Instagram, l'application photo vedette rachetée à prix fort au printemps par Facebook, est passée en quelques mois d'une plate-forme de partage centrée sur la vie privée à un véritable média relayant l'actualité, comme durant l'ouragan Sandy, indique Kevin Systrom, son co-fondateur.
"Au début, les utilisateurs d'Instagram partageaient beaucoup de photos d'eux-mêmes, de leur vie, de leurs proches, de leurs repas, etc...", résume mardi à l'AFP Kevin Systrom, en marge de la conférence LeWeb 2012 organisée aux Docks de Paris à la Plaine Saint-Denis jusqu'à jeudi.
L'application, qui revendique plus de 100 millions d'utilisateurs dans le monde, permet de prendre des photos depuis son téléphone portable, de les retoucher avec une série de filtres leur donnant le plus souvent un aspect "rétro", puis de les mettre en ligne.
Initialement annoncé à un milliard de dollars, le rachat d'Instagram par Facebook s'est finalement élevé à 747 millions en raison de la chute du cours du titre Facebook.
"Aujourd'hui, nous avons atteint une sorte de nouvelle étape où ces photos permettent aussi de donner une vision du monde. On procède de la même manière, un peu viscérale, avec l'actualité qu'avec sa propre image", a expliqué Kevin Systrom.
Reflet de ce phénomène, le prestigieux Time magazine a mis, début novembre, en Une une photo prise durant l'ouragan Sandy avec Instagram, après avoir confié à cinq reporters la couverture de l'événement, non pas avec leur habituels boîtiers, mais avec de simples smartphones utilisant Instagram.
Cette application a été plébiscitée par les Américains pour montrer au monde, ou plus simplement à quelques amis, comment ils vivaient le passage du cyclone Sandy: selon le blog officiel d'Instagram, une moyenne de 10 photos par seconde, liées au cyclone, ont été postées par les utilisateurs sur la plate-forme.
Instagram ne remplace pas une photo traditionnelle
"Le fait qu'une photo prise avec Instagram fasse la couverture du Time Magazine, ou que ces photos témoignent de certains événements d'actualité, montre que les gens commencent à comprendre à quel point Instagram peut avoir du poids et du pouvoir", estime le jeune fondateur, âgé de 28 ans.
Il estime qu'Instagram "ne remplace pas la photographie traditionnelle", mais "amplifie" l'impact et la diffusion des photographies.
"Je pense vraiment qu'Instagram est en train de développer le monde de la photographie, et pas nécessairement en train de le faire changer. La taille du marché de la photo était assez petit avant, et maintenant qu'il est assez simple de prendre des photos, le gâteau est plus grand", juge-t-il.
Selon lui, "les gens continuent de prendre autant de photos avec les appareils photo traditionnels".
Kevin Systrom juge que Instagram est juste "une manière différente de faire de la photo".
"Le fait de prendre une photo est devenu beaucoup plus simple. Je pense qu'il y aura toujours une place pour la photographie professionnelle et le matériel qui va avec pour les photos de vacances ou les paysages, notamment", avance-t-il.
"Mais il n'y a rien de plus confortable que de se promener avec un appareil photo qui tient dans la poche, c'est-à-dire un smartphone".
Concernant une éventuelle introduction de la publicité, aujourd'hui absente du service, le jeune entrepreneur estime qu'elle doit "intervenir au bon endroit, au bon moment".
"La publicité est une piste que nous explorons mais nous ne sommes pas focalisés dessus. Notre priorité, à l'heure actuelle, est de faire croître le nombre d'utilisateurs. Les entreprises de la Silicon Valley qui ont le mieux réussi avec la publicité sont celles qui ont trouvé des modèles publicitaires dont les utilisateurs et le marché peuvent profiter. Mais c'est vrai que trouver la bonne idée est difficile", admet-il.