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Rosamund Lewis (OMS) : «Un an après la variole du singe, on comptabilise près de 89.000 cas dans 111 pays»

Au début du mois de mai de l’année dernière, des pays non-endémiques enregistraient de premiers cas de la variole du singe. Un an plus tard, ce sont près de 90.000 cas qui ont été recensés dans le monde, annonce à CNEWS Rosamund Lewis, experte en charge de cette maladie auprès de l'OMS.

Il y a tout juste un an, de premiers cas d'une maladie jusqu'ici inconnue du grand public, la variole du singe (Mpox) étaient signalés à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans plusieurs pays européens, notamment en France. En à peine un mois, un peu plus de 1.000 cas avaient été recensés.

Un an après, l’épidémie s’est calmée dans plusieurs régions du monde, à l’exception de la région Asie-Pacifique où le nombre de cas continue d’augmenter, poussant l'OMS à lever le niveau d'alerte maximale pour la maladie.

Le docteur Rosamund Lewis, spécialiste de la variole du singe à l’OMS, dresse un bilan pour CNEWS.

Le 13 mai 2022, des cas de la variole du singe étaient signalés dans de nombreux pays non-endémiques. Un an plus tard, en sait-on d'abord un peu plus sur les origines de cette maladie ?

La variole du singe est une maladie qui s’apparente à la variole. Elle était connue dans certaines régions d’Afrique centrale, occidentale et orientale. Il y a eu des exportations de cas à deux reprises. La première s'est produite aux États-Unis, en 2003. Il s’agissait d’animaux infectés par d’autres animaux qui vivaient dans la même structure. À l’époque, il y a eu un contact entre ces animaux infectés et des humains. Ces animaux venaient du Ghana. En revanche, il n’y a jamais eu de cas humain déclaré dans ce pays.

Les premiers signalements sont parvenus du Nigéria. En effet, le pays a vu apparaître les premiers foyers en 2017-2018. Depuis, on a assisté à une évolution de cas, et le virus a trouvé un contexte à travers lequel il pouvait se transmettre rapidement. Dans un premier temps, les cliniciens ont vu des hommes avec des éruptions cutanées et ont constaté que les tests effectués étaient négatifs. Concrètement, on ne savait pas de quoi il s’agissait.

C’est seulement après le premier cas européen, qui a été confirmé, qu’il y a eu une évaluation rétrospective de certains autres échantillons qui restaient dans les laboratoires. Depuis, les pays ont très vite compris qu’il fallait chercher ce virus. Et on a vu la grande épidémie qui a suivi.

Quelles étaient les premières recommandations de l’OMS ?

Les premières recommandations de l’OMS étaient de fournir le maximum d’informations que l’on avait à ce moment-là. Chacun devait se protéger en obtenant les bonnes informations au bon endroit, notamment auprès de l’OMS ou les agences de santé publique nationales et locales.

Il fallait accentuer la communication du risque par le type d’exposition que l’on pouvait avoir. On a vite compris que c’était une inclusion qui circulait entre les hommes ayant des relations avec d’autres hommes. On a alors travaillé avec notre département OMS-VIH et on a demandé aux pays de faire pareil.

On a rapidement publié des recommandations sur la surveillance, le traçage de contacts et l’isolation des cas, parce que c’est une maladie infectieuse.

Redemander aux gens de s’isoler après la crise du Covid-19 ce n’était pas évident. Mais le message a été très rapidement repris et compris par les communautés infectées.

Quels sont les modes de transmission ?

La variole du singe reste principalement une maladie transmise par un contact direct, notamment à travers les activités sexuelles. Cependant, le virus est capable de se propager au sein d’un sous-groupe de personnes par le biais du grand nombre de contacts.

À savoir aussi que le virus, en lui-même, n’est pas forcément contagieux. Mais le contact physique facilite sa propagation.

Quelle est la situation globale aujourd'hui dans le monde et en Europe ?

Actuellement, on a passé le cap des 87.000 cas confirmés et notifiés dans le monde. Il y a aussi 1.500 cas probables qui étaient déjà en lien avec un cas confirmé. Si l’on prend cela en compte, on n’est pas loin des 88.000-89.000 cas dans 111 pays. 

En Asie, l’épidémie s’est calmée. On ne peut pas dire que l’épidémie a disparu. On sait qu’il y a des cas qui ne sont pas notifiés. Seules exceptions, les cas sont actuellement importants en Corée du Sud, au Japon, en Taïwan et à Hong Kong. Il y a vraiment une épidémie qui se propage actuellement dans cette zone.

En Europe et aux Amériques, les cas ont énormément diminué. Globalement, on est à moins de 100 cas notifiés par semaine à travers le monde.

En Afrique, le tableau est différent. Il y a deux souches principales, mais celle qui a commencé à circuler dans le monde n’a jamais été découverte dans un animal. À la base, c’était une maladie zoonotique qui s’est adaptée plus facilement au point d’être transmise entre humains.

En Afrique centrale et orientale, c’est principalement la souche «Clade 1» qui domine. Celle-ci touche énormément hommes, femmes et enfants. Étant donné que cette souche existe toujours chez les singes, le risque d’avoir une exposition par le biais d’une maladie zoonotique est toujours existant. Mais, si la personne est infectée, elle peut le transmettre à son entourage.

Mais l’une des raisons de la propagation du virus dans cette zone est aussi le fait que la population, grandissante, ne se vaccine plus contre la variole, notamment au Soudan et au Ghana.

L’expérience du Covid-19 a-t-elle permis aux gouvernements de mieux appréhender la variole du singe ?

Il y a deux facteurs importants qui nous ont permis de réagir assez vite. D’une part, il y a le Covid-19. En effet, tous les pays ont été touchés par l’épidémie. Ils avaient donc leurs plates-formes de réponses au Covid-19. À l’OMS, on avait la possibilité de développer rapidement des systèmes de bases de données qui ont également servi pour la variole du singe.

On a pu mobiliser les services de santé et de vaccination pertinents ainsi que les associations communautaires concernées. Cela nous a permis de cibler et trouver rapidement ceux qui étaient à risque et leur proposer les informations.

D’autre part, on travaillait déjà sur la variole du singe à l’OMS. Cela fait plus de cinquante ans que l’on se penche sur cette maladie. On venait juste de développer beaucoup d’informations et de formations, que l’on venait de mettre en ligne en janvier 2022.

On venait de terminer ces formations quand, trois mois plus tard, on a eu les premiers cas confirmés dans le monde. On a, donc, pu prendre les documents qu’on avait déjà préparé mais qui n’étaient pas publiés, on les a par la suite transformés en recommandations.

Peut-on s’attendre à l'avenir à voir d’autres maladies similaires à la variole du singe ?

Probablement. Cela peut-être un ortho-poxvirus (une famille de virus à laquelle appartiennent la variole, la vaccine et le mpox : ndlr). Il y a beaucoup de forme de grippes, de grippes aviaires, de maladies qui se transmettent par les moustiques par exemple comme le Zika, la dingue ou encore le virus du Nil occidental.

Il y a aussi toutes formes de virus zoonotiques qui véhiculent chez les chauves-souris et les oiseaux. En tant qu’être humain, plus on s’approche de la forêt, de l’habitat et des animaux, plus on a des possibilités de découvrir d’autres virus.

S’ajoutent à cela les bactéries qui peuvent causer des problèmes majeurs à travers leur résistance aux antibiotiques.

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