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Guy Lagache : "La Shoah a été connue dès 1941"

Guy Lagache dévoile les agissements des nazis qui ont voulu échapper à la justice Guy Lagache dévoile les agissements des nazis qui ont voulu échapper à la justice[P. Mazzoni/D8]

8 mai 1945. Le monde découvre l’horreur des camps de concentration. Les Alliés en avaient-ils déjà connaissance ? Qui les a prévenus ? Pourquoi n’ont-ils pas agi ? Le magazine Histoire interdite, présenté par Guy Lagache, lève ce soir le voile sur "les derniers secrets des nazis" et les hommes de l’ombre qui ont aidé les Alliés.

 

Quand les Alliés ont-ils eu connaissance de la barbarie nazie ?

Ils ont eu connaissance des crimes commis dans les camps de la mort beaucoup plus tôt que ce que l’on croit. Dès 1941, le Premier ministre britannique dispose de rapports sur le massacre des juifs en Russie, que l’on appellera plus tard "la Shoah par balles". Il connaît aussi, par la voix du résistant polonais Witold Pilecki, la violence inouïe qui règne à Auschwitz.

Le gouvernement britannique sait qu’il y a des camps qui ne ressemblent à aucun autre jusqu’à présent. Des camps dont l’horreur est décrite dans des messages que fait envoyer ce résistant polonais qui s’est fait interner à Auschwitz pour faire connaître au monde entier ce qui se passe à l’intérieur de ces camps de concentration.

La guerre a à peine un an lorsqu’une partie des Alliés - à savoir le gouvernement britannique - est au courant. Le problème c’est que les Britanniques ne peuvent pas faire grand-chose. Il faut rappeler qu’à cette époque les États-Unis ne sont pas en guerre, que quasiment toute l’Europe a été envahie par l’Allemagne. On ne peut pas imputer la question de l’indifférence ou le manque d’action à cette époque. En 1941, le gouvernement britannique est seul et il ne peut pas agir contre cette barbarie.

Les États-Unis et de Gaulle sont mis au courant de la solution finale dès 1942. Il y a eu une succession d’informations qui vont arriver à la connaissance des Alliés tout au long de la guerre grâce à des hommes et des femmes qui ont fait preuve d’un courage absolument extraordinaire pour sonner l’alerte et ainsi éviter que le crime contre l’humanité puisse continuer de façon impunie.

 

Les Alliés auraient-ils pu stopper avant la machine de mort ?

Certains historiens pensent que bombarder les rails aurait permis de sauver des milliers de vies, mais la priorité des Alliés est alors d’utiliser les moyens militaires pour gagner la guerre.

 

Vous retracez l’incroyable itinéraire de l’industriel Schulte.

Il est le "Oskar Schindler pas connu", dans le sens où Oskar Schindler a sauvé des centaines, voire des milliers de juifs, et lui, son objectif c’était d’en sauver des millions. Cet industriel allemand détestait secrètement Hitler. Il livrait des informations aux services secrets alliés entre 39 et 42.

C’était un informateur qui a vraiment fait preuve d’héroïsme quand il a décidé de transmettre l’information qu’Hitler préparait l’impensable, à savoir le gazage de 4 millions de Juifs.

 

Il n’a pas été entendu tout de suite…

Il a été entendu par le congrès juif mondial puis l'information est remontée jusqu’à Roosevelt. La réalité - et c’est ce que raconte le document - c’est que l’information n’était pas croyable. Il faut se replacer dans l’époque. Comment imaginer que l’on puisse faire une chose pareille ? Ce n’est juste pas possible.

D’ailleurs on ne peut pas s’habituer à ce que l’Allemagne nazie a fait de ce point de vue-là. Vous pouvez regarder les images de la libération des camps, 100 fois, 1000 fois, 1 000 000 de fois… Cela dépasse l’entendement. Donc à l’époque qu’on puisse imaginer qu’il y a un plan secret pour massacrer de façon systémique et industrielle un peuple, ça semble impensable.

Effectivement l’information est seulement relatée dans une petite brève du New York Times  parce que ça semble incroyable. En revanche, il va y avoir un certain nombre d’autres sources qui vont venir confirmer ce que Schulte a secrètement délivré comme message, et c’est à ce moment-là que les gouvernements alliés, fin 42, vont faire une déclaration commune sur l’existence de la solution finale.

 

Vous révélez aussi comment des nazis ont échappé à la justice.

Certains gradés ont bénéficié de complicités d’organisations et d’hommes au-dessus de tout soupçon. On raconte, par exemple, comment un évêque pro-nazis a mis en place une filière, à l’intérieur même du Vatican.

C’était un homme très important dans l’Église, un proche du pape, et on décrypte la façon dont il s’y prend pour aider un grand nombre de criminels nazis à fuir l’Allemagne dont Erich Priebke qui était en charge de la gestapo à Rome qui a du sang de centaines d’innocents sur les bras. La question que ça pose c’est : est-ce que le pape était au courant ? On démontre qu’il y a eu un rapport des services secrets qui date de 1947 sur son bureau. Il ne peut pas ignorer le fait que le Vatican permet à des criminels nazis d’échapper à la justice.

 

Histoire Interdite, D8, 20h50.

 

 

Dates clés :

1941-1943. Le résistant Witold Pilecki se fait emprisonner à Auschwitz pour témoigner de l’horreur qui s’y déroule.

24 août 1941. Churchill déclare que "depuis les invasions mongoles au XVIe siècle, il n’y a jamais eu de boucherie méthodique, impitoyable, d’une telle ampleur".

Septembre 1942. Eduard Schulte, industriel allemand, dévoile que Hitler prévoit d’éliminer des millions de juifs.

Décembre 1942. Les Alliés reconnaissent et condamnent l’existence de la "solution finale". Aucune action concrète n’en découlera.
 

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