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La sénatrice Catherine Morin-Desailly se félicite du «Digital Markets Act» : «Il n’y avait aucune régulation du marché numérique»

Voté en 2022 et en application dans l’UE depuis le 2 mai dernier, le «Digital Markets Act» a pour mission de réguler le marché numérique. [JUSTIN TALLIS/AFP]

Dès ce mercredi 6 mars, les Gafam s’exposent à de fortes sanctions si elles ne respectent pas le «Digital Markets Act» visant à réguler le marché numérique dans l'UE. La sénatrice (UC) Catherine Morin-Desailly, auteure de plusieurs rapports sur ce thème pour la commission des affaires européennes, se félicite de cette avancée.

Une bataille législative remportée par l’Union Européenne face aux mastodontes du Web. Voté en 2022 et en application dans l’UE depuis le 2 mai dernier, le «Digital Markets Act» a pour mission de réguler le marché numérique en restreignant le pouvoir d’influence des plate-formes dominantes sur Internet. 

A compter de ce mercredi 6 mars, les géants du secteur, à savoir les Gafam (Google, Apple, Facebook (devenu Meta), Amazon et Microsoft) et la société chinoise Bytedance derrière TikTok, s’exposent à des sanctions en cas de non-respect du règlement.

La sénatrice (UC) Catherine Morin-Desailly, auteure de plusieurs rapports sur ce thème pour la commission des affaires européennes, décrypte pour CNEWS les contours de cet outil législatif. Investie sur le dossier depuis plus d’une décennie, elle se réjouit du chemin parcouru par l’Union Européenne sur le plan législatif.

Qu’est-ce qui différencie le «Digital Markets Act» (DMA) du «Digital Services Act» (DSA) ?

Catherine Morin-Desailly: Ce sont deux textes de règlement européen qui sont différents mais complémentaires, on aurait même pu en faire qu’un seul et même texte. 

Le «Digital Markets Act», qui est le premier texte à avoir été voté et qu’on appelle «le règlement sur les marchés numériques», c’est la régulation des plates-formes pour permettre de créer des conditions loyales du développement du marché numérique dont dépend aujourd’hui tous les acteurs du marché économique. C’est recréer des conditions de régulation des contrôleurs d’accès que sont les GAFAM et permettre à nos entreprises de pouvoir s’y déployer.

Le DSA, c’est sécuriser l’environnement en ligne. C’est un règlement pour les services numériques donc pour faire simple, les réseaux sociaux. Pour le DMA comme pour le DSA, les acteurs que nous cherchons à réguler sont les plate-formes, autrement dit les Gafam. Elles maitrisent l’écosystème du marché économique et des réseaux sociaux qui se sont développés.

La mise en place du DMA et du DSA oriente-t-il le rapport de force en faveur de l’autorité de contrôle européenne et non plus pour les géants du Web ?

J’ai encouragé ces textes depuis 2013 puisque j’avais fait à cette époque un rapport qui s’appelait «L’Union Européenne : colonie du monde numérique». Depuis, j’ai fait d’autres rapports sur le sujet et j’ai produit ce qu’on appelle des propositions de résolutions européennes qui demandaient que nous revoyions la directive e-commerce, un texte législatif européen qui ne conférait aucune responsabilité ni redevabilité aux plates-formes.

On considérait à l’époque qu’il fallait absolument que ce marché numérique se développe. On en était au début. Il fallait soutenir l’innovation donc il n’y avait aucune régulation à ce moment-là, c’était un peu la jungle. Cela faisait donc près de 10 ans que je demandais qu’on réouvre cette directive à la vue des abus, des positions dominantes et des mésusages présents sur les réseaux sociaux.

Il fallait qu’on légifère enfin pour rendre responsable et redevable les plates-formes. Je tiens à le dire car il a fallu beaucoup de temps pour convaincre et que cette législation se fasse. On a fini par y arriver car la crise du Covid nous a tellement rendu dépendant de nos ordinateurs et de nos tablettes pour faire nos activités qu’on s’est rendu compte à quel point on dépendait de ces plates-formes.

Pour le «Digital Markets Act», on instaure de nouvelles règles de concurrence et de responsabilité. Pour le «Digital Services Act, on a deux types d’obligations. La première vise les contenus illicites détectés sur les réseaux sociaux. Les plates-formes se voient renforcer dans leurs obligations concrètes de modération. La seconde cible les obligations de vigilance, de transparence et de moyens sur les contenus préjudiciables (injures, mauvais comportements…)».

Quelles sont les enjeux et les voies d’amélioration en matière de protection des utilisateurs concernant l’immense secteur du numérique dans les années à venir ?

«Selon moi, les plates-formes visées devraient disposer d’un véritable statut de responsabilités à mi-chemin entre hébergeur et éditeur… Peut-être pas tout à fait comme une rédaction mais elles devraient être responsables malgré tout de ce qui apparait sur les réseaux et sur ce qui dysfonctionne gravement.

L’autre possibilité est qu’elles rendent transparents leurs modèles algorythmiques qui sont souvent extrêmement toxiques et addictifs. Malheureusement, elles ne voudront pas se plier à cette option car elles opposeront le modèle d’affaires.

On a noté avec mes collègues de la commission des affaires européennes et du Sénat qu’il faudrait des évaluations extrêmement régulières. Il faudrait aussi mettre en place, sur la mise sur le marché d’une nouvelle plate-forme ou d’une plate-forme qui se transforme, des tests ou des expérimentations pour voir les effets algorithmiques sur un ensemble de publics.

Il faut exiger le «safety by design», c’est-à-dire la sécurité par conception du produit. On ne met pas sur le marché un médicament qui a des effets secondaires importants et nuisibles, là c’est un peu pareil, il faudrait pouvoir être dans cette exigence».

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