Le 14 janvier 1986, Daniel Balavoine trouvait la mort dans un accident d’hélicoptère en marge du Paris-Dakar, au Mali. Dans «Balavoine, la véritable histoire» (Rocher), l'auteur Fabien Lecoeuvre revient sur le parcours du chanteur, entre anecdotes et confidences. A ses yeux, les messages véhiculés par l'artiste dans ses chansons sont toujours d'actualité.
Trente ans après sa mort, quel est l'héritage de Daniel Balavoine ?
Porte-parole de la jeunesse laissée pour compte dans les années 1980, il évoquait dans ses chansons («L'Aziza», «Vivre ou survivre», «Tous les cris, les S.O.S»...) la question du chômage, du racisme, de l'immigration et de la misère dans le monde. Ses messages sont toujours d'actualité et ont la même résonnance auprès du public. De son vivant, Daniel Balavoine voulait créer une banque alimentaire. Il harcelait les pouvoirs publics et les patrons des grandes surfaces pour récupérer le surplus des magasins. Trente ans après, on aspire à la même chose.
Daniel Balavoine _ L Aziza (1985) par f100003711049813
Vous avez eu la chance de le rencontrer à plusieurs reprises. Quel genre d’homme était-il ?
Il était très nerveux et impatient. Cela pouvait parfois le rendre excessif dans ses comportements. En cela, il était proche d’un Claude François. Tous deux donnaient l’impression qu’ils savaient déjà qu’ils n’auraient pas le temps de tout dire, de tout faire. Je me souviens aussi d’un homme au grand cœur, très généreux. Avec lui, on riait beaucoup. Il se moquait de tout, à commencer par lui. Daniel Balavoine adorait qu’on lui raconte des potins et des histoires drôles. Nous avions un jeu entre nous que nous avions baptisé le «Qui baise qui ?»
C'était également un épicurien, un homme qui aimait la vie...
Il a passé sa vie à faire un régime car il aimait manger, boire et préparer à dîner à ses amis. Son embonpoint traduisait son amour pour les plaisirs de la vie. Il m'avait confié, un jour, que faire du sport lui ouvrait l'appétit. Alors pour perdre du poids, il préférait arrêter de manger. Il pouvait rester couché jusqu’à 16h, voire même pendant deux jours, pour ne pas manger.
En mai-68, il défilait dans les rues de Pau où il était étudiant et se rêvait député.
Il était un grand fan des meetings politiques et se rendait dans les MJC et les gymnases pour écouter les discours des «révolutionnaires» Daniel Cohn-Bendit et Alain Geismar. Daniel Balavoine appréciait les gens qui montaient à la tribune pour crier leurs vérités. Il détestait, en revanche, l’instrumentalisation de ce que l’on pouvait en faire et les partis politiques. Idem pour la chanson. Il aimait son métier, mais haïssait le star-system. C'était un grand enfant avec des combats d'homme.
S’il était encore vivant, se serait-il lancé en politique ?
Je pense qu’il aurait fait le grand saut. Militant, il serait devenu ministre de la Culture lors du second septennat de François Mitterrand, dont il était proche. Il aurait pu aussi accéder à un poste de secrétaire d’Etat à la Culture ou à la Jeunesse.
Il disait souffrir «d'incontinence verbale». Cela lui a-t-il causé du tort ?
Il ne pouvait s'empêcher de parler de politique ou de défendre son idée de la justice sociale. Parfois, il explosait...
A l'image de son altercation avec François Mitterrand, alors premier secrétaire du parti socialiste, sur le plateau du journal télévisé de 13h d'Antenne 2 le 19 mars 1980.
Le journaliste Patrick Lecoq l’avait convié pour avoir l’avis d’un chanteur populaire pour ce débat organisé avec le futur chef de l'Etat. Il venait de rencontrer un immense succès lors de ses concerts à l'Olympia du 31 janvier au 2 février 1980. Pour participer à ce journal télévisé, Daniel Balavoine, qui ne se réveillait jamais avant 13h ou 14h, avait dû se lever tôt, se laver les cheveux, se raser, se rendre rue Cognacq-Jay dans le 7e arrondissement de Paris et se présenter une demi-heure avant l’ouverture du journal vers 12h30. Il n'est passé qu'à 13h25 et avait l'impression qu'on ne lui donnerait pas la parole. Révolté, vif et nerveux, il a explosé. Il a toujours cette rage en lui et l'envie de se battre. Il m'avait raconté qu'il avait la sensation de devoir la vie à son frère mort à quinze mois. «S'il avait survécu, je ne serais jamais né», me disait-il.
Quand Daniel Balavoine s'énervait contre... par tbiet1
Outre ses engagements humanitaires ou politiques, il était aussi connu pour sa voix haut perchée.
Une voix exceptionnelle qui lui a néanmoins valu quelques remarques au début de sa carrière. On disait qu'il avait une voix d'homosexuel. Il l'évoque notamment dans le tube «Le Chanteur». Daniel Balavoine a appris à chanter en écoutant des chansons des Beatles, groupe qu'il découvre en 1963 dans le dortoir à Pau où il était interne.
Daniel Balavoine-"Le Chanteur" (1978) par FandeBalavoine
Il appréciait aussi les chanteurs de la pop anglaise. Les artistes de la jeune génération peinent souvent à reprendre ses titres. Daniel Balavoine fait partie des artistes jamais remplacés dans le coeur des Français. Aujourd'hui, on fait des chansons, mais pas des succès. Il faut attendre 15 ans pour prétendre faire une carrière. En seulement six ou sept ans, Daniel Balavoine a été l'auteur d'une quinzaine de tubes.
Balavoine, la véritable histoire, de Fabien Lecoeuvre, éd. du Rocher, 17,50 euros.