L'année musicale semblait promise à un duo casqué, elle sera finalement celle d'un Belge dégingandé. Stromae est devenu le phénomène de 2013 en quelques mois seulement, avec des chiffres de ventes rappelant l'âge d'or de l'industrie musicale.
Les chiffres officiels ne seront connus que fin janvier, mais le longiligne métis aux yeux verts est déjà assuré de terminer l'année en tête des meilleures ventes de disques, surclassant de loin Daft Punk et son intense campagne marketing ou Les Enfoirés, d'habitude indétrônables.
"On est à 1,1 million d'albums vendus en France et 300.000 à l'étranger, principalement en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas", indique à l'AFP Olivier Nusse, directeur de Mercury (Universal), le label de Stromae.
"On ne sait pas à quel niveau il va terminer l'année, chaque semaine on a des surprises. La semaine dernière, il a encore vendu 75.000 exemplaires de +Racine carrée+. On pense qu'il va en vendre plus de 100.000 pour la semaine en cours et qui sait ce qui va se passer la semaine de Noël", poursuit-il.
Depuis la crise qui a frappé l'industrie du disque au début des années 2000, rarement un artiste a connu un tel succès.
"L'album n'est sorti qu'il y a quatre mois et a encore beaucoup de potentiel. On est parti pour atteindre des chiffres que Mercury n'a pas connu depuis bien longtemps", confirme M. Nusse.
La ferveur est aussi dans les salles, où le public se presse pour assister à ses concerts, comme la semaine dernière où les Trans Musicales de Rennes ont dû prendre des mesures de sécurité spéciales face à l'engouement du public.
Sa tournée, qui s'étale sur un an, affiche déjà en grande partie complet (dont 3 Zénith de Paris et un Bercy) et il sera en tête d'affiche des plus grands festivals cet été.
Avant même d'aligner ces chiffres qui donnent le tournis, Stromae avait réussi un autre exploit, celui de mettre d'accord le public et la critique, louangeuse dès la sortie de "Racine carrée", un album puissant mais pourtant loin d'être consensuel.
"Ma crainte, ne pas rester normal"
"Ce qui fait le succès de Stromae, c'est l'ensemble de son projet. Séparément, rien n'est forcément fait pour que ça plaise à tout le monde. Parler du cancer, des MST ou de l'absence du père, a priori ce n'est pas fait pour aller sur tous les publics. Musicalement, c'est assez inédit et presque un peu risqué de mélanger toutes ces cultures, la musique africaine, sud-américaine, la +dance+", analyse M. Nusse.
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"Ce qui marche, c'est le mélange de tout ça, accompagné par une image très forte et très personnelle, incarné par un artiste avec un physique, un stylisme à part. Pour couronner le tout, il a remis au goût du jour l'importance de l'interprétation", estime-t-il.
Stromae "canalise avec succès la grisaille qui plane actuellement sur l'Europe", juge de son côté le New York Times, qui lui a consacré un portrait cet automne.
Pour Stromae lui-même, le succès reste mystérieux. "Je ne sais pas ce que les gens sont venus chercher dans ce disque, apparemment ce n'était pas que de la musique", a-t-il récemment déclaré sur RTL.
Paul Van Haver, né à Bruxelles il y a 28 ans d'une mère flamande et d'un père rwandais, avoue avoir encore du mal à se faire à la récente notoriété de son "personnage".
Il faut dire que son premier album, "Cheese", publié il y a trois ans, avait connu un succès honorable mais bien plus conforme à l'état du marché: 120.000 ventes.
"Ma crainte, c'est de ne pas rester normal. Le jour où je me prendrai au sérieux, c'est là que je commencerai à partir en cacahouète", confiait-il il y a peu lors de son passage aux Trans Musicales.