Le climat est lourd à Mayotte. Malgré le déploiement de moyens sécuritaires, les problèmes dans le département restent nombreux et difficiles à endiguer. De quoi faire dépêcher sur place le ministre de l'Intérieur.
Les mesures annoncées en direct depuis Mayotte par Gérald Darmanin seront-elles suffisantes pour calmer la crise qui frappe l’île ?
En déplacement sur l'île ce dimanche, le ministre de l'Intérieur a notamment annoncé une révision constitutionnelle destinée à supprimer le droit du sol sur l'île de l'océan Indien, confrontée à une grave crise migratoire et à une situation sociale et sécuritaire explosive. La limitation du rapprochement familial ainsi que la fin des visas territorialisés sont également sur la table.
Depuis le 22 janvier dernier, le climat y est on ne peut plus tendu, en témoignent de nombreux affrontements entre habitants et forces de l’ordre, ou l’installation de barrages routiers par des «collectifs citoyens», aux quatre coins de l’île. Les habitants dénoncent entre autres l’explosion de la violence et une immigration illégale devenue hors de contrôle, principalement en provenance des Comores, malgré le déploiement de moyens sécuritaires, notamment lors de l’opération Wuambushu. La moitié des habitants de l’île proviennent d’ailleurs d’autres pays.
De nombreuses bandes violentes, ont également pris d’assaut plusieurs barrages, parfois munies d’armes blanches, ciblant également des passants au hasard et semant la terreur dans la rue. Un habitant confiait même qu’il valait mieux ne pas sortir de chez soi après 18h.
Des problèmes d'approvisionnement en nourriture
Selon l’Agence de la transition énergétique (Ademe), le port de Longoni (nord de l’île), ciblé par la contestation, couvre 65% des besoins alimentaires du territoire. Or, en raison des blocages, les marchandises peinent à gagner les supermarchés, de sorte que leurs rayons se vident de plus en plus et que des pénuries commencent à se manifester, générant par là-même une accumulation des stocks chez les petits producteurs, qui peinent à être rémunérés.
Et ce n’est pas le seul problème lié aux vivres : depuis août dernier, une sécheresse exceptionnelle avait conduit à une raréfaction de l’eau potable telle qu’une distribution de bouteilles d’eau avait dû être organisée sur l’île, l’eau courante n’étant disponible qu’un jour sur trois.
L’arrivée de la saison des pluies, courant décembre, a néanmoins fait remonter sensiblement le niveau des lacs artificiels qui assurent, avec les rivières, 80% de l’approvisionnement en eau de Mayotte, laissant entrevoir la voie d’une amélioration.
Une extrême pauvreté
En outre, Mayotte souffre d’une très forte pauvreté : 77% des habitants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2021, selon l’INSEE. Soit cinq fois plus que sur le territoire national. Là où le salaire médian était de 22.300 euros annuels à l’échelle du pays en 2018, il n’était que de 3.140 euros à Mayotte la même année. Le PIB était également le plus faible, avec seulement 2.900 millions d’euros contre 764.800 millions d’euros en Île-de-France, ou 290.900 millions en Auvergne-Rhône Alpes.
Or, cette pauvreté et cette difficulté à accéder aux ressources se double d’un problème démographique. Entre 2012 à 2017, en effet, la croissance de la population y était particulièrement dynamique avec +3,8% par an environ, et une moyenne de 4,7 enfants par femme – largement plus que la moyenne métropolitaine.
Un fort taux de chômage
En ce qui concerne l’emploi, les données vont dans le même sens : seules 30% des personnes en âge de travailler avaient un emploi en 2018 contre 65% sur le reste de la France. En 2017, seules 32% des personnes de 15 ans ou plus sorties du système scolaire possèdent un diplôme qualifiant, contre 72% en France métropolitaine, faisait savoir l’INSEE.
Mayotte était ainsi la région de France avec le moins de diplômés et l’une des zones géographiques où accéder à un emploi était le plus difficile.