La prise de parole de Judith Godrèche encourage des victimes à sortir du silence. Jeudi dernier, l'acteur Aurélien Wiik a à son tour témoigné des violences sexuelles qu'il a subies de ses 11 ans à ses 15 ans, et invité ses pairs qui auraient également été victimes à témoigner avec le hashtag #MeTooGarçons.
La vague #MeToo déferle sur le cinéma français depuis le témoignage de Judith Godrèche, et ne concerne pas seulement les femmes. Lancé le 22 février par l’acteur Aurélien Wiik, qui s’est dit inspiré par la démarche de l’actrice - et lui-même victime d’abus de la part de son agent et de membres de son entourage de ses 11 à ses 15 ans - le hashtag #metoogarçons encouragent les hommes qui ont subi des violences sexuelles à livrer leurs témoignages.
Dans plusieurs messages postés sur son compte Instagram, le comédien de 43 ans, vu notamment dans la série «Munch», a raconté avoir porté plainte à l'âge de 16 ans parce que son agresseur «le faisait à d'autres». «Certains me demandent ce qu'il est devenu. Je réponds : Je l'ai envoyé en prison», a-t-il fait savoir. «On était plusieurs gamins au procès. Il a pris 5 ans. C'est possible», a-t-il ajouté, invitant toutes les victimes à prendre la parole pour faire tomber leur bourreau.
Mêmes violences, même témoignages
Aurélien Wiik pointe du doigt «producteurs et réalisateurs» et dénonce «agressions, harcèlements, tentatives de viol», ainsi que le «chantage contre des rôles». «La virilité est un vieux concept. Avoir été abusé ne fait pas de nous moins des hommes», a-t-il adressé aux victimes, avant de se tourner vers les agresseurs : «Tremblez, votre tour viendra. Vous savez qui vous êtes. Les garçons du cinéma se réveillent.»
Dans la foulée de son témoignage, le directeur de casting Stéphane Gaillard a annoncé sur Instagram la création d'une boîte mails dans le but de rassembler les paroles de garçons. «Ils me racontent exactement la même chose que ce que racontent les actrices qui ont été abusées», a-t-il confié, selon les propos relayés par Le Parisien. «Ils me parlent d'agents, de réalisateurs, de producteurs et de directeurs de casting qui les ont violés, agressés sexuellement, drogués ou leur ont fait du chantage aux rôles». «Le viol sur des garçons, c’est un impensé de la société, explique-t-il. Alors qu’à partir du moment où des hommes ont le sentiment qu’on peut briser leur carrière, ils peuvent, eux aussi, se sentir sidérés, tétanisés, ligotés.»
Stéphane Gaillard dénonce la chape de plomb qui musèle tout le milieu du 7e Art. «Le silence dont a parlé Judith Godrèche aux César, je le vis actuellement», a-t-il également confié à nos confrères. «Depuis jeudi, je n’ai reçu aucun message de soutien. Comme si je trahissais le milieu du cinéma, alors que ceux qui le trahissent ce sont les agresseurs.»
Jeudi dernier également, l’acteur Francis Renaud, 56 ans, notamment vu dans les films d’Olivier Marchal, a publié sur X (anciennement Twitter) la photo d’une plainte déposée à l’encontre du réalisateur André Téchiné et du directeur de casting Gérard Moulévrier pour «harcèlement sexuel», «menace de mort» et «agression sexuelle». Des faits qui auraient été commis entre 1988 et 2004.
Ne jamais subir.
Ne jamais oublier.
Ne jamais se taire. #metoo #abusdepouvoir @academiedescesar #omerta #harcelementsexuel pic.twitter.com/2bV3pJWzMw— Francis Renaud (@FrancisRenaud1) February 22, 2024
L’acteur avait publié un livre en 2018, «La Rage au cœur», dans lequel il avait notamment raconté qu’un «superdirecteur de casting» lui avait un jour dit : «Le droit de cuissage, ça existe. Pour réussir, il faut coucher.» Il avait ajouté que la personne en question lui avait ensuite passé sa main entre ses cuisses pour lui «attraper le sexe doucement à travers [son] pantalon».
Francis Renaud avait aussi confié que lors d’un déjeuner avec André Téchiné, il aurait refusé les avances du réalisateur, ce qui lui aurait valu d’être «blacklisté». Contactés par le Parisien, André Téchiné et Gérard Moulevrier contestent les accusations du comédien.
En 2018 j'en parlais sur le plateau de #cestquedelatele avec @valerie.benaim @christophecarriere #cqdltv #cinéma #metoogarcons #metoocinema #larageaucoeur #abusdepouvoir #metoo #harcelementsexuel #omerta @steph_gaillard #interview @__charlottearnould__ @judithgodreche1 #acteurs pic.twitter.com/DoIrWDYW03
— Francis Renaud (@FrancisRenaud1) February 28, 2024
Des récits terribles par centaines
D’autres personnalités, pas forcément liées au cinéma, ont également osé apporter leur propre témoignage depuis l’appel d’Aurélien Wiik, comme le député La France insoumise Andy Kerbrat, qui a raconté, samedi 24 février, avoir été abusé à l’âge de 3 ans par un «prédateur, mort depuis».
Dans le sillage de ces personnalités, ce sont des centaines d’hommes qui ont annoncé avoir été victimes d’abus sexuels sur les réseaux sociaux, et continuent de le faire. «Quand j’avais 11 ans mon grand frère m’a demandé de lui faire une fellation» ; «J’ai été victime d’attouchements sexuel par un cousin que je voyais tous les étés» ; «De mes 9 ans à mes 15 ans, j’ai été abusé par mon beau-père»… Il apparaît, sur les réseaux sociaux, comme dans plusieurs études, que beaucoup d’entre eux ont été victimes pendant leur enfance et leur adolescence.
Une étude de l'Institut national d'études démographiques publiée en juin 2023, qui s’appuyait sur un sondage auprès de 28.000 personnes, et réalisé par l'Inserm à la demande de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'église catholique (Ciase), avait révélé fin 2021 que 14,5% des femmes et 6,4% des hommes en France avaient témoigné avoir été agressés sexuellement pendant leur minorité. «Les agresseurs sont très majoritairement des hommes, ce qui renvoie à la domination masculine», avait commenté auprès de l'AFP Nathalie Bajos, sociologue et démographe à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).