Le 16 août 1977, s’éteignait Elvis Presley, celui qui restera à jamais comme l’emblème du rock’n’roll. Depuis sa mort, le rock a changé. Pour certains, il s’est perdu. Plus d’un demi-siècle après ses premiers enregistrements, le mythe du King est toujours intact, tout comme le sont les fruits de cette époque, qui ont modifié pour toujours les mœurs occidentales.
Archives – Article publié le vendredi 22 juin 2007
Le rock devient blanc
Qu’il soit ou non l’inventeur du rock’n’roll, cela importe peu. Ce qu’a réalisé Elvis Presley dépasse largement le débat de spécialistes. Le jeune Elvis est amateur des musiques noires de son époque, du blues au gospel. Au cours de l’été 1953, il pousse la porte de ce qui n’est alors qu’un petit studio consacré à ces musiques : Sun Records, à Memphis. Il ne sait pas encore que c’est dans ce lieu, devenu depuis mythique, que son destin va basculer.
Après avoir enregistré deux titres à ses frais le premier jour, il revient le lendemain pour rencontrer le maître des lieux, Sam Philips. Celui-ci n’est pas convaincu par la voix du jeune homme, «pas souvent juste», mais par sa mémoire impressionnante. Il le fait revenir le 5 juillet. Les musiciens convoqués par Philips pour accompagner Presley ne sont pas plus enthousiastes. La journée touche à sa fin, et Sam Philips s’apprête à jeter l’éponge, déçu.
C’est alors qu’Elvis entonne un vieux standard : That’s All Right Mama. L’interprétation «donna immédiatement la chair de poule» à Philips. «Ce n’était pas la chanson à proprement parler, mais ce qu’en faisait Elvis», explique Sam Philips. «La chanson était à l’origine un blues, Elvis l’a transformé en rock and roll».
Vidéo : That’s All Right, Mama, le premier single d’Elvis Presley
Un 45 tours est enregistré, et Sam Philips envoie son nouveau poulain en tournée dans la région. L’audace de Presley, ses déhanchements, ce son mariant les styles des musiques blanches et noires du sud des Etats-Unis, font tout de suite fureur.
A l’époque, les rythmes et mimiques suggestifs, parfois lascifs, des musiques noires, sont appréciés en secret par toute une partie de la jeunesse blanche. Le grand succès de Presley, c’est d’avoir permis au Blancs de s’approprier cela à travers lui. Les mouvements de bassin du King sont si équivoques, si brutaux, qu’il est alors surnommé «Pelvis».
Les adolescents adorent, les parents détestent et tentent de faire annuler les concerts. Mais le jeune prodige détourne les menaces d’interdiction. Juste avant le début d’un concert floridien, Elvis est avisé de la présence de la police dans la salle, venue pour scruter son jeu de scène. Il décide alors de ne remuer que son petit doigt pendant toute la durée du spectacle. Le public est aux anges, plus hystérique encore que si Presley avait fait son show habituel.
Vidéo : Elvis Presley se déhanche en chantant Jailhouse Rock
La première megastar
Un an à peine après ses premiers pas en studio, Presley est une vedette dans tout le sud des Etats-Unis. Il rencontre celui qui deviendra son impresario et qui le restera jusqu’à la fin de ses jours : Thomas Andrew Parker. Dès leur alliance scellée, Parker décroche pour Presley un contrat avec RCA, la plus puissante maison de disques de la planète, et une apparition dans la célèbre émission télévisée le Ed Sullivan show.
Cinquante millions d’Américains regarderont Elvis se déhancher dans leur téléviseur, soit 80 % de part d’audience. Un record. Presley a tout juste vingt ans, un premier disque d’or, et devient à ce moment-là le «King». Il continue à faire scandale, mais le succès est là. Heartbreak Hotel, Blue Suede Shoes, Ready Teddy, Don’t Be Cruel ou encore Hound Dog sont tous des succès, et en 1956, Elvis a déjà décroché quarante-huit disques d’or.
Vidéo : Elvis Presley chante Bossa Nova Baby dans son film L’idole d’Acapulco
Hollywood s’intéresse au phénomène, et lui offre des rôles taillés sur mesure. La plupart du temps, il incarne un Américain pauvre qui réussit grâce à la chanson. Les films sont inégaux, mais la seule présence de Presley est suffisante pour attirer les foules dans les salles. Elvis a joué dans 31 films, dont Blue Hawaï, Le Rock du Bagne, Bagarres au King Créole et L’Idole d’Acapulco.
Adulé par des fans hystériques, Elvis ne peut plus mener une existence normale. Il fait l’acquisition de sa résidence Graceland, à Memphis. Il y installe sa famille et ses amis. Il y retrouve la paix, mais Graceland le coupera du monde extérieur, y compris de celui de la musique. D’autant que sa carrière de chanteur va connaître une longue parenthèse.
Presley est mobilisé en 1958. Il devra se rendre en Allemagne. Loin des siens, et alors qu’il vient de perdre sa mère, les années d’armée sont des années noires. John Lennon dira plus tard qu’«Elvis est mort le jour où il est entré à l’armée».
