Rochefort célèbre en grande pompe vendredi la mise à flot dans la Charente de la réplique de l'Hermione, la frégate sur laquelle La Fayette rallia en 1780 les Etats-Unis, étape décisive de ce défi technique avant la traversée jusqu'à Boston en 2015.
C'est vers 18H30, à la marée montante, que les 50.000 visiteurs attendus dans l'ancien arsenal assisteront à la sortie du navire de sa forme de radoub, le bassin qui a abrité son chantier depuis 1997. Tirée par deux remorqueurs, la coque de la frégate - qui n'a encore ni mâts, ni voiles, ni gréement - voguera quelques heures sur la Charente avant de mouiller devant l'ancienne corderie royale.
"La coque est terminée. C'est une occasion de faire la fête avec tous les Rochefortais!", se félicite Benedict Donnelly, président de l'association Hermione-La Fayette, à l'origine de ce pari fou : reconstruire à l'identique le trois-mâts sur lequel Gilbert du Motier (1757-1834), marquis de La Fayette, avait embarqué le 21 mars 1780 pour aller annoncer à George Washington le soutien officiel de la France aux indépendantistes américains.
Déjà mise en eau dans sa forme de radoub depuis mars pour tester sa stabilité, la frégate - longue de 65 mètres et large de 11 mètres - naviguera pour la première fois en conditions réelles sur le fleuve, avant de regagner dès samedi un autre bassin de construction navale mieux adapté à la poursuite du chantier.
En fin d'après-midi, une parade déguisée d'enfants de la ville rejoindra les bord de la Charente où une soixantaine de bateaux de tradition viendront saluer l'Hermione, dont la coque, peinte de rouge, bleu et jaune d'après les couleurs d'origine, a été reproduite selon les savoir-faire traditionnels.
Ayant coûté à ce jour 23 millions d'euros - le double du budget annoncé initialement - ce chantier titanesque a mobilisé des dizaines d'artisans venus de France, mais aussi d'Angleterre, d'Allemagne, d'Espagne, qui ont travaillé sous les yeux de quelque 3,5 millions de visiteurs.
"Le meilleur symbole pour redonner vie au patrimoine de Rochefort", ville-arsenal créée au 17e siècle sur instruction de Colbert, "c'était de construire un navire", explique M. Donnelly. "On en a rêvé, on l'a fait!", se réjouit-il, en lisant l'autorisation de navigation de plaisance que viennent de délivrer à l'Hermione les autorités maritimes.
Prochain défi de taille pour la frégate, la traversée de l'Atlantique à l'horizon 2015, grâce à des moteurs électriques et avec un double équipage, français et américain. D'ici là, le navire devra encore recevoir ses trois-mâts - dont un grand-mât de 54 mètres - 24 km de cordages et plus de 2.200 m2 de voiles.
"La dimension franco-américaine fait partie de notre projet depuis le début", rappelle M. Donnelly, alors que l'association Hermione-La Fayette s'apprête à lancer un appel à candidatures auprès des villes américaines désireuses de recevoir la frégate. La mise à flot à Rochefort sera d'ailleurs retransmise en direct au consulat de France à New York.
Après 38 jours de traversée sur l'Hermione, La Fayette, âgé d'à peine 23 ans, avait débarqué à Boston pour combattre aux côtés des insurgés américains contre les troupes britanniques. Il avait alors reçu de George Washington le commandement des troupes de Virginie, scellant son destin de héros de l'Indépendance américaine.