D'après les professionnels de la médecine néonatale, l'organisation des soins critiques à destination des nouveau-nés vulnérables est loin d'être optimale en France. Craignant pour la sécurité de ces bébés, ils appellent à une réouverture des discussions à ce sujet.
La mortalité néonatale est excessive en France : c'est le constat alarmant dressé par la Société française de néonatalogie (SFN), dans un état des lieux publié lundi 9 octobre. Les professionnels du secteur évoquent des lits insuffisants et inégalement répartis, un manque d'effectifs et la dégradation globale du circuit de soins.
Alors que la mortalité infantile est en baisse constante dans la plupart des pays occidentaux, elle augmente en France depuis 2012. Elle y est même supérieure à la moyenne européenne, avec un excès d'environ 1.200 décès chaque année. Au classement des pays à la mortalité infantile la plus faible d'Europe la France a donc dégringolé, passant de la 3e position entre 1996 et 2000, à la 20e aujourd'hui.
Alerte sur les services de soins critiques pour les nouveau-nés
L'état des lieux de la qualité des soins et la sécurité des nouveau-nés requérant des soins critiques en France en 2023, tel qu'évalué par la @SFneonatalogie, est alarmant .https://t.co/h6rkNwzo2F pic.twitter.com/8rbPJdXOkh— Société Française de Néonatalogie (@SFneonatalogie) October 10, 2023
Or, «cet excès de mortalité infantile est en grande partie dû à un excès de mortalité néonatale», puisque le premier mois de vie concentre 74% des décès et la première semaine 47,8%, souligne la SFN. Cette association de professionnels a donc décidé de mener une série d'enquêtes pour «évaluer l'offre de soins en néonatologie» et en particulier «l'offre de soins critiques, c'est à dire de réanimation et de soins intensifs, dans les services de type 3».
Ces recherches ont notamment montré que le nombre de lits de réanimation néonatale pour 1.000 naissances «varie du simple au double dans les régions de métropole, entre 0,60 et 1,28, et de 0,96 à 2,84 dans les DOM-TOM». Ce, alors même que «le recul des limites d'âge gestationnel pour la prise en charge de l'extrême prématurité et le nombre croissant de grossesses poursuivies alors que le foetus est atteint d'une malformation grave augmentent le nombre de nouveau-nés requérant des soins critiques».
Puisque les lits sont insuffisamment nombreux et inégalement répartis en France, les taux d'occupation sont fatalement très élevés, excédant 95% dans près de la moitié des unités. En réanimation, le taux d'occupation dépassait même les 100% pour 19% des semaines de l'année 2021, soit environ 20% du temps. Une partie des services (23%) déclare refuser régulièrement des entrées critiques, faute de place.
Des horaires de travail excessifs
Pour la Société française de néonatalogie, il est évident que ces taux d'occupation élevés «sont associés à une augmentation du risque de morbidité sévère et de mortalité chez les grands prématurés». Sans compter que 72% des services de type 3 rencontrent des difficultés pour assurer la permanence des soins, de manière régulière ou même systématique pour 25% d'entre eux.
Dans ce contexte, les pédiatres néonatologistes voient leur charge de travail augmenter : dans une enquête réalisée en 2023, 80% d'entre eux ont ainsi affirmé travailler plus de 50 heures par semaine. Les horaires de travails excessifs et la rémunération insuffisante des gardes sont cités comme leurs principaux motifs d'insatisfaction et 49% des néonatologistes interrogés disent subir des troubles du sommeil en lien avec leur travail.
Les effectifs infirmiers, eux, sont globalement insuffisants et inexpérimentés. La SFN note également «un défaut de formation initiale à la pédiatrie et la néonatologie, qui ont été entièrement supprimées du programme d'enseignement du diplôme d'état d'infirmier en 2009».
Les professionnels jugent ces différents constats «alarmants» et appellent la Direction générale de l'offre de soins à rouvrir les discussions «pour revoir l'organisation des soins critiques en néonatologie». Il y a urgence selon eux, notamment en sachant que cette dernière repose encore sur des décrets qui n'ont pas été revus depuis 1998.