La cérémonie de départ d’Angela Merkel se tiendra ce soir, jeudi 2 décembre. A cette occasion la chancelière a choisi, entre autres morceaux, de faire jouer un titre de la chanteuse punk Nina Hagen. Qui est cette artiste et pourquoi Angela Merkle a-t-elle jeté son dévolu sur le morceau : « Du hast den Farbfilm vergessen »?
Née à Berlin-Est en 1955, Nina Hagen est devenue au fil de sa carrière une icône nationale, puis à la renommée internationale. Artiste incontournable de la scène punk et new-wave des années 1970 et 1980, elle a marqué les esprits avec son look extravagant, son maquillage exagéré et sa voix étonnante, capable de passer des aigus les plus stridents aux graves les plus profonds.
Une pionnière du punk qui a fait ses premiers pas dans la musique à l’âge de 16 ans, en reprenant des tubes de Janis Joplin et Tina Turner, avant de rejoindre le groupe Automobil, au début des années 1970. Avec eux, elle signe en 1974 le titre « Du hast den Farbfilm vergessen ». C’est cette chanson, sortie durant la guerre froide et devenue un véritable tube en Allemagne de l’Est, que la fanfare interprètera d’ailleurs ce soir.
Une Allemagne de l’Est que Nina Hagen quitte en 1976. Cette année-là, sa famille est expulsée pour cause de dissidence et Nina Hagen part, l’année suivante, à Londres où elle côtoie notamment les Sex Pistols. A son retour à Berlin, elle monte le groupe Nina Hagen Band. Leur premier album porté par sa voix inclassable attire l’attention. En 1979, elle sort le tube « African reggae », mêlant rythme rock, reggae et opéra. Le titre connait une renommée internationale.
Des prises de position qui ont entaché sa renommée
Dans les années 1980, elle multiplie alors les disques - NunSexMonkRock (1982), Angstlos (1983), Nina Hagen In Ekstasy (1985) - et les collaborations, participant notamment à la bande originale du film de Christopher Franck « L’année des méduses ». Mais ses nombreuses déclarations et prises de parole publiques sur divers sujets - Dieu, les extraterrestre, les animaux, la politique - lui font du tort et décrédibilisent l’artiste. Elle sort malgré tout cinq disques en allemand et en anglais entre 1990 et les année 2000, et signe en 1999 « Om Namah Shivay », un album de chants indiens en partie caritatif.
L’artiste, qui n’a jamais cessé de chanter comme de cultiver son look extravagant, renoue avec la notoriété dans les années 2000. Cette même année son titre « Schön ist die Welt » est choisi pour devenir l'hymne de l'Expo 2000, exposition universelle qui s’est tenue à Hanovre. Six ans plus tard, elle devient membre du Jury de l’émission de télévision Popstars. En 2010, Nina Hagen sort son dernier opus «Personal Jesus», qui reprend notamment le titre éponyme signé Depeche Mode. Depuis 2015, à l’exception de quelques concerts, Nina Hagen, aujourd’hui âgée de 66 ans, se fait rare sur le devant de la scène.
Pourquoi ce choix de la part d’Angela Merkel ?
Si Nina Hagen est incontestablement une icône de la musique punk, on peut s’étonner que la chancelière allemande ait choisi l’un de ses titres à l’occasion de cette cérémonie officielle, qui marque son départ après 16 ans à la tête du pays. Faut-il y voir un message ? A ce propos, le journal allemand Tagesspiegel, cité par Courrier international, avance une théorie.
« En choisissant cette chanson, certes connue dans tout le pays, mais considérée comme un trésor culturel par seulement une partie de la population, elle prouve aux Allemands de l’ex-RDA qu’elle est bien des leurs », explique-t-il, d’autant qu’Angela Merkel a rarement fait étalage de son enfance et éducation en Allemagne de l’est.
Un choix qui souligne également le sens de l’humour de la chancelière. Avec cette « chanson que beaucoup beuglent à la table de la cuisine lors des anniversaires à chiffre rond de l’oncle de la famille, la chancelière témoigne une fois de plus de la finesse de son humour », poursuit le journal qui voit à travers ce geste une volonté d’unité. « En anoblissant Nina Hagen, une personnalité plutôt spéciale politiquement comme personnellement, elle affiche une volonté d’inclusion presque présidentielle – qui dépasse toutes les couleurs de cheveux », souligne par ailleurs le quotidien. Un choix pas si anodin en somme.