Alors que Roland-Garros commence ce dimanche, L’Ukrainienne Lesia Tsurenko, 63e mondiale, débarque Porte d’Auteuil plus motivée que jamais, investie d’une mission qui dépasse le plan sportif.
Pendant que les combats se poursuivent dans son pays, Lesia Tsurenko s’apprête à disputer le Grand Chelem parisien, en gardant bien en tête ce contexte politique. En effet, la joueuse de 33 ans a appelé ses compatriotes à «battre sur tous les terrains» leurs adversaires russes et biélorusses.
Pour l’ancienne 23e mondiale, vainqueur de quatre tournois sur le circuit WTA, «cela n'aurait aucun sens pour les sportifs ukrainiens d'abandonner. Quelle image renverrait-on ?», a-t-elle indiqué à l’AFP.
Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, la numéro 3 ukrainienne regrette également le manque de soutien manifesté à son égard par ses rivales russes et bélarusses, même si certaines «étaient de très bonnes amies» auparavant. «Une seule personne est venue me parler directement le premier jour de la guerre», affirme-t-elle. «Cette personne avait les larmes aux yeux de voir une chose si terrible se passer», se souvient-elle.
«Si elles souffrent, nous souffrons encore plus»
«Aujourd'hui, aucune joueuse (russe ou bélarusse) ne me parle. Je n'éprouve de la sympathie pour aucune d'entre elles», dit-elle. «Tout ce que je peux dire, c'est que si elles souffrent, nous souffrons encore plus». «Il y a beaucoup de moyens d'exprimer sa désapprobation (à l'invasion de l'Ukraine par la Russie). Vous pouvez changer de nationalité, ou quitter votre pays avec votre famille si vous avez peur», affirme encore Tsurenko.
Elle dénonce aussi l'attitude des autorités mondiales du tennis en ce qui concerne les joueurs russes et bélarusses, incarnée selon elle par la volte-face de Steve Simon, le patron de la WTA, le circuit féminin. «Il y a un an, Steve Simon nous avait dit que si une joueuse montrait son soutien à la guerre, elle serait bannie. Un an après, c'est comme si ce même Steve Simon disait 'on peut soutenir la guerre'».
Et Tsurenko de rappeler que si elle a déclaré forfait au mois de mars avant d'affronter la Bélarusse Aryna Sabalenka à Indian Wells (Etats-Unis), c'est parce qu'elle craignait d'être instrumentalisée. «J'ai juste pensé que si je disputais ce match sur le court central, des gens comme Simon pourraient ensuite affirmer lors de réunions entre grands dirigeants du sport : 'Regardez, elles jouent les unes contre les autres et tout se passe bien'».
Le tennis comme levier
Alors que la question de la réintégration des Russes et Bélarusses, bannis des grands événements sportifs mondiaux sauf dans quelques sports dont le tennis, se pose dans la perspective notamment des JO 2024 de Paris, Tsurenko s'en est pris au Comité international olympique (CIO) qui recommande leur réintégration sous bannière neutre et à titre individuel. «J'ai l'impression que le CIO utilise le tennis comme un levier (...) pour pouvoir affirmer que dans ce sport tout se passe bien, on joue les uns contre les autres et ça n'est pas un problème, et servir d'exemple pour les Jeux olympiques».
«Mais c'est un problème. C'est très dur pour des Ukrainiennes de jouer contre des Russes et des Bélarusses, pour tout un tas de raisons !», s'exclame-t-elle. «La WTA et le CIO ne regardent le sport que du point de vue des droits de l'homme russes et biélorusses et ignorent les violations des droits des Ukrainiens».
Tsurenko n'est pas revenue dans son pays depuis le début de son invasion. Sa mère Larisa et sa soeur Oksana y sont restées. «Elle se lève chaque nuit pour aller dans un endroit sûr», dit-elle de sa sœur qui vit à Kiev, la capitale ukrainienne où Tsurenko rêve de revenir vite : «C'est ma ville et l'endroit que j'aime par-dessus tout».