Plus de 110 pays sont actuellement touchés par le coronavirus. Une épidémie qui frappe de plein fouet le secteur du tourisme, avec des conséquences dramatiques sur l'activité.
Annulations de voyages, chutes des réservations à court et moyen terme, pertes financières estimées à plusieurs milliards, tous les secteurs sont impactés. Une situation qui pourrait empirer en fonction de l’évolution de l’épidémie, du comportement attentiste des voyageurs et du sentiment de panique qui pourrait s'installer.
Après le marché Asiatique, les destinations européennes impactées
Alors que l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) a dressé un premier bilan, prévoyant une baisse des arrivées de touristes internationaux en 2020 et s’attendant désormais à une croissance négative de 1 à 3 %, l’Asie Pacifique sera, selon l'organisation, la région la plus touchée. Partie de la ville de Wuhan, l’épidémie a tout naturellement impacté, en premier lieu, la Chine et l’Asie. « Les régions asiatiques ont été le premier marché touristique à décrocher avec respectivement moins 65 et moins 50 % de réservations en février, par rapport à l’année dernière», note Guillaume Rostand, porte-parole du moteur de recherche de voyage Liligo.com. Des chiffres confirmés par Didier Arino, Directeur général du cabinet d’étude Protourisme qui estime lui, entre moins 40 et moins 60 % la fréquentation touristique de la Thaïlande, du Cambodge et du Vietnam par exemple. Un drame économique pour des pays qui vivent majoritairement du tourisme, et qui touche dorénavant les destinations européennes.
Si l’activité avait réussi à se maintenir ailleurs sur la planète, depuis fin février et le déploiement de l’épidémie, notamment en Italie et en France, premiers foyers européens, l’activité touristique fonctionne désormais globalement au ralenti. « Les Français étaient d'ailleurs inquiets bien avant la médiatisation des cas en Italie », note Guillaume Rostand qui constatait, avant la mise sous cloche du pays, un recul des réservations de moins 20 % en janvier et moins 40 % en février, par rapport à l'année dernière. « Avec le déploiement de l’épidémie, le marché du tourisme entre dans une seconde phase de décroissance qui pourrait s’avérer catastrophique », souligne-t-il. Les images de la place Saint-Marc, à Venise, ou encore du Colisée et du Vatican, à Rome, désertés par les touristes sont dans tous les esprits.
L’impact immédiat des annulations d’événements
Une inquiétude et un arrêt de l’activité dopés par la multiplication des annulations de grands salons publics et professionnels. En quelques semaines, le nombre de rendez-vous majeurs supprimés explose. Du Mobile world congress de Barcelone au salon de l’auto de Genève en passant par des rendez-vous sportifs comme le Marathon de Paris, reporté au 18 octobre prochain, ces annulations ont un impact immédiat sur l’économie et le tourisme. D’autant qu’elles s’accompagnent de mesures restrictives prises par les entreprises, qui freinent voire interdisent les déplacements à l’étranger de leurs collaborateurs. Un autre coup dur pour le secteur, alors que les voyages d’affaires représentent 30 % du marché du voyage.
Un manque à gagner colossal
A Paris, le secteur du tourisme est aussi au point mort. En situation normale, la capitale affiche complet à cette période, explique Didier Arino. « On constate une baisse de 15 % sur l’hôtellerie en Ile-de-France, avec, en prime, une double peine, celle de la baisse de la clientèle d’affaires, comme touristique ».
Après la désertion de la clientèle chinoise, qui représente 7 % des dépenses touristiques en France, on assiste avec le déploiement de l’épidémie à une accélération des annulations, et les différents foyers génèrent une part de psychose. Une angoisse croissante qui fait craindre le pire. En France, 7 % du PIB est directement menacé. «Après les attentats de 2015 et 2016, la crise des gilets jaunes de 2018, les mouvements sociaux de 2019, l'épidémie du COVID-19 vient asséner une fois encore un coup à l'économie française. Pour de nombreuses entreprises du secteur touristique et des services, cette crise pourrait être le point de bascule entre l'agonie et la mort », a noté mardi 10 mars dans un communiqué la députée de la Sarthe Pascale Fontenel-Personne, co-présidente du groupe d'études « Tourisme » de l'Assemblée Nationale.
