Sur le mode du survival horror, Naughty Dog livre avec The Last of Us Part II, disponible le 19 juin sur PS4, une aventure à la fois violente et humaniste dont on ressort à la fois sonné et fasciné.
Sept ans que les joueurs attendent la suite des aventures d’Ellie et Joël. Autant dire que The Last of us Part II est sans doute LE jeu, avec Cyberpunk 2077, le plus attendu de l’année. Avec ce nouveau titre le studio américain de Naughty Dog (Uncharted), propriété de Sony, entend bien réitérer l’exploit du premier épisode sorti en 2013 et très vite devenu un jeu culte.
Dans un monde post-apocalyptique ravagé par une mystérieuse épidémie qui transforme les humains en créatures sanguinaires, Ellie et Joël vivent en communauté dans une petite ville fortifiée, baptisée Jackson. Point de départ de cette aventure très écrite et très cinématographique à l’instar du premier opus. Tout comme The Walking Dead, ces espèces de morts-vivants ne sont que le prétexte à parler des hommes et des femmes, des relations entre les individus dans un monde dévasté. Les « infectés » sont là, ils représentent un danger, et constituent un des principaux ressorts de l’action. Point. Mais le sujet est ailleurs.
«En surface, c’est une simple "histoire de vengeance" mais lorsque vous plongerez dans le jeu, des thèmes plus profonds émergeront, explique Neil Druckmann, le réalisateur du jeu. C’est une histoire de tribalisme, de la façon dont nous dénigrons et déshumanisons ceux de l’extérieur». Impossible de raconter le détail de l’histoire sans spoiler. Mais oui, la vengeance et la Loi du Talion sont le moteur de cette intrigue qui va emmener Ellie jusqu’à Seattle et au-delà.
Le véritable sujet de The Last of us Part II, c’est notre rapport à l’autre. «L’enfer c’est les autres ». On pourrait sans doute se livrer à une lecture sartrienne du récit. Quoi qu’il en soit, Naughty Dog parvient à nous faire vivre une expérience unique et déstabilisante en renversant les perspectives en plein milieu d’aventure. Les adversaires humains croisés ont eux aussi une histoire, une famille, une vie qui peut en une fraction de seconde basculer et s’éteindre. Alors que l’intrigue se dévoile, on comprend mieux «l’autre», l’ennemi mais aussi «l’autre», la femme, l’homme, l’homosexuel, le religieux... Un véritable tour de force tant il est rare de vivre avec une telle intensité ce genre de situations.
Une intensité que l’on retrouve dans l’ultra-violence déployée dans la mise en scène. On peine à imaginer que celle-ci ne suscite pas de nombreuses réactions, d'autant que celle-ci portée par un univers graphique d'un réalisme rarement vu sur PS4. Certes, a priori Naughty Dog montre la violence de ce monde post apocalyptique pour mieux la dénoncer. N’est-ce pas cette ultra-violence qui, in fine, sonne le glas de la civilisation ? Quelle est la limite avant de passer de l’humanité à l’animalité ? Les personnages eux-mêmes s’interrogent sur la nécessité de ce déferlement de haine et de colère. « Qu’est-ce qui nous est arrivé ?», s’interroge l’une d’elles.
Reste que ce choix (artistique ?) divisera certainement. Etait-il vraiment nécessaire de montrer ces scènes d’une violence inédite dans un jeu vidéo ? Enchaîner ces meurtres ou scènes de torture durant plusieurs dizaines d’heures, n’est-ce pas de facto banaliser cette violence extrême ? Une violence et une rage que l’on vit jusqu’au malaise lors de certaines séquences d’une rare puissance. Le débat est ouvert et chacun, en fonction de sa sensibilité, se fera son opinion mais il reste évident que The Last of Us Part II ne se destine pas à tous les publics.
La fragilité des relations humaines
La narration prend souvent le pas sur une action qui reste omniprésente et néanmoins classique malgré l’introduction de quelques séquences de plate-forme. Ici, on se faufile pour se défaire des adversaires qui jalonnent des niveaux enténébrés et en ruines. The Last of Us 2 fait la part belle à l’infiltration. Survival oblige, on cherche à mettre la main sur la moindre cartouche de fusil, la moindre bouteille d’alcool avec laquelle on pourra confectionner des soins ou des cocktails molotov. Impossible de le nier, on a eu quelques bons frissons et quelques belles montées d’adrénaline ici ou là. La formule The Last of Us fonctionne toujours à merveille.
Mais si The Last of us Part II est une production mémorable, c’est avant tout parce qu’elle permet au joueur de mieux cerner les points de vue des différents protagonistes pour mieux les comprendre et saisir avec la complexité et la fragilité des relations humaines. Flaubert l’a écrit «personne ne comprend personne, nous vivons tous dans un désert». Une traversée du désert ici passionnante et riche en enseignements. La marque des très grands jeux.
The Last of US Part II, Sony, le 19 juin sur PS4.