Les amis de Nicolas Sarkozy, indignés par sa lourde mise en examen pour "abus de faiblesse" dans le dossier Bettencourt, ont violemment contre-attaqué vendredi en ciblant le juge, au grand dam du PS qui a mis en garde contre une "pression" sur la justice.
Les sarkozystes et l'UMP avaient été sidérés à l'annonce jeudi soir du soupçon pesant, aux yeux du juge Jean-Michel Gentil, sur l'ex-président: avoir abusé des absences d'une des vieilles dames les plus riches du monde pour financer sa campagne électorale victorieuse de 2007.
Quelques heures plus tard, la colère prenait le dessus. Les plus proches de l'ancien chef de l'Etat étaient les plus violents ou les plus accusatoires.
Nicolas Sarkozy lui-même juge "scandaleux" le traitement qui lui est infligé, a lancé son avocat, Me Thierry Herzog, qui s'est démultiplié sur les radios.
Ce ténor du barreau n'a pas hésité à mettre en cause l'impartialité du juge. "Est-ce que vous pensez que l'instruction a vraiment été à charge et à décharge ?", a-t-il demandé, dénonçant une mise en examen "incohérente et injuste". Il a annoncé d'ailleurs qu'il l'attaquait devant la chambre d'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, où se déroule l'enquête.
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"Salissure"
Enflammé, le député UMP Henri Guaino a accusé le juge d'avoir "déshonoré" plus qu'un homme, "la justice" elle-même. Sa décision "irresponsable" provoque une "salissure" qui atteint "la République, la France", a tonné le proche de M. Sarkozy.
Ami intime de l'ancien président, l'UMP Brice Hortefeux s'est étonné d'une mise en examen "bien à propos" sur fond de popularité croissante pour M. Sarkozy et décroissante pour le président François Hollande. Il a parlé lui aussi d'un traitement "exclusivement à charge".
Se disant "choqué" par les analystes qui anticipent un retrait du dirigeant de droite de la vie politique après ce coup, Jean-François Copé, président de l'UMP, a assuré ne pas comprendre cette incrimination. Son rival François Fillon l'a qualifiée d'"injuste et extravagante".
La veille déjà, de mutiples voix UMP avaient donné une lecture très politique d'un développement judiciaire survenu deux jours après la démission du brillant ministre socialiste Jérôme Cahuzac. On avait parlé "d'instrumentalisation" (Christian Estrosi), "acharnement" (Geoffroy Didier), calendrier bizarrement opportun (Laurent Wauquiez).
Gare aux pressions sur la justice, s'est alarmé vendredi le numéro un socialiste Harlem Désir. "C'est insupportable de mettre ainsi en cause la probité et l'indépendance des juges".
Comme le sénateur David Assouline la veille, le Premier secrétaire a mis l'accent sur la gravité des faits soupçonnés, s'ils étaient avérés.
Une gravité mise aussi en avant par le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon ("la racine des problèmes est dans un modèle démocratique où l'argent règne sur tout") et par la présidente du Front national, Marine Le Pen ("Il s'agirait d'un abus de faiblesse sur une femme âgée et diminuée, dans le cadre du financement illégal d'une campagne électorale").
Première membre du gouvernement de Jean-Marc Ayrault à commenter (l'Elysée a opposé un non résolu à toutes les demandes de réactions), la ministre écologiste, Cécile Duflot, a simplement jugé "normal" cet épisode d'un dossier tentaculaire dont l'instruction semble en voie d'achèvement avec 17 mises en examen prononcées.
Le socialiste Jean-Christophe Cambadélis s'est placé sur un autre plan : attention, a-t-il dit, à la "colère de l'opinion" devant ce qu'il a elliptiquement qualifié de "pluralité des mises en cause".
Un premier test de cette "colère" pourrait être la législative partielle de l'Oise qui voit s'affronter au second tour dimanche un UMP et une candidate FN.
Un parti dont la présidente - également avocate - a assuré que désormais, Nicolas Sarkozy ne pouvait plus siéger au Conseil constitutionnel dont sont membres de droit tous les anciens chefs de l'Etat.