Des médecins s'alarment et lancent une étude pour tenter de comprendre la recrudescence de syndromes du choc toxique (SCT) en France, liés aux tempons hygiéniques.
Depuis la fin des années 1990, cette maladie rare qui touche les femmes portant des tampons ou des coupes menstruelles pendant leurs règles est réapparue et les cas se multiplient : 5 en 2004, 19 en 2011, 22 en 2014 et déjà 18 pour 2016. Une situation préoccupante pour la santé publique.
Plusieurs ont été amputées après avoir porté une des produits d'hygiène, comme la mannequin américaine Lauren Wasser, qui a perdu une jambe en 2012. «En quelques heures, une jeune fille peut finir intubée en réanimation», alerte Gérard Lina, chef du laboratoire de bactériologie au CHU de Lyon, dans une interview accordée à L'Obs.
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A Sud Ouest, le professeur explique que «le fluide menstruel est bloqué» avec un tampon. «C'est donc un milieu de culture formidable et s'il y a cette fameuse bactérie, elle va se mettre à produire une toxine (TSST-1) qui va passer dans le sang.»
Le SCT toucherait 1% des femmes, celles porteuses de la bactérie S. aureus, qui représente un cinquième des staphylocoques dorés et qui produit la toxine TSST-1.
La toxine prolifère en l'absence d'anticorps
«Elles font partie de notre flore bactérienne normale, explique Gérard Lina. (...) La plupart des porteurs développent des anticorps dirigés contre cette toxine, ce qui les protège. Mais dans de rares cas, des personnes qui n'ont pas développé d'anticorps peuvent connaître une réaction aiguë lorsque la toxine se retrouve dans le sang.»
Les médecins recommandent donc d'éviter de garder un tampon pendant plus de quatre heures, qui laisse les bactéries proliférer. Face à la toxine, le corps se protège et irrigue en priorité les organes vitaux comme le cœur et le cerveau, aux dépens des extrémités, qui peuvent se nécroser.
Si parfois les médecins en viennent à l'amputation, c'est que ce syndrome est encore mal détecté. Les symptômes s'apparentent en effet à une grippe ou une gastroentérite : vomissements, douleurs dans les muscles, fièvre, fatigue, maux de tête, diarrhées...
La composition des tampons pourrait déclencher ces chocs toxiques
Alors, à qui la faute ? Le professeur Gérard Lina avance 3 hypothèses à Sud Ouest. La première, c'est la nature des composants, qui pourrait être toxique. Suite à la médiatisation du cas de Lauren Wasser, une jeune femme, Mélanie Doerflinger, a lancé une pétition pour que la composition des produits de la marque Tampax soit dévoilée. L'association 60 millions de consommateurs alertait en février dernier sur la présence de dioxines dans certaines protections d'hygiène intime.
Mais l'augmentation de l'utilisation de tampons pourrait tout aussi bien expliquer cette recrudescence du SCT, ou encore l'évolution de la flore vaginale peut-être due à l'alimentation.
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Les porteuses de coupes menstruelles ou de cups sont tout autant concernées. «C'est mécanique, explique le professeur Gérard Lina. Puisque le principe repose sur le stockage du sang au niveau vaginal.»
Jusqu'aujourd'hui, aucune étude de grande échelle n'a été consacrée à ce problème de santé publique. Pour tenter de trouver des réponses, il lance une collecte de tampons usagés. Il suffit de se renseigner auprès du CHU de Lyon ou d'écrire à [email protected] pour obtenir un kit. Les analyses pourront aussi détecter la présence de la bactérie du staphylocoque doré.