On recense aujourd’hui 134 vignes en Ile-de-France, dont une dizaine à Paris. C’est finalement peu au regard des 42 000 ha que représentait le vignoble d’Ile-de-France à son apogée, au XVIIIe siècle. Il était alors le plus important de France. Il faut dire que les Franciliens, Parisiens en tête, étaient de gros consommateurs.
Les guinguettes où les verres étaient bon marché faisaient le plein en fin de semaine. Toutes les couches sociales s’y retrouvaient et partageaient parfois un pas de danse. Un état d’esprit toujours présent grâce au dynamisme d’associations et de passionnés de bonne chère. De la butte Montmartre à Belleville, boire un verre est toujours un moment de fête.
La plus authentique : le parc de Bercy
Elles ont été plantées là pour rappeler le passé vinicole du lieu. Près de 680 m2 de vignes basses en sauvignon et chardonnay et 350 m2 de treille de raisin de table s’étalent depuis 1996 dans le jardin Yitzhak-Rabin, dans le parc de Bercy (12e arrondissement).
Située sur les berges de la Seine, la commune de Bercy a attiré dès le XVIIe siècle les négociants en vins. Comme elle se trouvait hors de Paris, celui-ci n’y était pas taxé. Finalement, en 1859, elle a été annexée à la capitale. Bercy est alors devenu le plus grand marché mondial de vins.
Les tonneaux arrivaient par la Seine mais aussi par wagon-citerne depuis la gare de la Rapée, aujourd’hui disparue. Ils étaient ensuite entreposés dans les chais. Le Tout-Paris se pressait les dimanches et les jours de fêtes dans les guinguettes qui avaient investi le bord de Seine où le vin était bien moins cher.
Cette activité est restée florissante jusqu’en 1950. La rénovation du quartier a entraîné la disparition des entrepôts. Mais, aujourd’hui, on peut encore voir cour Saint-Emilion les chais (transformés en boutiques ou restaurants) qui témoignent de cette époque révolue. Jardin Yitzhak-Rabin, parc de Bercy (15e).
La plus conviviale : le bistrot Melac
C’est une journée à ne pas rater : les vendanges du mythique bistrot Melac à l’angle des rues Léon-Frot et Emile-Lepeu (11e). Tenu pendant des années par Jacques Melac, et sa fameuse moustache, il a été repris il y a deux ans par un autre Aveyronnais également passionné de bonne chère.
Soucieux de perpétuer la tradition de cette institution, le nouveau gérant organise chaque année les vendanges du Château Charonne. Des jeunes femmes récoltent les grappes du pied de cépage Baco. Planté dans la cave de l’établissement, il se déploie sur la façade du bistrot. Ce sont ensuite les enfants qui piétinent le raisin dans des cuves, à l’ancienne.
Le tout se déroule dans une ambiance très festive où Parisiens curieux et voisins du quartier se retrouvent pour savourer de la charcuterie, des fromages du Cantal, et bien sûr boire des verres de Château Charonne. Si la récolte est modeste, elle permet toutefois de produire une trentaine de bouteilles et surtout de passer un excellent moment. Bistrot Melac, 42, rue Léon-Frot (11e).
La plus privée : Bagatelle
C’est un des trésors cachés du 16e arrondissement de Paris. Situé en bordure du bois de Boulogne, le domaine de la Vigne de Paris-Bagatelle est la seule exploitation viticole privée de la capitale. On peut y découvrir 400 ceps de vigne plantés il y a près de dix ans au pied d’un hôtel particulier construit en 1926 pour le Maharajah de Kapourtala.
Avec ses 160 m² de salons et son demi-hectare de jardin, le lieu est un écrin idéal pour organiser une garden-party, un séminaire professionnel ou un mariage. Mais la meilleure façon de découvrir le domaine est de se laisser guider par le maître de chai. Des visites des vignes et du chai de vinification sont en effet organisées.
Xavier Charvin, vigneron passionné, transmet son savoir à ses visiteurs, et bien plus encore. Des cours d’œnologie, associant la théorie à la pratique, sont organisés pour connaître les caractéristiques des différents cépages. Des ateliers-dégustations permettent aussi de s’initier aux différentes étapes de la vinification grâce aux installations du domaine (de la taille de la vigne à la mise en bouteille).
De quoi ravir les experts comme les amateurs. La vigne de Paris-Bagatelle, 10, route du Champ d’entraînement (16e).
La plus festive : Belleville
La petite parcelle de 500 m2 plantée en 1992 sur la colline de Belleville se trouve non loin de là où était, au XIIIe siècle, la ferme de Savies. Tenue par des moines, elle possédait 15 ha de vignes situées probablement sur l’actuel parc.
Au fil des siècles, cette tradition s’est perpétuée. C’était en effet à Belleville que l’on produisait le guinguet, un vin aigre et pétillant qui donna plus tard son nom aux guinguettes, ces fameux cabarets populaires. Au XVIIIe siècle, la colline de Belleville comptait beaucoup d’endroits de ce genre où l’on venait se désaltérer avec un vin bon marché issu des vignes environnantes.
Dans la première moitié du XIXe siècle, une fois par an, la colline devenait le théâtre d’une étrange parade bruyante appelée la «descente de la Courtille». Elle se déroulait à l’issue de la nuit du mardi gras et rassemblait tous les clients avinés des guinguettes qui fermaient.
Affublés de déguisements, ces derniers dévalaient la colline en hurlant et en jetant des objets sur leur passage. Parc de Belleville, 47, rue des Couronnes (20e).
La plus historique : le clos Montmartre (18e)
Perché sur la butte Montmartre, un clos abrite la plus importante vigne de la capitale. Sur 1 556 m2, plus de 1 750 pieds de vigne contemplent Paris. Un lieu chargé d’histoire puisqu’il s’agit du plus vieux vignoble de la ville, témoin du passé viticole de Montmartre.
On estime d’ailleurs que ses habitants cultivaient déjà des vignes à l’époque gallo-romaine. Une culture qui est devenue un véritable sacerdoce jusqu’au XVIe siècle. Toutefois, le XVIIIe siècle a marqué un temps d’arrêt pour les viticulteurs pour laisser place à des habitations. Selon la mairie de Paris, il a fallu attendre 1932 pour que des pieds de vigne soient à nouveau plantés dans ce clos.
C’est en 1935 que la capitale décida d’en célébrer les vendanges, une fête qui perdure aujourd’hui et qui fédère chaque année quelque 500 000 curieux. La prochaine est ainsi prévue du 8 au 12 octobre. Le cru 2013, que l’on pourra déguster, a pour surnom cette année la «cuvée des poètes».
Il s’agit pour la première fois depuis 1933 d’un rosé, et non d’un blanc ou d’un rouge. «Il y avait des risques de produire un mauvais vin rouge, à cause du faible ensoleillement sur la parcelle et donc du manque de maturité du raisin lors des vendanges», explique Sylviane Leplatre, œnologue de la Ville de Paris. 1 000 bouteilles ont été produites. Clos Montmartre, rue des Saules (18e).