La rentrée est toujours aussi riche en nouveautés au rayon Bandes dessinées, avec de très belles surprises de la part des éditeurs.
Les fêtes de fin d'année approchant, la frénésie va peu à peu s'emparer des rayons BD. En attendant, la rentrée 2022 n'est pas avare en albums de qualité, avec un savant équilibre, pour les éditeurs, entre des héros ultra-connus et des titres plus intimistes mais tout aussi indispensables.
Un très bon désert
Une drôle de danse en plein Arizona. Le duo hyperactif Matz/Philippe Xavier, à l'origine de la série Tango, a profité d'un léger trou dans son agenda pour sortir «Le serpent et le coyote», un one-shot sans concession. Fidèle à leur style, les deux compères nous emmènent tambour battant aux côtés de Joe et de son coyote dans ce thriller aux décors splendides, qui hésite souvent entre contemplation et action. Dommage que le scénario soit un tout petit peu trop classique, en revanche.
Le serpent et le coyote, de Xavier et Matz, éd. Le Lombard, 23,50 €
des héros sur la brèche
C'est l'heure de l'épilogue pour Arzhur et Islen. Le duo, plus moderne qu'il n'y paraît (un ex-chevalier sur la mauvaise pente et une jeune fille qui n'a pas besoin d'être sauvée), nous avait tenus en haleine l'an dernier, chacun tentant d'échapper à un passé douloureux. Tant au niveau du scénario que du dessin, Mallié et Hubert ont démontré une parfaite maîtrise. Des qualités toujours d'actualité pour ce deuxième et dernier volume, qui sait ménager ses effets. Un conte teinté de tragique, qui résonne d'autant plus qu'il s'agit du dernier scénario signé par Hubert, qui nous a quittés en février 2020.
Ténébreuse, Tome 2/2, de Hubert et Maillié, éd. Aire libre, 20,95 €
Sfar sans fard
Joann Sfar à nu ? Il a fallu que le père du Chat du Rabbin frôle la mort en 2021 à cause du Covid pour qu'il se décide à raconter sa vie, et notamment ses souvenirs d'adolescence. Dans La Synagogue, à travers des anecdotes personnelles mises en scène avec le talent qu'on lui connaît, et son style graphique inimitable, il rappelle l'importance de toujours lutter contre les extrémismes, même lorsqu'on a le sentiment d'avoir raté les grandes luttes du passé.
La synagogue, de Joann Sfar, éd. Dargaud, 25,50 €
la sf sans compromis
Sylvain Ferret poursuit son parcours SF ambitieux. Après un premier tome très convaincant (la série Talion en comptera trois), l'auteur convoque une nouvelle fois son imaginaire percutant pour aller encore plus loin. On en apprend ainsi beaucoup plus sur les origines de la vermine, cette maladie incurable liée à la pollution, qui frappe essentiellement les moins aisés. Seul défaut de ce très bel album : si cette fresque est graphiquement incroyable, elle se révèle complexe, ce qui pourrait en rebuter certains.
Talion, Volume 2, éd. Glénat, 15,50 €
des contes revisitées
Fables, c'est un best-seller du comics, dans lequel des héros et méchants de contes de fée (Blanche-Neige, le Grand Méchant Loup, les Trois petits cochons…) se retrouvent propulsés dans notre monde, où ils tentent de vivre discrètement. Une œuvre passionnante, mais qui était jusqu'ici seulement disponible dans une intégrale imposante de 5 tomes de plus de 400 pages chacun. Pour cette rentrée 2022, Urban Comics a décidé de la décliner dans une toute nouvelle collection, baptisée Nomad, en format réduit (10 tomes au total) qui permet d'en profiter à peu près n'importe où. Qui dit format réduit, dit aussi prix réduits, avec des tarifs qui se rapprochent de certains mangas, ce qui pourrait séduire de nouveaux lecteurs. A raison, d'ailleurs.
Fables, Volume 1, de Buckingham et Willingham, éd. Urban Comics, 9,90 €
Spirou repart à l'assaut
Une toute nouvelle équipe prend en main la destinée de Spirou et Fantasio pour leur 56e album. Après quatre opus signés par Yoann et Vehlmann, sans réel coup de cœur du public, les héros des éditions Dupuis passent entre les mains d'un trio. Sous pression, Abitan, Guerrive et Schwartz tentent à la fois de respecter les origines, avec un trait volontairement vintage, tout en distillant quelques gouttes de modernité (la thématique écologique) pour mettre en scène cette aventure baptisée «La mort de Spirou». A l'arrivée, on n'est pas vraiment déçu, mais pas conquis non plus. Il en faudra un peu plus pour réussir la mission, d'autant que certains spin-off surprenants, comme le Spirou d'Émile Bravo, ont placé la barre très haut ces dernières années.
La mort de Spirou, Tome 56, de Abitan, Guerrive et Schwartz, éd. Dupuis, 11,90 €
Une toute autre histoire
Léo, c'est Léocadie. Une jeune fille qui, en 1944, a eu un coup de béguin pour Felix, un soldat allemand cantonné dans son village. Une relation, belle et maudite à la fois, qui va marquer durablement son destin. Au fil des années, le voile se lève, pour elle et pour ses proches, et notamment sa petite fille, Mayana Itoïz. Pour ce premier album en solo, la talentueuse autrice nous invite à un voyage mémoriel, tout en émotions et en nuances, au coeur d'une France déchirée et déchirante.
Léo en petits morceaux, de Mayana Itoïz, éd. Dargaud, 27 €
Des livres, encore des livres
En Egypte, au IIIe siècle av. J.-C, la grande bibliothèque d'Alexandrie est le lieu de toutes les connaissances. Le roi Ptolémée œuvre pour les sciences et les arts, mais les pratiques de certains ne font pas l'unanimité. Le destin d'Hérophile, anatomiste avant-gardiste, est au coeur de cet album réalisé de main de maître par l'artiste italienne Chiara Raimondi, qui développe un univers graphique magnifique pour une fresque antique que l'on espère voir durer.
Mémoires d'Alexandrie, de Chiara Raimondi, éd. Ankama, 13,90 €
L'antre du monstre
Chez l'éditeur Ki-oon, la publication des chefs d'œuvre de H. P. Lovecraft en manga, sous le pinceau expert de Gou Tanabe, se poursuit à un rythme effrénée. Et on ne s'en plaindra pas, tant la collection a fière allure, avec ses couvertures en simili-cuir de très belle facture.
Dans «Le molosse», le dernier album publié, sont en fait rassemblées trois histoires courtes de Lovecraft, à savoir «Le Temple», «Le Molosse» et «La Cité sans nom». Enfermement, occultisme, Monstruosités aquatiques... Les obsessions du maître de l'horreur, mort quasiment dans l'anonymat en 1937, sont toujours aussi fascinantes et cette version leur rend un très bel hommage.
Le molosse, de Gou Tanabé d'après Lovecraft, éd. Ki-oon, 15 €