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10 ans après avoir gagné Jeopardy, qu'est devenue Watson, l'IA d'IBM ?

[© Jeopardy Productions Inc./IBM capture YouTube.]

Il y a dix ans, en février 2011, une intelligence artificielle remportait un million de dollars au célèbre jeu télévisé Jeopardy. Une prouesse qui faisait entrer l'IA dans l'ère moderne. Baptisée Watson, cette dernière a depuis fait un chemin considérable en proposant des applications dans les domaines de la santé et des entreprises.

L'un de ses pères, Jean-Philippe Desbiolles, vice-président de la division d'IBM dédiée à l'intelligence artificielle, revient pour CNEWS sur cette incroyable aventure. Auteur du livre «L'IA sera ce que tu en feras» aux éditions Dunod, il s'interroge également sur la construction de notre avenir grâce à cette technologie.

Dix ans plus tard, comment analysez-vous cette victoire de la machine à Jeopardy ?

Il faut bien comprendre qu'il y a 15 ans, IBM était un peu seul au monde en matière d'IA applicative, alors qu'aujourd'hui ce domaine irrigue tout le marché. Surtout, nous sommes passés d'une IA théorique à une IA appliquée pour tendre vers une IA mise à l’échelle au sein de l’entreprise.

En 1997, Deep Blue, en battant le champion d'échecs Garry Kasparov, avait démontré que la machine pouvait vaincre l'homme sur un jeu fini. Cette IA était déja capable d'analyser plus de 200 millions de positions par seconde.

En 2011, notre IA avait ingéré plus d'un million d'ouvrages pour remporter Jeopardy. Mais pour y parvenir les choses étaient plus complexes, car Watson devait être capable de comprendre le langage naturel (les questions posées par le présentateur), le sens des mots, mais aussi savoir s'il fallait oui ou non répondre à une question, un point important était en effet cette capacité de jugement car ce jeu pénalise les mauvaises réponses.

Enfin, une nouvelle étape a été franchie récemment en 2019 avec The Debater. Une IA qui peut comprendre un sujet et en débattre face un interlocuteur. L'IA avait ici intégré un corpus d'informations de plus de 10 milliards de phrases. Mais pour débattre, il lui faut comprendre les subtilités du langage, comme l'ironie et le raisonnement de son contradicteur. Cette expérience a permis de se rendre compte que l'homme qui était son interlocuteur s'est montré le plus convaincant, mais le public a également souligné que c'est bien la machine qui a apporté le plus d'informations pour qu'il se forge leur propre opinion. On comprend donc qu'une IA bien utilisée permet d'aider un individu à se forger un avis.

L'idée est donc, selon vous, d'aller vers une collaboration humain-machine. Toutefois, il y a encore de nombreux préjugés sur l'intelligence artificielle...

La mise à l'échelle de l'intelligence artificielle dans la société repose sur la confiance. L'IA devra reposer sur trois piliers que sont la transparence, l'explicabilité et sa robustesse. Les IA doivent toujours évoluer et c'est pourquoi elles doivent toujours restées explicables pour être comprises.

L'IA est une technologie qui remet et doit garder l'humain au centre du pouvoir.Jean-Philippe Desbiolles

Ne va-t-on pas entrer en compétition face aux machines pour exercer nos métiers ?

Il faut garder à l'esprit que l'IA sera présente dans tous les métiers. Chez IBM nous travaillons sur un projet qui permettra de mieux comprendre comment nous allons collaborer avec les IA. Nous établissons actuellement un programme qui, dans les grandes lignes doit répondre à trois questions pour savoir : Quand l'humain est meilleur que la machine, pourquoi et sous quelles conditions ? Quand la machine est-elle meilleure que l'humain, pourquoi et sous quelles conditions ? Et enfin quand l'humain et la machine peuvent-ils collaborer, pourquoi et sous quelles conditions ? L'IA est une technologie qui remet et doit garder l'humain au centre du pouvoir. On pourra alors parler d'humain augmenté ou assisté.

Depuis dix ans qu'elles ont été les applications qui ont découlé de Watson ?

Il y a de multiples exemples. Une IA comme Watson peut par exemple permettre à un avocat de bâtir un dossier sur une affaire, en lui fournissant un argumentaire fondé sur des jurisprudences qu'une IA ira chercher pour lui. Un système apprenant peut aider un professionnel de la santé à déterminer un diagnostic auprès d'un patient. Un autre cas s'applique dans le milieu de la parfumerie où une IA va aider un nez à créer une fragrance.

D'autres applications interviennent dans le domaine de l'expérience client, 55 % des conversations entre certaines banques et leurs clients sont gérées par des IA par exemple. Tandis que les agents conversationnels sont également utilisés pour les réclamations clients... Ou encore aider des activités de détection de fraude en identifiant des « signaux faibles ». Les cas d’application métiers sont sans limite.

L'informatique quantique est un autre sujet qui occupe les chercheurs. Comment une intelligence artificielle va-t-elle évoluer une fois qu'elle sera intégrée à cette technologie ?

L'informatique quantique va suivre un parcours expérimental avant de rejoindre un parcours applicatif pour les entreprises, à la manière du chemin qu'a suivi l'IA. Lorsque l'on passera à la pratique avec l'informatique quantique, les capacités des intelligences artificielles seront démultipliées à un niveau qu'on ne connaît pas aujourd'hui. Grâce au quantique, l'IA pourra apprendre en continue, en temps réel et atteindre un niveau de service d'une puissance colossale, contrairement à l'informatique actuelle où une IA fait ce qu'elle a appris à faire sur un domaine précis. Avec l'avènement de l'informatique quantique, un autre domaine sera également à surveiller de près : la cybersécurité.

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