Le gouvernement a publié lundi les déclarations de patrimoine des 37 ministres et secrétaires d'Etat. Un exercice de transparence inédit à ceci-près qu'il ne dit peut-être pas tout du patrimoine réel des hommes et femmes qui nous gouvernent. Tour d'horizon de ce que les déclarations de patrimoine ne disent pas.
Justifiée pour d'autres, décriée par certains… la publication de la déclaration de patrimoine des ministres fait débat au sein de la classe politique.
Jusqu'à présent ce document rempli par tous les parlementaires et les ministres était transmis à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. La nouveauté, c'est donc que ce document est désormais accessible à tous les citoyens.
Si la Commission prenait acte de cette déclaration, elle disposait de moyens limités pour la vérifier. Car le document que les ministres lui transmettent est purement "déclaratif". Les élus peuvent "oublier", délibérément ou pas, un élément de leur patrimoine. Ou ne pas répondre aux questions... qu'on ne leur pose pas.
Les avantages du mariage
Les ministres et les élus doivent déclarer leur patrimoine immobilier. Sur le papier, il semble difficile de dissimuler quoi que ce soit. En effet, ils doivent à la fois renseigner l'adresse des biens dont ils sont propriétaires, l'origine de cette propriété, le régime juridique, la date d'acquisition, le prix d'acquisition et la valeur vénale. Et pourtant. Dans quelques cas, nos élus peuvent profiter de biens immobiliers sans avoir à les déclarer.
Prenons l'exemple d'un ministre marié sous le régime de la séparation de biens. Son conjoint peut parfaitement acheter un bien en son nom. Dans ce cas il ne sera pas fait mention de son existence.
Plus subtil. Si un ministre est marié sous le régime légal de la communauté de biens et si son conjoint reçoit en succession ou donation un bien, il restera le bien propre du conjoint. Là encore, même si le ministre l'habite, il ne sera pas "obligé" de le déclarer. Une façon comme une autre de rester modeste.
La valorisation aléatoire des SCI
Le document à remplir sur la déclaration de patrimoine invite également à remplir la valeur des SCI (Société civile immobilière), des sociétés souvent utilisées pour gérer un patrimoine immobilier. Dans cette hypothèse, difficile de dissimuler leur existence. En revanche, la valorisation des parts détenues par une personne physique dans ces SCI est quasiment laissée à la libre appréciation des propriétaires de la SCI.
Le document à remplir ne se penche pas non plus sur ce que les juristes appellent le démembrement de propriété. Cette fiction juridique consiste à diviser en deux la propriété d'un bien entre d'une part un nu-propriétaire et un usufruitier d'autre part. C'est ce dernier qui est la personne qui en jouit (c’est-à-dire qu'il habite ce bien, qu'il en a usage ou qu'il en retire" les fruits", les loyers par exemple).
Or dans la mesure où le document est purement déclaratif, rien n'empêche un élu de jouer sur les mots et de ne pas se considérer propriétaire s'il ne dispose pas de toutes les prérogatives d'un propriétaire, ce qui est effectivement le cas. Cette hypothèse est fréquente pour préparer une succession. Mais ce serait jouer avec le feu.
La valeur d'une société
Les ministres et les élus doivent aussi déclarer leur patrimoine mobilier, à savoir la plupart du temps des participations dans des entreprises non cotées. Leurs évaluations sont compliquées, car elles dépendent à la fois de la valeur de leurs actifs, de leurs clientèles et de leurs activités effectives.
Sauf à revendre une activité à un temps T, l'exercice n'a d'ailleurs pas grande utilité. Dans l'hypothèse des hommes politiques, les sociétés doivent beaucoup, à priori, à leur carnet d'adresse où à leur expérience professionnelle plus ou moins en sommeil. Mais s'il ne l'utilise pas, quelle est la valeur d'une coquille vide ? Bref, les valeurs indiquées sont à prendre avec des pincettes.
Des comptes gérés par des ministres mais dont ils ne sont pas titulaires
Les ministres et les élus doivent aussi indiquer les comptes dont ils sont titulaires. Rien ne doit être oublié : compte courant, livrets, LDD, PEL… Sauf peut-être les comptes ouverts pour leurs enfants mineurs qui sont sous "administration légale pure et simple".
En d'autres termes, ce sont eux qui gèrent l'argent de leurs enfants sur des comptes qu'ils ont probablement alimenté avec leurs revenus. Or ces comptes "enfantins" sont parfois utilisés pour placer des capitaux à des taux intéressants lorsque les plafonds sont dépassés sur les comptes des adultes.
Attention aux voitures "pourries"…
Enfin, les ministres sont tenus de déclarer les voitures dont ils sont propriétaires. Rien de plus simple, à ceci-près que disposer d'une vieille 307 ne présume absolument pas d'une prétendue modestie quand par ailleurs on peut bénéficier d'une voiture de fonction avec chauffeur.
Pour sérieusement apprécier le patrimoine des élus, il faudrait également demander le patrimoine des conjoints, voire celui des enfants des élus, afin d'en avoir une idée complète. Mais ce serait alors franchir un nouveau cap dans la course à la transparence imposée par l'affaire Cahuzac
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