Depuis le début de la pandémie de Covid-19, le nombre de cas de syndrome du «coeur brisé», une malformation cardiaque liée au stress, semble se multiplier partout dans le monde. Le point avec Alain Furber, cardiologue et président de la Fédération française de cardiologie (FFC).
Cette pathologie, également connue sous le nom de «tako-tsubo», un mot japonais qui signifie «piège à poulpes», a ainsi fait l'objet d'une médiatisation récente après qu'une étude, publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), a affirmé que le nombre de cas a été multiplié jusqu'à 4 depuis le début de l'apparition du coronavirus.
En France, le professeur Furber se montre toutefois plus nuancé.
des signes semblables à l'infarctus
Au niveau des symptômes, le syndrome du «cœur brisé» se présente dans la grande majorité des cas comme un infarctus. Les personnes qui en sont atteintes vont donc ressentir brutalement une douleur thoracique. Elles peuvent aussi parfois ressentir un essoufflement.
Face à ces symptômes, pour poser le diagnostic, les médecins doivent procéder par élimination. Les patients vont ainsi d'abord passer un électrocardiogramme qui va révéler un certain nombre de modifications. Pour autant, à partir de là, les médecins vont toujours suspecter un infarctus du myocarde.
Le premier élément qui va éveiller leur attention se fera jour en soumettant le malade à un examen plus invasif : une coronarographie. Dans le cas du syndrome du «cœur brisé», celle-ci va en effet s’avérer normale.
La faute au stress physique ou émotionnel
«Ce qui nous met la puce à l’oreille aussi, c’est que tous ces symptômes sont associés à un facteur déclenchant. Un gros stress en l’occurrence. Un stress qui peut être d’ordre émotionnel, c’est d’ailleurs pour cela que l’on parle de syndrome du cœur brisé», a expliqué à CNEWS le professeur Furber.
«On peut penser par exemple à l’annonce d’un décès, une violente dispute familiale, une rupture amoureuse, l’annonce d’une maladie grave, un burnout… Bref tout ce qui peut entraîner un stress très important», a-il ajouté.
Le spécialiste tient toutefois à préciser que ce stress peut aussi être physique. Un accident vasculaire-cérébral (AVC) peut ainsi lui aussi aboutir à un syndrome du cœur brisé. Même chose pour une crise d’asthme, même si c’est très rare.
«Dans les deux cas, ce stress va stimuler le système nerveux sympathique qui lui va secréter des catécholamines, des hormones qui sont toxiques pour le cœur. Longtemps méconnue, cette pathologie cardiaque est aujourd'hui mieux diagnostiquée grâce au progrès de l'imagerie médicale qui a permis de mettre en évidence cette malformation à la pointe du coeur qui ressemble typiquement à un piège à poulpes», explique encore le professeur Furber.
Pas d'explosion en France, mais une hausse
En France, les syndromes du «coeur brisé» ont, du fait de cette difficulté historique à poser clairement un diagnostic, pendant longtemps été rangés dans la catégorie des syndromes coronariens.
En moyenne, l'Hexagone recense chaque année environ 100.000 cas de ces syndromes coronariens. Parmi eux, «de 1 à 3 % des patients concernés font réellement un 'tako-tsubo', ce qui représente de quelque 2.000 à 3.000 cas par an», explique Alain Furber.
A la question de savoir si la pandémie de coronavirus peut avoir fait bondir le nombre de cas en France, le président de la Fédération française de cardiologie se montre rassurant.
«Il n’y pas d’explosion de cas, mais on constate une légère hausse, notamment chez des personnes qui ont perdu des proches du fait de la pandémie. Des personnes dont le cœur va souffrir à l’annonce du décès de leur proche, par exemple. De même, une infection au Covid peut déclencher un stress, donc possiblement un syndrome du cœur brisé. Mais on ne peut pas encore parler d’épidémie dans l’épidémie, on en est même encore très loin. Dans mon travail, je dois en voir 7 à 8 par an, et j’en ai peut-être eu 2 de plus avec l’épidémie. Ce n’est pas flagrant», a-t-il certifié.
Les femmes ménopausées plus concernées
Autre donnée intéressante, les femmes sont beaucoup plus touchées que les hommes, une répartition évaluée à 90 % de femmes contre 10 % d’hommes, selon le professeur Furber.
Par ailleurs, dans la très grande majorité des cas, ce sont des femmes ménopausées qui ont en moyenne 68 ou 69 ans.
Cela s'explique par le rôle joué par les oestrogènes, une hormone connue pour ses vertus protectrices sur le cœur.
Or, après la ménopause les oestrogènes perdent de leur protection. Le cœur est donc beaucoup plus sensible au stress.
Des complications dans 20 % des cas
Pour ce qui est du traitement, en phase aiguë, le malade va être hospitalisé en soins intensifs en cardiologie dans le but d'éviter une insuffisance cardiaque aigue ou un trouble du rythme cardiaque grave appelé fibrillations ventriculaires. La toute première étape va donc consister à surveiller ces patients.
En cas d'atteinte de la fonction cardiaque confirmée, le patient va être soigné avec des médicaments propres à l’insuffisance cardiaque, c’est-à-dire globalement avec des bétabloquants.
Mais si dans la grande majorité des cas, le rétablissement dure quelques jours voire quelques semaines et que le cœur va se remettre à fonctionner normalement, les risques de complications ne sont pas négligeables pour autant.
Selon la Fédération Française de Cardiologie (FFC), il peut s’en suivre des troubles du rythme ventriculaire parfois graves avec menace de mort subite, une insuffisance cardiaque aigüe, des caillots de sang dans le cœur inerte qui peuvent entraîner d’autres accidents artériels en cascade comme l'accident vasculaire cérébral.
En définitive, on veillera autant que faire se peut à éviter le stress ou à s'en protéger le plus possible, même si dans la période actuelle, du fait de l'épidémie de coronavirus, cela peut être plus compliqué qu'auparavant.