmente. On a une responsabilité supplémentaire, et c’est de plus en plus dur. Le public attend à chaque fois un miracle. Il veut toujours vous voir performant, et jeune.
Peut-on vraiment casser un verre avec sa voix ?
Oui, si on chante à la bonne fréquence, on peut casser un verre, ou même un miroir ! J’en ai déjà brisé un, à New York. Alors que je prenais un bain dans un hôtel, j’ai chanté un «mi», et d’un coup, j’ai entendu quelque chose se briser. Puis je me suis aperçu que je venais de briser mon miroir grossissant…