Une ouverture a minima : la Fédération internationale d'athlétisme a fixé jeudi à un maximum de dix le nombre de Russes pouvant participer aux prochains Jeux olympiques de Tokyo sous bannière neutre, alors que le pays est suspendu depuis novembre 2015 pour avoir instauré un système de dopage institutionnel.
Menacée d'une exclusion pure et simple de l'instance pour avoir fourni de faux documents pour permettre au sauteur en hauteur Danil Lysenko d'échapper à une sanction pour manquements à ses obligations de localisation, la Fédération russe (Rusaf) évite la sanction suprême mais n'est pas épargnée.
En 2016 aux JO de Rio, seule la sauteuse en longueur Darya Klishina avait pu fouler la piste, mais ils étaient 49 aux Mondiaux de Londres en 2017 et 28 deux ans plus tard aux Championnats du monde à Doha. Avec seulement dix représentants à Tokyo et à l'Euro à Paris (25-30 août), la Russie voit sa situation nettement s'aggraver.
Le pays n'en finit donc pas de payer au prix fort les conséquences de l'affaire Lysenko, un dossier qui a réduit à néant les maigres avancées des dernières années.
La révélation de ce nouveau scandale avait ainsi poussé World Athletics à geler en novembre 2019 le processus permettant à des athlètes triés sur le volet de participer aux compétitions hors de Russie. Le mécanisme de réintégration du pays au sein de la Fédération internationale avait également été suspendu.
«Gravement déçu»
L'Unité d'intégrité de l'athlétisme (AIU), organe indépendant de lutte antidopage, était allé encore plus loin en janvier en recommandant d'exclure le pays. Le Conseil de World Athletics n'a pas suivi l'AIU et n'a pas convoqué de Congrès extraordinaire pour faire voter une telle mesure. Mais Sebastian Coe, le président de la Fédération internationale, s'est senti tout de même «gravement déçu par la précédente administration de la Rusaf», un motif suffisant pour approuver un nouvel ensemble de critères pour la réintégration de la Russie.
World Athletics a notamment annoncé la création d'une commission, comprenant au moins deux représentants nommés par la commission des athlètes de la Rusaf et deux experts internationaux, avec pour objectif d'«élaborer un plan détaillé pour ancrer dans tout l'athlétisme russe une tolérance zéro pour la culture du dopage».
Depuis les décisions prononcées en novembre 2019, la Russie a fait le ménage dans ses institutions sportives. Oleg Matytsine a succédé à Pavel Kolobkov en tant que ministre des Sports. Il y a deux semaines, l'homme d'affaires et politicien Evgueni Iourtchenko, seul candidat en lice et soutenu par le Kremlin, a été élu président de la fédération après l'éviction du bureau visé par les accusations de l'AIU en novembre.
«Package nécessaire»
Evguéni Iourtchenko a indiqué avant la réunion du Conseil avoir écrit à World Athletics pour reconnaître la responsabilité de Rusaf dans le cas Lysenko, un geste exigé par la Fédération internationale.
«Je ne suis pas satisfait de la situation, mais je pense que ce package de mesures était nécessaire, réaliste et proportionné», a déclaré Coe à l'AFP.
«Avant la fin de l'année, j'ai écrit une lettre sans compromis à la Rusaf et au ministre des Sports russe et je suis heureux que nous ayons obtenu la réponse que nous voulions, à savoir une reconnaissance de leur culpabilité et une contrition. C'est ce que nous avons demandé et c'est ce que nous avons», a ajouté le double champion olympique du 1.500 m.
La première réaction de la partie russe est venue de l'Agence nationale antidopage. Margarita Pakhnotskaya, vice-présidente de la Rusada, a estimé que «la Fédération russe d'athlétisme est en mesure de remplir toutes les conditions qui lui sont imposées, bien que certaines ne soient probablement pas très faciles à mettre en œuvre. Mais ces décisions ne peuvent pas être qualifiées d'humiliantes pour la Russie, on peut travailler avec».
Peu après, dans un communiqué, le ministère russe des sports s'est dit «prêt à aider la Fédération à mettre en œuvre des mesures anti-dopage, à protéger les intérêts des sportifs propres et à créer une culture d'intolérance au dopage à tous les niveaux de l'entraînement sportif», tout en notant «la sévérité des sanctions».
«Il était important de maintenir le statut de la Fédération russe d'athlétisme en tant que membre de World Athletics», souligne-t-il encore.