Dans les relations amoureuses, certains couples peuvent avoir recours au «delicate dumping», causant une perte de l’estime en soi pour la victime de cette pratique, comparée à une «agression» par la psychanalyste Emma Scali.
Les relations amoureuses ne se passent pas toujours comme prévu. Au début, celles-ci peuvent être très passionnantes. Néanmoins, au fil des mois, voire des années, certains couples se rendent compte qu’un des deux partenaires n’a finalement plus le même désir et les mêmes sentiments.
Ainsi, celui-ci pourrait pratiquer le «delicate dumping». Comme l’avait expliqué CNEWS dans un précédent article, ce terme vient de l’anglais et est composé de deux mots, à savoir «to dump», qui signifie «jeter», «abandonner» ou plutôt «laisser tomber» et «delicate» qui se traduit par «doucement» ou encore «délicatement». Ainsi, on pourrait traduire le terme «delicate dumping» par «laisser tomber quelqu’un doucement» ou «se débarrasser de quelqu’un délicatement».
Concernant sa mise en œuvre, la personne exerçant le «delicate dumping» vise avant tout à mettre fin à une relation le plus discrètement possible sans pour autant assumer ses responsabilités. Ainsi, elle va cesser progressivement de faire des efforts et de laisser l’autre se désespérer et prendre l’initiative de rompre.
Julie*, une jeune femme âgée de 28 ans, avait été victime d’un delicate dumping lors d’une précédente relation avec Anthony*. Un homme qu’elle avait rencontré alors qu’elle venait de fêter son 21e anniversaire. «Je l’ai vécu après une relation de 2 ans et demi avec quelqu’un que je connaissais très bien. On avait la vingtaine. C’est quelqu’un qui a toujours été lâche. Il a toujours fui le conflit. Dès qu’il y avait un problème, il le laissait couler pour l’enterrer», a raconté Julie à CNEWS.
La victime a décrit son ex-partenaire comme étant «une personne excessivement anxieuse. Il n'était jamais dans la confrontation directe mais bien dans les moyens de signifier le fait qu’il y avait quelque chose qui ne lui allait pas. Il avait une stratégie de communication passive-agressive. Dès qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, il me punissait en prenant ses distances».
«Il se mettait à la place de la victime»
Pourtant, au début de la relation, Anthony était amoureux et affectueux et se donnait les moyens afin de réussir sa relation avec Julie. Cependant, après les six premiers mois, la jeune femme a remarqué l’existence de quelques signaux faibles, pouvant alerter sur une potentielle «déconnexion» de son partenaire. «Pour anecdote, je lui ai proposé une soirée, une fois, avec un artiste que l’on aimait bien et il a refusé mon invitation en disant qu’il n’avait pas envie d’y aller. Deux jours plus tard, son amie lui a proposé la même soirée. Une proposition qu’il a acceptée», a fait savoir Julie.
Progressivement, ces premiers signaux, qui étaient jusque-là faibles, se sont renforcés et ont pris de l’ampleur. «Cela a été violent psychologiquement. Pour lui, il réagissait comme si cela était tout à fait normal», assure-t-elle. Alors qu’il se trouvait ensemble, l’homme a avoué avoir des «obsessions» pour le corps de la meilleure amie de sa copine. «Je suis restée choquée et je ne savais pas quoi lui dire. Le lendemain, j’ai fini par lui expliquer que ses propos étaient très déplacés», se remémore Julie.
Pour se défendre, l’homme utilisait la technique de la «victimisation». «Il me mettait dans une position où c’était à moi de le rassurer. Cela a été une composante très prégnante. À chaque fois qu’il faisait des gestes ou actes impardonnables, il arrivait toujours à se mettre dans la position de la victime et à faire comme si c’était moi qui surréagissais complètement», a-t-elle dit.
«J’étais absolument persuadée que je n’étais plus désirable»
Pour Julie, son ex-partenaire «considérait que la relation était acquise. Il n’y avait rien à faire de particulier selon lui. Sa lassitude était une fatalité. Toutefois, j’étais persuadée qu’une relation amoureuse était un effort constant».
Un désintérêt, auquel Julie fait face depuis plus de six mois, qui a affecté la jeune femme psychologiquement. «Quand je lui faisais part de mon sentiment, le fait qu’il se désintéressait complètement de notre relation et qu’il montrait qu’il ne me désirait plus, il me disait que j’étais paranoïaque ou alors il utilisait la victimisation comme stratégie (…) Au bout d’un moment, j’ai fini par le quitter en une soirée parce que j’avais tellement laissé traîner la chose et cela avait complètement ruiné ma confiance en moi», a affirmé Julie.
«J’étais absolument persuadée que je n’étais plus désirable, qu’aucune personne ne voudrait de moi et même qu’en relation amoureuse, un homme finirait par se lasser de moi», a-t-elle témoigné.
La notion de «moi, ma vie, mon bien-être»
Contactée par nos soins, Emma Scali, psychanalyste, est revenue sur l’expérience vécue par Julie. Selon elle, le delicate dumping «dépend du stade de la relation». «En règle général, il se manifeste face à une situation inconfortable ou douloureuse. On a plusieurs façons de réagir. On peut avant tout ne rien faire et se maintenir par la situation. On peut la confronter ou encore la fuir. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe lors du delicate dumping», a dit l’experte.
«Dans ce mécanisme-là, il n’y a pas beaucoup d’empathie. C’est-à-dire que l’on est très autocentré, partant d’un principe équivalent à «moi, ma vie et mon bien-être». Comme l’on est centré que sur soi-même, on va progressivement arrêter de donner des nouvelles. Il n’y a pas beaucoup de place pour l’altérité», a-t-elle ajouté.
Ainsi, la personne pratiquant le delicate dumping «se dirige donc vers l’abandon de la relation doucement au lieu de rompre d’un coup en se trouvant, en même temps, les bonnes raisons d’être de moins en moins en lien avec l’autre pour lui faire porter tout ce qui ne va pas dans la relation».
La relation amoureuse est, en général, composée de hauts et de bas. Malgré la bonne entente entre les deux personnes composant le couple, il peut y avoir, à un certain «étouffement» qui peut se faire ressentir.
Le delicate dumping, un type d’agression
Comme l’explique la professionnelle, «c’est un type de comportement assez toxique car cela crée du vide et un sentiment de disparition. Tout cela est violent. La victime ne comprend pas ce qui se passe. Comme il n'y a pas eu de confrontation de règles, cela vient renforcer le sentiment d'avoir été manipulé».
Pour pouvoir relever la tête après un delicate dumping, Emma Scali conseille de prendre son temps afin de «faire son deuil» et d’arrêter de se remettre en question. «C’est la personne qui ne donne plus de nouvelle qui est dans un droit de la juste empathie. C’est elle qui n’assume pas la problématique du couple, ce n’est pas la victime du delicate dumping», a martelé la psychanalyste, comparant cette pratique à une agression.
«Le delicate dumping est un acte d’agression non assumé. C’est une forme de ce que l’on appelle le fait d’être un passif-agressif», a-t-elle poursuivi.
* Le prénom a été changé