Une équipe composée de chercheurs australiens et chinois affirme avoir réussi à mettre au point le premier test sanguin capable de dépister les troubles de l'humeur que sont la bipolarité et la dépression. Ils y sont parvenus en se basant sur les niveaux d'une protéine spécifique nichée dans le cerveau.
Cette découverte, faite dans le cadre d'une collaboration entre l'Université d'Australie du Sud (UniSA), l'Université d'Adélaïde (Australie) et l'Université médicale de Kunming (Chine), serait une première mondiale.
Les travaux détaillés ont été publiés en décembre dernier dans un article de la revue spécialisée «Journal of Psychiatric Research», avant de trouver un écho plus large, ces derniers jours, dans la presse internationale.
Scientists in #Australia have developed (and validated) world's first biomarker test that can accurately measure levels of a brain protein linked to depression and bipolar disorder. #science #health #technology #tech
https://t.co/SoA6aeuxnh— JR Hinkson (@OtanJoyce) January 20, 2021
Concrètement, les chercheurs se sont intéressés à la protéine BDNF qui existe sous trois formes distinctes.
Pourquoi ? Parce que si les médecins suspectaient depuis longtemps les liens entre les faibles niveaux de cette protéine et la dépression, jamais personne auparavant n'avait été en mesure de différencier laquelle des trois formes de cette protéine était précisément en cause.
Une protéine à surveiller
Aujourd'hui, après un travail de longue haleine et détaillé dans le Journal of Psychiatric Research, les scientifiques savent que la forme dite «mature» de la protéine BDNF, appelée mBDNF, favorise la croissance des neurones et protège le cerveau.
En revanche, les deux autres formes de la protéine BDNF, la protéine «précurseur» et, surtout, celle relevant du domaine protéique (proBDNF), toutes deux se liant à différents récepteurs, provoquent au contraire une dégénérescence nerveuse et une inflammation.
Le professeur Xin-Fu Zhou de l'Université d'Australie du Sud, l'un des chercheurs participant à l'étude, explique que lorsqu'une personne souffre d'un fort stress psychologique, cela fait ainsi diminuer les niveaux de mBDNF. Résultat : le cerveau de la personne qui subit ce stress devient un terrain de choix aux deux autres protéines, ce qui provoque, selon les cas, la bipolarité ou la dépression.
Pour tenter de prévenir cet état, les scientifiques ont ainsi mis au point un kit de dépistage sanguin permettant de distinguer précisément les trois formes de la protéine dans le sang, en se concentrant plus particulièrement sur la mBDNF.
Et appliqué dans le cadre d'une étude portant sur 215 personnes en Chine, dont 90 patients souffrant de dépression clinique et 15 atteints de trouble bipolaire, les chercheurs ont bien mis en évidence les liens et les conséquences de faibles taux de mBDNF dans le sang. En clair, plus la dépression est sévère, plus le niveau de mBDNF est bas.
Pas de différences entre les femmes et les hommes
Par ailleurs, les scientifiques ont clairement remis en évidence le rôle essentiel que jouent les antidépresseurs puisqu'ils ont démontré que les sujets qui ne prenaient pas d'antidépresseurs avaient des taux de mBDNF plus bas comparés aux personnes qui en prennent.
De plus, aucune différence significative n'a été relevée dans l'étude entre les femmes et les hommes. Ce qui signifie que la protéine mBDNF a vraiment un rôle clé, totalement indépendant d'autres marqueurs biologiques propres à chaque sexe.
«On sait désormais avec certitude que la mBDNF et la proBDNF ont des activités biologiques opposées. Il était donc essentiel que nous parvenions à faire les distinctions et détecter les changements dans leurs niveaux et adapter du même coup la réponse thérapeutique», explique le professeur Zhou.
«Les kits de dépistages de la protéine BDNF disponibles actuellement ne sont pas spécifiques et peuvent réagir de manière croisée. Mais le kit que nous avons développé fait la distinction avec un taux de précision de 80% à 83%», a-t-il ajouté.
Fort de ce résultat, l'étape suivante devrait consister à examiner si les déséquilibres entre la mBDNF et la proBDNF mature peuvent être restaurés, notamment dans le cadre de diverses thérapeutiques faisant appel à la stimulation électrique.