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La mort de Pablo Neruda, un "assassinat" pour son homme de confiance

Pablo Neruda recevant le prix Nobel de littérature à Stockholm le 12 octobre 1971 [ / Scanpix/AFP/Archives] Pablo Neruda recevant le prix Nobel de littérature à Stockholm le 12 octobre 1971 [ / Scanpix/AFP/Archives]

Pablo Neruda a été "assassiné", clame depuis près de 40 ans Manuel Araya, secrétaire personnel et homme de confiance du poète et prix Nobel de littérature, décédé quelques jours à peine après le coup d'Etat de 1973, une mort attribuée officiellement à un cancer.

La dénonciation de M. Araya, appuyée par d'autres témoignages et des rapports médicaux, a été finalement entendue par la justice chilienne, qui a ordonné l'exhumation des restes du poète le 8 avril prochain à Isla Negra sur la côte centrale chilienne.

La version officielle certifie que le décès de Pablo Neruda, douze jours après le putsch de la junte présidée par le général Augusto Pinochet contre le gouvernement socialiste de Salvador Allende, était dû à l'aggravation de son cancer de la prostate.

A cette date le poète chilien devrait se rendre au Mexique, d'où il voulait prendre la tête de l'opposition à Pinochet.

"Neruda a été assassiné", affirme pour sa part Manuel Araya, 65 ans, à l'époque jeune militant que le parti communiste chilien avait désigné comme assistant et chauffeur de l'écrivain.

"Le 23 septembre (1973) nous sommes sortis un moment de la clinique Santa Maria à Santiago avec Matilde (Urrutia, la troisième épouse de Neruda) pour chercher quelques affaires que Neruda voulait emporter à Mexico le 24", raconte-t-il à l'AFP.

Vers quatre heures de l'après-midi, alors qu'ils se trouvent dans la maison de Pablo Neruda à Isla Negra, le poète les appelle au téléphone. "Il nous dit qu'un médecin est entré et lui a fait une piqûre dans l'estomac et qu'il sent qu'il a beaucoup de fièvre", poursuit M. Araya.

M. Araya et Matilde Urrutia rentrent immédiatement à Santiago.

"Lorsque nous arrivons à la clinique, Neruda a le visage rougi par la fièvre. Je vais dans la salle de bain pour mouiller une serviette et la lui poser sur l'estomac et là un médecin me dit +vous devez aller immédiatement acheter un médicament que nous n'avons pas à la clinique+".

Je sors de la clinique et là deux voitures s'arrêtent, des hommes armés en descendent et me disent +alors c'est toi le secrétaire particulier de Neruda+, je suis tabassé puis détenu", relate Araya.

Quatre heures après, l'écrivain et homme politique décède.

"Neruda m'avait dit: je vais au Mexique, camarade, et là je vais demander l'aide du monde entier pour faire tomber Pinochet. Dans trois mois, il sera fini. Je vais demander de l'aide aux gouvernements, aux intellectuels", raconte l'ancien secrétaire.

Lauréat du Nobel de littérature deux ans auparavant, Pablo Neruda se sentait menacé depuis le coup d'Etat et voulait sortir du pays.

C'est l'ambassadeur mexicain de l'époque à Santiago, Gonzalo Martínez, qui finalement lui donnera un sauf-conduit et un avion prêt à décoller pour Mexico le 24 septembre.

Selon le certificat de décès vu par l'AFP, Neruda est mort de "cachexie cancéreuse", un état de malnutrition extrême et de grande faiblesse.

 
 

Les personnes ayant vu Pablo Neruda les jours précédant sa mort s'accordent à dire qu'il ne semblait nullement en danger imminent.

"Lorsque je l'ai connu c'était déjà un homme malade, mais il n'était pas squelettique ni catatonique. Autrement je n'aurais pas envisagé de le mettre dans un avion pendant neuf heures", rappelait l'ancien ambassadeur mexicain Gonzalo Martinez à l'AFP en juin 2011.

La plainte de M. Araya a finalement été entendue en 2011, lorsque son témoignage a été publié dans le magazine mexicain Proceso, conduisant le Parti Communiste Chilien (PCC) à saisir la justice.

L'épouse du poète Matilde, décédée en 1985, préfèrera garder le silence.

"Il n'étais pas dans "un état de cachexie", affirme pour sa part à l'AFP l'avocat du PCC Eduardo Contreras.

L'exhumation pourrait donner les clés du mystère de la mort du poète. "Elle pourra déterminer si avec l'aide des nouvelles technologies et malgré le temps passé et la proximité de la mer, nous pouvons trouver des traces de substances nocives, de toxines, de bactéries", prouvant l'intervention d'un tiers, indique M. Contreras.

"Nous avons la conviction, la certitude la plus absolue que Neruda n'est pas mort de mort naturelle", maintient l'avocat.

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