« A l'échelle mondiale, sur l’ensemble de la chaîne touristique - transports aériens, tourisme d'affaire et d'agrément, agences de voyage, tours opérateurs, sites de visites, hébergements, évènementiel, restauration - le manque à gagner est d'ores et déjà de 100 milliards de dollars » estime, quant à lui, Didier Arino, de Protourisme. Un chiffre qui pourrait augmenter en cas d’aggravation.
Le transport aérien malmené
Directement impacté, le transport aérien s'adapte tant bien que mal et devra faire face à des pertes financières colossales. L’association internationale du transport aérien estime entre 63 et 113 milliards de dollars, les pertes potentielles pour le marché de l’aérien, soit 1/3 du chiffre d’affaire de l’ensemble du marché dans le pire scénario.
« C’est un moment critique pour l’industrie aéronautique » a déclaré, mardi 10 mars, le PDG de Norwegian Air Shuttle à l’AFP, annonçant que la compagnie low-cost, déjà en difficulté financière, allait annuler environ 3000 vols, entre mi-mars et mi-juin, du fait d’une baisse de la demande liée à l’épidémie du Coronavirus.
De son côté, le groupe Air France KLM, dont le nombre de passagers a baissé de 0,5 % en février du fait de l’annulation de tous les vols de, et vers la Chine, et de l’impact initial du COVID 19 en Asie, annonce également réduire la voilure. « Les prochains mois seront plus fortement impactés du fait de l’expansion du COVID 19 dans d’autres régions du monde » soulignait, mardi 10 mars, le groupe dans un communiqué, annonçant dans la foulée qu’en mars, Air France prévoyait, à ce jour, l’annulation de 3600 vols.
Les agences de voyage et tours opérateurs en crise
Dans le même temps, les agences de voyages et les tours opérateurs tirent la sonnette d’alarme, évoquant des baisses d’activités historiques. Les tours opérateurs constatent une réduction de l’activité en février de près de 25 %, soulignant une diminution accrue sur la dernière semaine de moins 60 %. Une chute de l'activité qui s'accompagne également d'un risque majeur d’annulations et de reports des commandes enregistrées.
« Si certains clients maintiennent leurs séjours, la moitié panique et annule », confirme, de son côté, Guillaume Rostand. Une situation qui inquiète, faisant resurgir de mauvais souvenir. « La faillite de Thomas Cook, ce n’est pas si loin » note Didier Arino. Si la situation actuelle devait se prolonger, plusieurs centaines de TPE, de PME et même de grands groupes pourraient être amenés à disparaître, soulignaient quant à elles Les entreprises du voyage et le Syndicat des entreprises de Tour operating (SETO) dans un récent communiqué.
Des réservations à l’arrêt à moyen terme et un repli local pour cet été
Dans ce contexte de globalisation de l’épidémie, les réservations sont au point mort et les voyageurs adoptent un comportement attentiste. « Les Français freinent tous leurs séjours prévus jusqu’à l’été » explique Guillaume Rostand. Les réservations ont déjà chuté de 30 % mais nous ne sommes pas à l’abri d’une baisse de 50 à 70 %.
Quid des comportements des Français pour l’été ? S'ils restent majoritairement dans l’Hexagone pendant les congés estivaux, un repli local pourrait être attendu et les circuits courts privilégiés. « Selon l’évolution de l’épidémie, le tourisme européen pourrait toutefois se maintenir car ce sont des vacances que l’on peut réserver au dernier moment » poursuit Guillaume Rostand. « Pour l’instant, les Français continuent de faire des recherches de voyages pour l’été, mais ils ne réservent pas ». Le marché est fébrile et les semaines à venir seront donc cruciales pour l’activité touristique. Un secteur qui emploie 10 % de la population mondiale.