A son retour en 1960, il délaisse la musique pour le cinéma. Il ne voit pas que le rock’n’roll a changé : les Beatles, les Rolling Stones, les Who et autres Doors sont passés par là. Ringardisé sur le plan musical, sa carrière sur grand écran devient caricaturale et il ne tourne plus que des navets. Le public se détourne de son idole. Mais le King n’est pas mort, et il va revenir.
Vidéo : Si ces années d’armée sont des années noires, Elvis Presley composera néanmoins au cours de son service militaire une de ces plus meilleures chansons, Pocketful of rainbows
Le rêve américain
La vie d’Elvis Aaron Presley est l’archétype du rêve américain. Le 8 janvier 1935, il voit le jour dans une Amérique en pleine crise. Ses parents sont pauvres, et alors qu’Elvis est âgé de treize ans, ils décident de quitter Tupelo pour rejoindre la métropole de Memphis, dans le Tennessee. Devenu la plus grande vedette au monde, il incarne à la fois la plus belle des réussites et la révolution culturelle dont le continent avait besoin pour sortir des années mornes.
A la fin des années soixante, Elvis abandonne la carrière cinématographique qui aura en partie terni son image. Il décide de repartir à la rencontre de ceux qui ont fait sa légende : les jeunes hommes et femmes que sa musique fait vibrer. Le 3 décembre 1968, il soulève tout le pays grâce à une émission de télévision. Seul sur le petit écran de Elvis’ 68 NBC special, il reprend tous ses succès. L’Amérique retrouve son enfant chéri, au meilleur de sa forme.
Dès lors, le King enchaîne les concerts. Au mois d’août 1969, il se produit 57 fois à l’hôtel Hilton de Las Vegas. En 1972, il effectue son retour à New York après quinze ans d’absence, et crée l’événement le 14 janvier 1973. Depuis Hawai, il donne le premier concert de l’histoire retransmis par satellite. Un milliard de téléspectateurs de toute la planète sont devant leur petit écran pour assister au spectacle.
Vidéo : Elvis Presley chante en 1970 sa chanson In The Ghetto
Elvis n’est plus tout à fait un artiste, d’ailleurs il n’enregistre plus de nouveaux disques. Il n’est plus tout à fait un homme non plus. C’est un surhomme, doublé d’une icône, qui se produit sur scène. Et le public vient plus assister à un rituel qu’à un concert. Lors de ses entrées en scène, il est alors vêtu de ses «jumpsuits», paré d’une cape couverte de diamants.
Instants de célébration plus que de musique, les performances scéniques de Presley sont de plus en plus pauvres au niveau vocal. Qu’importe, il correspond au personnage que l’Amérique tout entière réclame. Il n’ose en sortir qu’en de trop rares occasions.
L’homme n’apparaît presque plus derrière le personnage. Seul son corps traduit la chute d’Elvis Aaron Presley. Il prend du poids, devient bouffi, se bourre de médicaments, a des trous de mémoire. Le King déprime, mais son pays se voile la face et continue à l’acclamer. L’être humain mis au monde par Gladys en janvier 1935 n’existe plus, coupé du monde et prisonnier de son public.
Il meurt le 16 août 1977. Elvis Presley est retrouvé en fin d’après-midi, inanimé dans la salle de bain de Graceland. Ses funérailles, organisées dès le surlendemain, seront dignes d’un président. Plus de 30 000 personnes y assistent.
L’énigme de sa mort …
Aujourd’hui encore, la sépulture du King est visitée par plus d’un demi-million de personnes par an. Dans sa grandeur comme dans sa chute, Elvis a symbolisé l’Amérique. Il était l’Amérique.
Les théories sur les circonstances de sa mort ne manquent pas et plus de 20 % des américains restent persuadés qu’il n’est pas mort. Le King traversait une mauvaise passe financière. Il venait de perdre dix millions de dollars dans une opération liée à la mafia. En fin de carrière, prisonnier de son image et de ses fans, il souhaitait peut-être changer de vie. Il avait d’ailleurs imaginé les scénarios d’une fausse mort.
La dépouille du King était-elle dans son cercueil, ou était-ce un mannequin de cire ? Son apparence rajeunie, ses mains, dont les traces du temps avaient disparu, et un favori tombant viennent renforcer ce doute. Certains croient déceler un système de réfrigération pour éviter que la cire fonde.
L’inventaire de Graceland a montré que certains de ses objets préférés avaient disparu. Le soir suivant sa mort, un homme lui ressemblant embarque pour Buenos Aires, sous le nom de John Burrows, son pseudonyme préféré. Une semaine avant sa mort, un million de dollars disparaît de l’un de ses comptes, qui ne sera jamais retrouvé.
Vidéo : Depuis sa mort, les hommages se multiplient et le cinéma a souvent fait appel son image. Notamment Michel Hazanavicius dans La Classe Américaine où Elvis Presley s'oppose à John Wayne
Elvis Presley est l’homme par qui est venue la libération des mœurs outre-Atlantique. Les fruits de cette émancipation sont toujours présents, la légende du King toujours vivante. La culture rock lui doit beaucoup.
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