Le 13 novembre 2015, il fut le premier médecin à entrer au Bataclan derrière les hommes de l’Antigang. Alors que s'ouvre mercredi le procès des attentats de Paris, Denis Safran, médecin chef de la brigade de recherche et d'intervention (BRI) s'est confié à CNEWS.
Un témoignage rare et une parole forte. Lors de cet entretien, réalisé par les journalistes Karima Benamrouche et Sandra Buisson, le médecin explique notamment qu'il a compris «tout de suite» que la situation serait ce soir-là «dramatique» eu égard au désordre et des nombreuses victimes au sol.
Autre souvenir qui lui revient en mémoire : ces mots, terribles, prononcés à l'intérieur du Bataclan, par le responsable de la colonne d'assaut lorsque celle-ci s'est mise en place à l'entrée de la fosse.
«Le chef de colonne ouvre la porte, regarde et dit quelque-chose qui m’a frappé et que j’ai encore dans les oreilles : 'on va y aller, on va pas tous revenir'», se remémore Denis Safran. «A ce moment-là, raconte-t-il encore, de nombreuses victimes sont sorties avec des blessés et le chef de colonne me dit : 'reste là , fais ce que tu as à faire, tu reviendras après'.»
La raison de cette scission dans l'organisation ? le professionnel de santé la rappelle lui-même. «Le rôle du médecin d’une telle unité, explique-t-il à CNEWS, c’est de s’occuper des blessés, à commencer par les blessés de l’unité.»
A partir de là, et alors que les hommes de la BRI partent au combat, Denis Safran, n’a donc plus qu’un seul objectif : «celui de mettre un maximum de victimes à l’abri, de les faire prendre en charge le plus rapidement possible par les services de secours.»
«Ce qui m'a le plus frappé, c’est la jeunesse des victimes»
Une mission qui se fait du reste totalement à l’aveugle, sans savoir à aucun moment où se trouvent précisément les terroristes, ni combien ils sont ou comment ils sont organisés. Et une autre menace plane : celle de lieux qui pourraient avoir été piégés par les islamistes.
Mais il faut agir. L'heure est plus que jamais à l'action pour sauver les victimes. Et pour cela, une médecine des plus urgentes, de guerre même, se met en place. «L’instrument de médecine que j’ai essentiellement utilisé ce soir-là c’est une paire de ciseaux pour découper les vêtements», explique Denis Safran.
Et face au manque de brancards, il faut également improviser explique le médecin-chef de la BRI. «De là m’est venue l’idée : celle d’utiliser ces barrières métalliques qui servent à canaliser les files d’attente». Une débrouille salvatrice qui a sans doute permis d'aider de nombreuses victimes.
Mais de cette terrible nuit, le souvenir le plus fort de Denis Safran, «ce qui l’a le plus frappé, dit-il, c’est la jeunesse des victimes». «C’étaient des victimes qui avaient toutes l’âge ou étaient plus jeunes que mes enfants», explique ce professionnel de santé aguerri et encore ému.