Washington a autorisé l'Ukraine à frapper le territoire russe avec des missiles à longue portée fournis par les Etats-Unis. Un changement stratégique majeur à quelques semaines de l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, vécu comme «une escalade» vers «une troisième guerre mondiale» par le futur président.
«Escalade», menace d’une «troisième guerre mondiale» : c’est avec ces mots que la garde rapprochée de Donald Trump a ouvertement critiqué, lundi 18 novembre, la décision de Joe Biden d’autoriser l’Ukraine à frapper le territoire russe avec des missiles à longue portée de fabrication américaine.
En écho au Kremlin, qui a promis une réponse «appropriée» en cas de tirs de ces missiles ATACMS contre la Russie, l’entourage de Donald Trump a accusé Joe Biden de risquer une escalade «aux fins politiques». Le président russe, Vladimir Poutine avait par ailleurs prévenu qu'une telle décision signifierait que «les pays de l'Otan sont en guerre contre la Russie».
Un tournant dans la guerre ?
C’est une décision qui fera date : en autorisant l’utilisation de ces missiles, le président Joe Biden accède ainsi à une demande de longue date de Kiev peu avant son départ de la Maison Blanche et le retour de Donald Trump, très critique sur l'aide américaine à l'Ukraine. Et pour cause : ces missiles d'une portée maximale de plusieurs centaines de kilomètres permettraient à l'Ukraine d'atteindre des sites logistiques de l'armée russe et des aérodromes d'où décollent ses bombardiers.
Les missiles ATACMS fournis par les Etats-Unis devraient ainsi être utilisés dans la région frontalière russe de Koursk, où ont été déployés des soldats nord-coréens en appui des troupes russes, selon le New York Times, qui cite des responsables américains s'exprimant sous couvert de l'anonymat. La décision par Washington d'autoriser l'Ukraine à utiliser ces missiles est venue en réaction à ce déploiement de militaires nord-coréens, selon ces responsables.
L'entourage de Donald Trump monte au créneau
«Personne n’avait anticipé que Joe Biden serait responsable de l’escalade de la guerre en Ukraine pendant la période de transition. C’est comme s’il lançait une toute nouvelle guerre», a écrit sur X Richard Grenell, ancien directeur du Renseignement national pendant le premier mandat de Trump (2017-2021). Richard Grenell ne s’est pas encore vu attribuer de poste mais son nom avait circulé pour chapeauter la diplomatie américaine, avant que Donald Trump ne jette son dévolu sur le sénateur Marco Rubio.
No one anticipated that Joe Biden would ESCALATE the war in Ukraine during the transition period.
This is as if he is launching a whole new war.
Everything has changed now - all previous calculations are null and void. And all for politics. https://t.co/7ktLb5jpO7— Richard Grenell (@RichardGrenell) November 17, 2024
«Il s’agit d’une nouvelle étape dans l’escalade et personne ne sait où cela va nous mener», a pour sa part déclaré sur la chaîne Fox l’élu de Floride, Mike Waltz, prochain conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump, un poste clé. «Le complexe militaro-industriel qui semble vouloir s’assurer de déclencher la troisième guerre mondiale avant que mon père n’ait la possibilité d’instaurer la paix et de sauver des vies», a abondé sur X le fils de l’ancien président, Donald Trump Jr.
The Military Industrial Complex seems to want to make sure they get World War 3 going before my father has a chance to create peace and save lives.
Gotta lock in those $Trillions.
Life be damned!!! Imbeciles! https://t.co/ZzfwnhBxRh— Donald Trump Jr. (@DonaldJTrumpJr) November 17, 2024
Si Donald Trump n’a pas réagi publiquement, son équipe de campagne a indiqué qu’il était «le seul à même d’amener les deux parties à négocier la paix et à œuvrer pour mettre fin à la guerre et aux tueries», selon son porte-parole Steven Cheung. Lors de son briefing quotidien, le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, a répondu que la Russie était seule responsable d’une «escalade majeure» en ayant accepté le déploiement sur son sol de milliers de soldats nord-coréens, et qu’il n’y avait «qu’un président à la fois».
Maintien de l'aide amérciaine ?
Du côté de l’Ukraine, le président Volodymyr Zelensky a lui-même accueilli avec prudence l'annonce du responsable américain, se contentant de noter que ces armements «parleront d'eux-mêmes». À l’occasion du millième jour de la guerre, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriï Sybiga, se rendra ce mardi au Congrès américain à Washington pour y soutenir le maintien de l’aide des États-Unis.
Car les intentions de la future administration Trump sont tout sauf claires. L’ancien président, qui fera son retour à la Maison Blanche le 20 janvier, a promis de mettre fin à la guerre en «24 heures» - sans dévoiler comment - et a remis en cause les dizaines de milliards de dollars dépensés (plus de 60 milliards) par Washington en faveur de l'Ukraine depuis l’invasion russe.
«Comment amener les deux parties à la table des négociations pour mettre fin à cette guerre ? Quel est le cadre d’un accord et qui s’assoit à cette table ? C’est sur ces questions que le président Trump et moi-même allons travailler», a indiqué Mike Waltz. Juste après son élection le 5 novembre face à la vice-présidente Kamala Harris, Donald Trump s’était entretenu avec le président Zelensky, qui a fait partie d’une «interaction constructive».
En attendant, le président Biden cherche à damer le pion au futur président et à poser des marqueurs que la prochaine administration aura du mal à défaire, dans l’objectif de renforcer la position de Kiev en cas de négociations.