Initialement prévu le 16 juin puis décalé au 4 juillet, le dernier tir de la mythique fusée Ariane 5 a à nouveau été repoussé, cette fois-ci de 24h.
L'adieu aux étoiles d'Ariane 5 est à nouveau retardé. Après un premier report, le dernier vol d'Ariane 5, dont le décollage était programmé ce mardi depuis Kourou en Guyane, a été décalé de 24h. Les conditions météorologiques ont été invoquées pour justifier cette décision.
«En raison de vents défavorables à haute altitude au-dessus du Centre spatial guyanais, Arianespace a décidé de ne pas initier la phase finale des opérations de préparation au lancement», a indiqué Arianespace. L'échéance est donc repoussée à mercredi, entre 22h et 23h05 GMT, «sous réserve de conditions météorologiques favorables».
Due to unfavorable high altitude winds above @EuropeSpacePort, Arianespace has decided not to initiate the final phase of #VA261 launch preparation operations. pic.twitter.com/z0DWWoXRJe
— Arianespace (@Arianespace) July 4, 2023
Un premier report avait été décidé vendredi 16 juin en raison d'«un fait technique» qui avait «mis en évidence un risque sur la redondance d'une fonction critique du lanceur Ariane 5». Pour son 117e et ultime tir après vingt-sept ans de carrière, l'emblématique fusée européenne doit faire ses adieux en embarquant un satellite de communications militaires français (Syracuse 4B) et un satellite expérimental allemand.
Malgré ces contretemps, ce tout dernier décollage s'annonce «chargé d'émotion», d'après la directrice du Centre spatial guyanais, Marie-Anne Clair. Arianespace a prévu de retransmettre toutes les étapes du lancement en direct sur Youtube, pour rendre hommage à la fusée phare de Kourou, qui a rythmé la vie des équipes pendant près de trois décennies.
Les débuts d'Ariane 5 ont pourtant été difficiles, puisque l'engin avait explosé juste après le décollage lors de son vol inaugural, en 1996. Hervé Gilibert, architecte du lanceur à l'époque et désormais directeur du maître d'oeuvre ArianeGroup, se souvient de ce «traumatisme» après lequel la fusée a «mis deux ans à revenir en vol». Par la suite, heureusement, Ariane 5 a enchaîné les succès, n'enregistrant qu'un seul autre échec en 2002.
«Le fer de lance de l'Europe spatiale»
Réputée fiable, elle a été désignée par la Nasa pour l'envoi de son emblématique télescope James-Webb, d'une valeur de 10 milliards de dollars. Une mission de prestige venue couronner d'autres réussites telles que l'envoi des sondes Rosetta sur la comète Tchouri en 2004 et celui de Juice vers Jupiter, en avril 2023.
Pour Daniel Neuenschwander, directeur du transport spatial de l'agence spatiale européenne (ESA), Ariane 5 a tout simplement été «le fer de lance de l'Europe spatiale». Avec son lanceur lourd à la capacité doublée, conçu par 12 pays, elle a permis à l'Europe de s'imposer sur le marché des satellites de communication.
A l'époque la navette spatiale américaine «monopolisait énormément de ressources» et l'Europe, grâce à Ariane 5, a profité de cette «période de creux». Mais aujourd'hui, alors que cette fusée emblématique prend sa retraite, la situation est à l'inverse. En perdant son engin phare, l'Europe se retrouve quasiment privée d'accès indépendant à l'espace, en attendant Ariane 6. Ce, alors que la concurrence mondiale fait rage.
Une période difficile pour l'Esa
La fin brutale de l'exploitation des fusées russes Soyouz, dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine, a fait plonger l'activité de la base de Kourou. En 2022 seuls six tirs en sont partis, contre 15 l'année précédente. La situation ne s'est pas améliorée avec l'échec du premier lancement commercial du lanceur léger italien Vega C, en décembre 2022, et les retards cumulés pour la future Ariane 6.
Résultat : après l'ultime vol d'Ariane 5, il ne restera plus qu'un lancement de Vega programmé en septembre et un probable retour en vol de Vega-C en fin d'année. Cela représente plusieurs mois de vide avant le relais d'Ariane 6, qui interviendra au mieux fin 2023.
Pendant ce temps, l'américain SpaceX, en pleine santé, réalise plus d'un lancement par semaine. L'Esa a d'ailleurs été contrainte de se tourner vers la société d'Elon Musk pour lancer sa mission scientifique Euclid. Elle n'est pas certaine non plus de pouvoir assurer par elle-même le déploiement stratégique des prochains satellites Galileo, le système de navigation de l'Union européenne.
Mais cette période difficile «ne va pas durer», promet le président d'Arianespace, Stéphane Israël. Ariane 6, plus puissante et compétitive, avec des coûts divisés par deux par rapport à sa petite soeur, a justement été conçue pour résister à la féroce concurrence du marché. Le carnet de commandes est déjà rempli selon Stéphane Israël, et pourra être honoré dès que la fusée sera prête.
En attendant, les équipes «prennent leur mal en patience», selon Marie-Anne Clair et se concentrent sur le plan de rénovation et de verdissement de la base de Kourou. En parallèle, les essais pour la qualification d'Ariane 6 vont bon train : lors d'une «répétition générale» à Kourou le 22 juin, le lanceur a été dévoilé sur son pas de tir avant un test d'allumage du moteur Vulcain 2.1